Économie

BEAC : règlement de comptes « à la tchadienne » ?

Le Comité militaire de transition (CMT) exige le « retrait » d’Annour Mahamat Hassan, petit frère de Moussa Faki Mahamat. Une décision qui interroge…

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Mis à jour le 18 mai 2021 à 11:03

Moussa Faki Mahamat (Tchad), ancien Premier Ministre de 2003 a 2005, il est président de la Commission de l’Union africaine depuis 2017. À Paris, le 09 juin 2019. © Vincent Fournier pour J.A.

Annour Mahamat Hassan, une victime collatérale ? C’est à tout le moins l’impression qui prévaut, au siège de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), à Yaoundé, depuis que les nouvelles autorités de N’Djamena ont décidé d’avoir la tête du directeur national au Tchad de la banque centrale régionale.

Retrait de confiance

Dans une correspondance datée du 4 mai et qui a fuité, le ministre des Finances et du Budget a signifié au gouverneur, Abbas Mahamat Tolli, la décision du Comité militaire de transition (CMT)., présidé par le général Mahamat Idriss Déby, fils du défunt chef de l’État tchadien. »J’ai l’avantage de vous informer que les plus Hautes Autorités Tchadiennes ont décidé de retirer leur confiance au directeur national de la BEAC pour le Tchad, Monsieur Annour Mahamat Hassan », écrit Tahir Hamid Nguilin. Ce dernier attend du gouverneur Tolli – par ailleurs neveu de l’ex-président Idriss Deby Itno – des propositions de remplacement.

La nouvelle a vite fait le tour des réseaux sociaux tchadiens, d’aucuns détectant une volonté du CMT de placer à ce poste « quelqu’un qu’on pourrait manipuler », d’autres attribuant au futur-ex directeur national des critiques adressées aux nouvelles autorités de N’Djamena. Des spéculations nourries par l’absence de motifs.

Extrait du courrier du ministre tchadien des Finances exigeant le remplacement du directeur national de la banque centrale régionale. © DR

Extrait du courrier du ministre tchadien des Finances exigeant le remplacement du directeur national de la banque centrale régionale. © DR

Aucun impair à reprocher à l’intéressé

Sur ce point, le gouvernement de transition se montre peu disert. Le Premier ministre, Albert Pahimi Padacké, n’a pas répondu à la sollicitation de Jeune Afrique. « A-t-on besoin de reprocher quelque chose à toute personne qu’on veut muter ? Les directeurs nationaux ne sont pas des mandataires. Ils sont révocables ad nutum », glisse un dignitaire sous cape.

À Yaoundé, où se trouve le siège de la banque centrale, la surprise se mêle à l’incompréhension. « Aucune raison n’a été fournie. Nous avons beau chercher, nous ne trouvons aucun impair à reprocher à l’intéressé dans l’exercice de ses fonctions », observe un cadre.

Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), rencontre Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de la Banque des États d'Afrique centrale, dans son bureau au siège du FMI à Washington, DC. 15 janvier 2020 © International Monetary Fund/Flickr/Licence CC

Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), rencontre Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de la Banque des États d'Afrique centrale, dans son bureau au siège du FMI à Washington, DC. 15 janvier 2020 © International Monetary Fund/Flickr/Licence CC

Diplômé de l’Ecole nationale d’administration (ENA) du Tchad, Annour Mahamat Hassan a effectué l’essentiel de sa carrière à la Banque sahélo-saharienne pour l’investissement et le commerce (BSIC) qu’il intègre en 2003 comme numéro deux de la succursale tchadienne. Il dirigera ensuite les filiales nigérienne et malienne du groupe bancaire à capitaux majoritairement libyens, jusqu’à sa nomination en 2016 à la tête de la direction nationale de la Beac de son pays.

Annour Mahamat Hassan est surtout connu comme le petit frère de Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’Union africaine, une piste explorée pour expliquer ses malheurs.

« Le CMT reprocherait à Moussa Faki de jouer contre lui en sourdine. Il fallait lui envoyer un message », suppute-t-on à Yaoundé.

Banque centrale - BEAC et place de la Justice à N'Djamena. © Renaud Van der Meeren

Banque centrale - BEAC et place de la Justice à N'Djamena. © Renaud Van der Meeren

Rétablir l’ordre constitutionnel

De fait, l’attitude de l’Union africaine dans le dossier tchadien n’est pas de nature à rassurer Ndjamena.

Fin avril, la Commission a dépêché une mission à N’Djamena afin de « discuter avec les autorités tchadiennes de toutes les questions relatives à la situation dans le pays », « soutenir l’enquête sur le meurtre du défunt Président Idriss Deby Itno », et « s’instruire des faits dans le but de rétablir l’ordre constitutionnel ».

Pour l’instant, le CMT a échappé aux sanctions immédiates de l’Union, après d’intenses débats au sein du Conseil de paix et de sécurité, mais les autorités de la transition restent toutefois « sous surveillance ».