Politique

[Éditorial] RDC – Pour Félix Tshisekedi, top départ à mi-mandat ?

Crise sécuritaire, tensions entre « fils de… », accession tardive à la présidence… La RDC est un cas d’école politicien. Deux ans et demi après son investiture, le président Félix Tshisekedi semble enfin avoir le champ libre. Son premier grand chantier : la sécurité.

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Mis à jour le 2 juin 2021 à 17:55
Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Félix Tshisekedi devant un portrait de Patrice Lumumba, figure de l’indépendance, assassiné dans l’ex-Katanga en janvier 1961.

Tout Institut détudes politiques devrait inscrire la République démocratique du Congo contemporaine à son programme éducatif, tant lhistoire postcoloniale congolaise semble contenir tous les cas de figure historiques. Dans ce concentré de politique africaine, on trouve le culte dun martyr panafricain – Lumumba comme le Burkinabè Sankara –, lépisode autocratique fantasque – Mobutu comme le Centrafricain Bokassa –, la succession filiale dun père assassiné – Kabila comme le Tchadien Déby Itno –, laccession tardive à la présidence par les urnes – Tshisekedi comme le Guinéen Condé –, les ingérences transfrontalières – ougandaises ou rwandaises en RDC comme érythréennes en Éthiopie , ou encore la gestion inégalitaire dun trop vaste territoire – lest de la RDC comme le nord du Mali. 

Laccès à une sérénité politique souveraine et efficiente nest jamais un long fleuve tranquille. Comme lhorizon, la stabilité semble séloigner à mesure quon sen approche, y compris quand les clefs du pouvoir sont remises à un chef dÉtat au nom dune expression populaire formalisée par des élections validées.  

Le « Tshisekedi nouveau »

Ce nest que deux ans après laccession de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême que le « fils dÉtienne » semble émancipé du « fils de Laurent-Désiré ». Linattendue Union sacrée proclamée et le gouvernement de Sama Lukonde Kyenge enfin investi, les Congolais longtemps sceptiques peuvent-ils croire aux fruits économiques prochains du « scandale géologique » congolais et à une paix inespérée sur lensemble du territoire ? 

Comme l’horizon, la stabilité semble s’éloigner à mesure qu’on s’en approche

Même échaudé par la sempiternelle sarabande délus à lidéologie nomade, le citoyen aura à juger sur pièces, lors délections prochaines qui sinsinuent déjà dans les esprits. Le régime actuel aborde la deuxième moitié dun mandat qui semblait patiner sur les jeux dappareils politiciens. Le quinquennat de « Fatshi » va-t-il enfin commencer « pour de vrai » ? Volontariste et radical, le chef de lÉtat a choisi le test qui permettra dévaluer le « Tshisekedi nouveau » : la sécurité dans lest du pays, lune de ses promesses de campagne devenue arlésienne, au fil des mois. 

Rancœurs idéologiques et appétits miniers 

Depuis le 6 mai 2021, un état de siège décidé par ordonnance présidentielle permet aux militaires et à la police nationale congolaise de gérer les provinces du Nord-Kivu et de lIturi, véritables zones de non-droits où les autorités civiles semblaient impuissantes. Le Kivu na jamais retrouvé de stabilité durable depuis les deux guerres de 1996-1997 et de 1998-2003. Après une accalmie dune quinzaine dannées, lIturi, elle, basculait de nouveau dans la violence fin 2017. Dans ce nid dune centaine de groupes armés – 122 daprès un groupe dexperts du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST) –, essaiment notamment les Forces démocratiques alliées (FDA), affiliées à lÉtat islamique, et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), réfugiées dans les forêts. Carburant de ce programme tragique : rancœurs idéologiques et appétit minier. 

Quelques jours après le début de létat de siège dans la région, lopinion sémouvait de nouvelles violences, notamment les meurtres dune caporale des Casques bleus de 28 ans, lors de lattaque dune base de lONU près de Beni, et dun animateur dune radio locale, journaliste âgé de 23 ans.  

Poigne républicaine

Le chef de lÉtat est manifestement disposé à rendre des comptes rapidement, puisquil a prévu un état de siège dune période de trente jours. Période qui sachève déjà en ce début juin… Si le régime venait à senliser dans une reconduction de cet état de fait au parfum détat dexception ou sil venait à faillir dans sa politique de poigne républicaine, il pourrait compter sur un aiguillon aussi persévérant quindépendant : le docteur Denis Mukwege. Enfant du Kivu, le prix Nobel de la paix na de cesse de réclamer la pacification de lEst de la RDC et la poursuite des auteurs de violations des droits de l’homme.