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Les 500 premières entreprises africaines en 2021

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Économie

Comment Ethiopian Airlines survole la crise

Grâce au fret et à son inventivité, la première compagnie du continent, forte de son positionnement sur le couloir entre Asie et Afrique, a enregistré des bénéfices en 2020.

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Mis à jour le 9 juin 2021 à 09:17

Acheminement vers l’Afrique de test de dépistage du Covid offerts par le milliardaire chinois Jack Ma et la Fondation Alibababa, le 22 avril 2020 © Tiksa Negeri / REUTERS

Ethiopian Airlines, qui fête ses 75 ans, figure avec Korean Air et Asiana parmi les trois seules compagnies au monde à avoir fait des bénéfices en 2020 (année fiscale arrêtée en juin). Le secteur a pourtant été très durement touché par les conséquences de la pandémie, les pertes cumulées ont atteint 103 milliards d’euros, dont 1,6 milliard d’euros pour les compagnies du continent.

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Son PDG, Tewolde Gebremariam, indique que l’entreprise a « démontré de l’agilité, une prise de décision rapide et une résilience qui nous ont aidés » face à la chute du trafic de passagers (-69 % en Afrique par rapport à 2019).

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Opération triangulaire

Au pic de la crise, la compagnie a privilégié son activité de fret aérien : 25 avions passagers réaménagés ont rejoint la flotte existante de 12 avions-cargos selon Tewolde Gebremariam. Un secteur en expansion où la demande dépasse déjà de 9 % celle d’avant-crise.

Conteneurs de vaccins AstraZeneca à l'aéroport international de Bole, à Addis Abeba, le 7 mars 2021. © Tiksa Negeri/REUTERS

Conteneurs de vaccins AstraZeneca à l'aéroport international de Bole, à Addis Abeba, le 7 mars 2021. © Tiksa Negeri/REUTERS

« Avant même le Covid, Ethiopian avait pris la décision de développer cette activité. La pandémie leur a permis de capitaliser leurs investissements antérieurs », explique Raphael Kuuchi, directeur consultant pour les affaires légales, industrielles et gouvernementales de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa) à Jeune Afrique (JA).

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La compagnie a ainsi pu assurer le transport de matériel médical, et elle continue d’être un partenaire de choix pour l’OMS, les Nations unies et le géant chinois Alibaba dans la distribution mondiale de vaccins.

« Depuis début mai 2021, Ethiopian a transporté plus de 20 millions de doses dans plus de 20 pays. L’entreprise développe également une usine de fabrication de glace sèche pour répondre au besoin d’environnement ultra-froid pour le stockage et le transport des vaccins. Cela offrira des avantages à long terme pour le développement des chaînes de froid nationales et régionales dans des secteurs tels que l’horticulture, l’agro-industrie et la santé », explique à JA Chiedza Madzima, chargée de recherche et risque opérationnel, chez Fitch Solutions.

La pandémie a eu un effet positif pour les activités d’Ethiopian

Pour l’heure, « c’est son positionnement sur le couloir entre l’Asie et le continent africain, où elle possède la plus grande part de trafic, qui fait la force d’Ethiopian », ajoute Romuald Ngueyap, fondateur du site spécialisé NewsAero. En 2020, la compagnie a transporté 54 400 tonnes de marchandise vers ou depuis l’aéroport de Guangdong (Canton) en Chine. Outre les équipements médicaux cela comprend de nombreux produits industriels, des produits électroniques, de l’équipement informatique. « C’est une opération triangulaire : l’Afrique, l’Europe, la Chine, et puis à nouveau l’Afrique, qui implique près de 50 avions par semaine », explique Tewolde Gebremariam.

Ni licenciement ni baisse de salaire

« La pandémie a même eu un effet positif pour les activités d’Ethiopian qui assure désormais des transactions entre l’Amérique du Sud et l’Asie, entre l’Asie et l’Europe. Cela leur a donné une image de partenaire sérieux », explique Raphael Kuuchi. Des liaisons qui concernent aussi les États-Unis et le Mexique où Ethiopian achemine les productions de Zara (Inditex). Selon son PDG, la compagnie aurait traversé la pire année jamais connue par le secteur aérien « sans licenciement, ni baisse de salaire », en assurant toutes ses obligations financières (prêts d’entretien, location d’aéronefs, salaires) et sans le moindre soutien de l’État, son actionnaire à 100 %.

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Rassurée sur sa capacité à surmonter la crise, Ethiopian Airlines, à l’affût de nouvelles opportunités, s’est tournée vers les autres compagnies africaines. En octobre dernier, elle a proposé une assistance opérationnelle (pilotes, maintenance et avions) à South African Airlines (SAA) dans le cadre d’une joint-venture. Cette dernière a depuis reçu une subvention de l’État (641 millions de dollars) et serait sur le point de conclure un accord avec un investisseur.

Des compagnies feront faillite, mais on observe aussi la création de start-up

Ethiopian a aussi des participations au sein de diverses compagnies: Chadian Airlines (49 %), Zambia Airways (45%) dont le redécollage a été reporté au moins jusque fin 2021, Malawi Airlines (49 %) qui risque la liquidation et Ethiopian Mozambique Airlines (99 %), contrainte de suspendre ses vols. En Afrique de l’Ouest, la situation d’Asky, qui opère depuis Lomé, apparait moins compromise, même si l’entreprise s’est tournée vers Ethiopian et ses autres actionnaires (Ecobank, Boad, BIDC) pour demander une aide financière, selon les informations de JA.

Concurrence africaine

« Des compagnies feront faillite, d’autres se relèveront difficilement, mais on observe aussi la création de start-up. Actuellement, le prix des avions est bas et les aéroports, dont le trafic a baissé, ont pris des initiatives pour encourager les compagnies qui voudraient venir chez elles. C’est par exemple le cas au Nigeria », explique Romulad Ngueyap. Le centre de maintenance et l’académie d’aviation d’Ethiopian pourraient ainsi voir de nouveaux clients arriver, en plus de ceux qui devront reprendre service après de longs mois au sol.

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Ethiopian, qui annonçait en 2018 avoir atteint les objectifs de son plan vision 2025 avec sept ans d’avance, s’est attelée à la diversification de revenus, ainsi qu’à la digitalisation de ses processus. L’entreprise aurait investi plus de 40 millions de dollars entre 2015 et 2020 pour augmenter ses ventes en ligne selon Mihretab Teklaye, son directeur de communication marketing. Après avoir lancé son application mobile en 2018, la compagnie est aujourd’hui la première sur le continent à tester le passeport sanitaire IATA.

Comment Ethiopian et Egyptair vont gérer la compétition, alors qu’elles sont appelées à coopérer

Sur le continent, c’est depuis l’Égypte que pourrait venir un regain de concurrence. Egyptair a considérablement investi dans sa flotte, avec l’achat de 15 Airbus A320 en 2020, et a signé un contrat pour l’achat de 54 avions Boeing, s’élevant à 6 milliards de dollars, en 2018. Si la compagnie égyptienne connait elle aussi des difficultés financières, elle a obtenu en janvier un prêt de 130 millions de dollars de la part du Caire. Désireuse de se développer au niveau panafricain, elle vient de signer un accord avec Sudan Airways (assistance opérationnelle), ainsi qu’avec le Ghana pour la création d’une compagnie aérienne nationale. Reste à voir comment Ethiopian et Egyptair, toutes deux membres de la Star Alliance, vont gérer cette compétition alors qu’elles sont en principe appelées à coopérer.