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Première productrice de cobalt au monde, la RDC abrite plus de 50 % des réserves de la planète, principalement localisées dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba. Elle fournit plus de 70 % des volumes émis sur le marché de ce minerai qu’elle a classé parmi les « métaux stratégiques » de son nouveau code minier.
À partir de 2019, la filière cuivre-cobalt a été secouée par deux chocs majeurs. D’abord, la chute des prix mondiaux du cobalt qui sont passés de 95 000 dollars la tonne (t) en mi-2018 à 30 000 dollars en juin 2019. Puis, la pandémie de Covid-19, en 2020, qui a entraîné un affaissement de la demande mondiale et un nouveau recul des cours au premier semestre.
Conséquences : nombre de sociétés minières ont suspendu leurs activités ou reporté leurs projets d’exploitation ou ceux d’extension de leurs capacités de production. Autant de facteurs qui, selon les données de la Banque centrale congolaise (BCC), ont fait chuter la production de cobalt métal à 77 964 t, en 2019. Malgré un léger rebond à 85 856 t en 2020, la production n’a pas retrouvé le niveau record de 111 358 t atteint en 2018.
Transition énergétique
En dépit du contexte difficile, « l’industrie minière a toutefois fait preuve de résilience et de solidarité avec le gouvernement, en évitant les licenciements, pour maintenir le social des travailleurs », souligne Louis Watum, président de la Chambre des mines de RDC.
Si l’année 2021 a commencé sous de meilleurs auspices, le « marché du cuivre et du cobalt restera difficile à gérer », indique le groupe chinois Jinchuan dans son rapport 2020. La croissance chinoise reste à confirmer et « les tensions géopolitiques résultant de la guerre d’influence que se font les États-Unis et la Chine peuvent influencer le marché », ajoute Louis Watum.
Néanmoins, dans les dix ans à venir, le cobalt étant devenu crucial pour la transition énergétique, étant donné qu’il entre dans la composition des batteries des véhicules électriques, la demande mondiale devrait passer de 136 100 t en 2020 à 280 000 t en 2030, selon Brian Ziswa, analyste principal de Roskill.
Redistribution des cartes
Au cours de la décennie 2010, la hausse de la demande en cobalt s’est déjà traduite par une redistribution des cartes dans la filière en RDC, avec d’importants changements de partenariats au sein des sociétés, et l’émergence de nouveaux acteurs, en particulier des groupes chinois. Parmi ces des derniers, des géants miniers, des raffineurs de cobalt et des fabricants de produits finis, qui, au fil des ans, ont renforcé leurs positions en amont de la chaîne de valeur et dans des unités de transformation.
On peut citer Zhejiang Huayou Cobalt, fournisseur mondial de cobalt, China Railway Group, l’un des leaders dans la fabrication de machines et d’équipements, les miniers China Molybdenum Co (CMOC) et China Nonferrous Metal Mining Company (CNMC), ainsi que Jinchuan Group, deuxième producteur mondial de cobalt, Hong Kong Excellen Mining Investment, Tenngyuan cobalt Industry et CATL (leader mondial des batteries), qui opèrent en partenariat avec la Gécamines ou sont propriétaires de leurs filiales à 100 %.
Les établissements à capitaux chinois n’occupent pas tout le terrain. Le suisse Glencore, en tête de la production, contrôle Kamoto Copper Co (KCC) et Mutanda Mining (Mumi). Le kazakh Eurasian Resources Group (ERG) compte plusieurs filiales, dont Metalkol, et la communauté indienne est également active dans la filière (Chemaf et Somika). Mais, mis à part la Gécamines, les opérateurs privés congolais y sont minoritaires.
Domination chinoise
En 2020, 70 % de la production de cobalt du pays était assurée par cinq entreprises : KCC (Glencore), Tenke Fungurume Mining (TFM, détenue par CMOC), Metalkol (ERG), Somidez (CNMC) et STL (Gécamines).
L’ensemble des sociétés à capitaux chinois SCXW227447881 BCX0">a réalisé la moitié de la production. Si Mumi reprend ses activités en 2021, Glencore devrait à nouveau devancer de loin ses concurrents. Dans les cinq ans à venir, l’entrée en production de mines et l’extension des capacités de traitement pourraient amener de nouveaux changements.
Au profit des entreprises chinoises ? Leader mondial du raffinage de cobalt et principal fabricant de batteries, l’Empire du Milieu contrôle déjà la filière congolaise et plus de 80 % du cobalt métal produit en RDC lui est destiné.
Un cobalt éthique
L’adoption en 2018 du code minier révisé a imposé de nouvelles règles du jeu qui mettent l’accent sur la transparence et la bonne gouvernance du secteur, ainsi que sur la prise en compte du « contenu local » et de la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Les mines doivent permettre le développement du pays et bénéficier aux populations congolaises.
Dans la filière cobalt, l’une des applications de ce code a porté sur le secteur artisanal, qui assure environ 20 % de la production de cobalt et compte quelque 200 000 artisans « creuseurs »… parmi lesquels des enfants. Cette situation a déclenché une vague de protestations et de plaintes internationales contre Apple, Microsoft, Alphabet, la maison-mère de Google, Dell et Tesla, mais aussi en RDC, contre Glencore et Jinchuan, ou bien encore contre des fondeurs et négociants chinois se fournissant auprès des creuseurs.
Couplant les exigences de gouvernance et de RSE, des mesures en faveur d’un cobalt éthique ont été prises, dont l’institution de l’Autorité de régulation et de contrôle des marchés des substances minérales stratégiques (Arecoms), ainsi que l’octroi du monopole d’achat du cobalt artisanal à l’Entreprise générale du cobalt (EGC), filiale à 100 % de la Gécamines, lancée fin mars 2021. Elles visent à lutter contre le travail des enfants, à assainir la chaîne de production et d’approvisionnement du cobalt artisanal, à structurer le secteur, à assurer de bonnes conditions de travail et de rémunération aux artisans.
Manque d’énergie
La sécurisation des approvisionnements préoccupe les raffineurs et les fabricants de produits finis qui négocient directement avec les compagnies minières des accords de préachats, avec quatre ou cinq ans d’avance. Cette pratique tend à se généraliser. Reste à savoir quels produits intéressent le marché.
En RDC, l’offre porte essentiellement sur des sels et des hydroxydes de cobalt. Les autorités misent donc sur davantage de transformation locale, voire l’intégration verticale. Mais elle est encore limitée par divers facteurs, en particulier « le manque d’énergie, d’infrastructures de transport et le climat des affaires », indique Louis Watum. Les clients préfèrent les hydroxydes de cobalt (considérés comme des produits finis), qui ont de multiples usages.
L’écart entre l’adoption d’un cadre légal et son application est souvent important. Si de premiers petits pas ont été faits en faveur d’une production plus transparente, éthique, et aux retombées socio-économiques plus avantageuses pour la RDC, il reste encore du chemin à parcourir.