Des coupures de courant de plus en plus longues, de plus en plus fréquentes et de plus en plus étendues sur le territoire. Depuis une quinzaine de jours, le sujet alimente les conversations des Ivoiriens qui ne se rappellent pas avoir vécu une telle situation depuis longtemps et s’en inquiètent.
D’autant que la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) a averti ses plus de deux millions de clients le 5 mai, dans un communiqué, que « pour remédier à cette situation, des travaux urgents en vue du renforcement (des) centrales et de l’augmentation de (la) production de gaz nécessaire (à leurs) fonctionnements sont en train d’être effectués ».
Conséquence : « La réalisation de ces travaux pourrait davantage perturber la fourniture de l’électricité dans certains communes d’Abidjan et certaines villes de l’intérieur du pays à compter de ce jour jusqu’à la fin de la semaine ». Un mal pour un bien espèrent les habitants touchés.

Unité d'embouteillage de la société Castel, zone industrielle de Yopougon, Abidjan, Côte d'Ivoire. Mars 2016. Image d'illustration. © © Jacques Torregano pour JA.
Un plan de délestage drastique
Les entreprises ivoiriennes sont les plus durement impactées par ces perturbations. Depuis le 22 avril, elles sont soumises à un plan de délestage drastique pour combler le déficit estimé entre 100 à 200 MW selon le moment de la journée.
Au départ, 145 structures étaient concernées, alimentées en électricité pendant 12 heures par plage de 48 heures. Elles sont aujourd’hui 180, d’après la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), présidée par Jean-Marie Ackah qui a rencontré le 06 mai après-midi et le 07 mai au matin le gouvernement et la direction de l’Énergie. Désormais, les gros industriels bénéficieront de 48 heures d’électricité en continu par semaine.
Les plus petites entreprises pourront compter sur 16 heures de courant en continu par plage de 48 heures.
Ces ajustements ont été accueillis avec un certain soulagement Stéphane Aka-Anghui, directeur exécutif de la CGECI, mais aussi avec inquiétude : « Nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur. Ce sera deux mois difficile à passer ». Le gouvernement a avancé un retour à la normale pour le mois de juillet.
Une situation inédite depuis 1984
La CIE avance plusieurs raisons pour expliquer cette situation inédite depuis 1984.
Des facteurs climatiques d’abord : une saison sèche décrite comme « rude » qui a fortement impacté le niveau d’eau des barrages et une saison des pluies qui tarde à démarrer, ce qui prive la Côte d’Ivoire d’une partie importante de sa production d’énergie hydraulique (25% de la production totale). La baisse de capacité de production des barrages hydroélectriques est une constante depuis les années 2010 en raison du changement climatique.
La situation sanitaire ensuite : la pandémie de Covid-19 a retardé les investissements prévus dans les centrales de Ciprel et Azito en vue d’augmenter la production d’énergie thermique (75% de la production totale) affirme la CIE.
Enfin, une panne sur « une grosse machine de production thermique » de la centrale d’Azito mi-avril, centrale qui génère 480 mégawatts, et une consommation plus importante liée aux fortes chaleurs.
Des pays voisins fortement impactés
En dix ans, la Côte d’Ivoire a plus que doublé sa production d’électricité grâce à des investissements massifs. Elle produit aujourd’hui 2229 MW dont elle exporte une partie (11%) à six voisins : le Ghana, le Mali, le Burkina Faso, le Togo, le Bénin, le Libéria -et prochainement la Sierra-Leone et la Guinée.
« Nous sommes obligés de réduire au strict minimum. Si les Ivoiriens n’ont pas d’électricité, c’est que l’extérieur aussi ne l’a pas », a affirmé cette semaine Didier Kouamé, le directeur de la production d’électricité à la CIE, cité dans un quotidien national.
Dans un communiqué, la société Énergie du Mali (EDM-SA), a informé le 6 mai ses clients que suite à « un incident technique survenu sur le réseau de (son) partenaire ivoirien », elle faisait face à « un important déficit de puissance pour couvrir la demande de son réseau interconnecté » et avertissait les Maliens de rationnements à Bamako et ses environs, Sikasso, Koutiala, Ségou, Niono, Markala et Fana.
« Nous étions loin d’imaginer que la Côte d’Ivoire, qui revend son électricité dans la sous-région, pouvait se retrouver dans une telle situation, déplore Jean-Baptiste Koffi, représentant d’une association de consommateurs. Ces coupures désorganisent la vie de tous les jours et ça bouleverse les petits commerces ». Il réclame « des mesures d’accompagnements pour amortir le choc de ces coupures. »