C’est un « raté » qui symbolise la difficulté de l’administration française à faire table de rase de ses réflexes du passé. L’association Digital Africa, vitrine tech du nouveau soft power inclusif voulu par Emmanuel Macron pour les relations entre l’Afrique et la France, est sur le point d’être dissoute. C’est ce que semble indiquer un mail envoyé vendredi matin par l’un des membres africains du conseil d’administration à ses pairs et que Jeune Afrique a pu se procurer.
Une « situation ubuesque »
« Je rejoins la proposition première de l’AFD de dissolution de l’association […] au regard de la situation ubuesque dans laquelle nous sommes et du niveau d’incompréhension sidéral entre les membres », déplore ce responsable de Digital Africa dans un texte rédigé selon lui « sans calcul et sans animosité, ni rancune ou rancœur ».
Selon une source bien informée, la proposition de dissolution de l’association, créée en 2018 pour contribuer au développement des start-up du continent, a été mise sur la table dès février par l’Agence française de développement (AFD), représentée par Jean-Pierre Barral et principal contributeur au budget de l’association.
L’idée était également au menu de la dernière réunion de son conseil d’administration qui s’est tenue à Paris le 25 février. Celle-ci avait pourtant semble-t-il permis d’apaiser quelque peu les tensions.
Une directrice « arrogante »
Mais, selon notre source, les blocages se sont poursuivis du côté de la coopération française qui semble vouloir contrôler les recrutements ainsi que la signature de contrats sans l’autorisation de la présidence de Digital Africa.
Je regrette vivement que l’on atteigne de telles extrémités
L’association, domiciliée en banlieue parisienne, est sous le feu des critiques depuis que l’entrepreneure camerounaise Rebecca Enonchong, présidente d’Afrilabs et membre du conseil d’administration, a publiquement critiqué sur Twitter la gestion de la structure depuis l’arrivée à la direction générale en mars 2020 de Stéphan-Eloïse Gras, Française docteure en philosophie, diplômée du Celsa et de la Brown University aux États-Unis.
Ces reproches ont fait suite à une tentative de démettre le Nigérian Kizito Okechukwu de ses fonctions de président de l’association, poste qu’il occupait depuis le départ du Sénégalais Karim Sy en juillet 2020 – resté au board depuis.
« Je regrette vivement que l’on atteigne de telles extrémités uniquement en raison du comportement d’une directrice […] qui a reçu un soutien inouï la confortant dans son attitude arrogante », regrette dans son mail le membre du conseil d’administration.
Licenciements
D’après d’autres documents que nous avons pu consulter, trois lettres de convocation à un entretien de licenciement prévu le 21 avril prochain, datées du 9 avril 2020 et signées par le président de l’association, ont été adressées par mail les 11 et 12 avril à Aphrodice Mutangana, directeur des opérations, Isadora Bigourdan, directrice des programmes, et Stéphan-Eloïse Gras.
Contacté par Jeune Afrique, Kizito Okechukwu indique que « le conseil d’administration travaille sur ces questions et reviendra vers Jeune Afrique avec plus de détails », sans préciser de date. Également approchée à propos d’une possible dissolution, Stéphan-Eloïse Gras indique qu’à sa connaissance « personne ne peut infirmer ou confirmer cette information », renvoyant vers son avocat. De son côté, Franck Paris botte en touche : « c’est une décision qui relève du conseil d’administration de l’association », soutient le conseiller Afrique d’Emmanuel Macron.