Le prince Philip, roi des « gaffes » racistes et misogynes

Décédé le 9 avril dernier, le prince consort était un habitué des remarques racistes, sexistes ou tout simplement déplacées. La presse anglaise évoque pudiquement des « gaffes », mais la liste est longue…

Le prince Philip en octobre 2018, au château de Windsor © Alastair Grant/AP/SIPA

Le prince Philip en octobre 2018, au château de Windsor © Alastair Grant/AP/SIPA

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Publié le 16 avril 2021 Lecture : 5 minutes.

L’information n’a pas pu vous échapper : Philip Mountbatten, duc d’Edimbourg, né Phillipe de Grèce le 10 juin 1921 à Corfou, en Grèce, ci-devant mari de la Reine Elisabeth II du Royaume-Uni et des royaumes du Commonwealth s’est éteint le 9 avril 2021 à Windsor.

Depuis, les hommages se multiplient ainsi que les retours en image sur les 99 années d’une vie passée sous les dorures des palais. Bien. Mais même quand la monarchie est en deuil, la presse britannique ne saurait se défaire du plaisir qu’elle éprouve à asticoter les puissants.

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Misogynie et « aristocracisme »

Entre bouffonneries et critiques implicites, quelques journalistes se sont donc amusés, ces derniers jours, à rappeler la longue liste des saillies et dérapages incontrôlés du prince consort, entre misogynie crasse et « aristocracisme ».

Avec un sens de l’euphémisme qui leur appartient, les journalistes anglais évoquent des « gaffes » royales, s’évertuant à ne pas trop égratigner le cadavre encore chaud. Et, avec une délectation certaines, ils classent patiemment lesdites gaffes par ordre chronologique. En gros, cela donne un échantillon de ce genre :

1957 : « Ce n’est pas un très gros, mais au moins il est mort et cela a nécessité un nombre fou de tirs », à propos d’un crocodile abattu en Gambie.

1966 : « Les femmes britanniques ne savent pas cuisiner ».

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1969 : « Avec quoi est-ce que vous vous gargarisez, des cailloux ? », au chanteur Tom Jones après un concert.

1981 : « Tout le monde disait qu’il fallait plus de loisirs. Maintenant ils se plaignent d’être au chômage », durant la récession de 1981.

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1984 : « Vous êtes bien une femme, n’est-ce pas ? » à une jeune femme qui lui offre des fleurs, au Kenya.

Et vous avez réussi à ne pas vous faire manger là-bas ? », à un étudiant de retour de Papouasie Nouvelle-Guinée

1986 : « Si vous restez ici trop longtemps, vous aurez tous les yeux bridés », à un groupe d’étudiants britanniques lors d’une visite royale en Chine.

1986 : « Si ça a quatre pieds et que ce n’est pas une chaise, si ça a des ailes et que ce n’est pas un avion, si ça nage et que ce n’est pas un sous-marin, les Cantonais le mangeront », lors d’une rencontre du WWF.

1988 : « Et vous avez réussi à ne pas vous faire manger là-bas ? », à un étudiant de retour de Papouasie Nouvelle-Guinée.

1988 : « Cela ressemble à la chambre d’une pute », en regardant les plans de la future maison du duc et de la duchesse d’York, à Sunninghill Park.

1991 : « Votre pays est connu comme l’une des plus importantes plaques tournantes du trafic d’espèces en danger », lors de la remise d’un prix pour la protection de l’environnement, en Thaïlande.

1992 : « Oh non, je pourrais attraper une maladie épouvantable », alors qu’on lui propose de caresser un koala, en Australie.

Jeune homme, de quel endroit exotique du monde venez-vous donc ? », au conservateur Lord Taylor, d’origine jamaïcaine

1993 : « Cela ne doit pas faire longtemps que vous êtes ici, vous n’avez pas de bedaine », à un Anglais rencontré en Hongrie.

1993 : « Les gens disent souvent qu’après le feu, le pire reste les dégâts dus à l’eau. Nous sommes toujours en train de faire sécher le château de Windsor », à des familles de victimes de l’attentat de Lockerbie.

1994 : « Est-ce que la plupart d’entre vous ne sont pas des descendants de pirates ? » à un habitant des îles Caïmans.

1995 : « Comment faites-vous pour tenir les locaux assez longtemps à distance du goulot pour qu’ils puissent réussir le test ? », à un instructeur d’auto-école écossais.

1996 : « Si un joueur de cricket, par exemple, décidait soudain d’aller dans une école et de frapper plusieurs personnes à mort avec une batte de cricket, ce qu’il pourrait faire très facilement, je veux dire, est-ce que vous interdiriez les battes de cricket ? », juste après la tuerie de Dunblane et les appels à réguler la vente d’armes à feu.

1999 : « On dirait que cela a été installé par un Indien », en référence à un vieux tableau électrique dans une usine près d’Édimbourg.

Vous utilisez toujours des lances ? », à un Aborigène australien

1999 : « Jeune homme, de quel endroit exotique du monde venez-vous donc ? », à Lord Taylor, invité à Buckingham Palace. Ce à quoi l’homme politique conservateur d’origine jamaïcaine répondit : « Je suis de Birmingham. Ici, en Angleterre. »

2001 : « Tu pourrais le faire si tu perdais un peu de poids », à Andrew Adams, 13 ans, qui lui disait vouloir aller dans l’espace.

2002 : « Vous utilisez toujours des lances ? », à un Aborigène australien

2002 : « Vous ressemblez à un auteur d’attentat suicide », à une jeune policière portant un gilet pare-balles à Stornoway, sur l’île de Lewis.

2003 : « On dirait que vous êtes prêt à aller au lit », au président du Nigeria Olusegun Obasanjo, qui portait la tenue traditionnelle agbada.

2009 : « Il y a beaucoup de membres de votre famille ici ce soir », à l’homme d’affaires Atul Patel lors d’une réception organisée pour les Britanniques d’origine indienne.

2009 : « Vous pouvez faire la différence ente eux ? », au président Barack Obama, qui lui racontait ses rencontres avec des dirigeants et des diplomates de Chine, de Russie et du Royaume-Uni.

2010 : « Vous avez une culotte faite avec ceci ? » à la dirigeante conservatrice écossaise Annabel Goldie, en désignant un tartan, à Édimbourg.

2010 : « Vous travaillez dans un club de strip-tease ? » à Elizabeth Rendle, membre des Barnstaple Sea Cadets, qui lui disait travailler aussi dans une boîte de nuit.

2013 : « Les Philippines doivent être à moitié vides, puisque vous êtes tous ici à faire tourner le National Heath service », à une infirmière philippine de l’hôpital Luton et Dunstable.

2013 : « Les enfants vont à l’école parce que leurs parents ne veulent pas les avoir à la maison », à Malala Yousafzai, qui se bat pour les droits des filles à aller à l’école, après l’attentat taliban auquel elle a échappé au Pakistan.

2017 : « On dirait que vous mourez de faim », à un vieil homme dans une maison de retraite…

Un esprit profondément raciste

Alors évidemment, présentée ainsi, l’accumulation des « gaffes » pourrait prêter à sourire. Dans un article au vitriol publié sur le site d’Al Jazeera, le professeur de littérature comparée et d’études iraniennes Hamid Dabashi (Columbia University) s’élevait déjà, en 2017, contre cette façon atténuée de présenter, notamment, le racisme du prince consort.

« Le prince Philip – comment pourrions nous le dire gentiment ici ? – est un vrai raciste. Tout le monde le sait. Le prince lui-même l’affirme. Alors la BBC doit le dire, mais d’une manière qui lui est propre – en le rendant frivole et inoffensif. […] Alors les étonnantes sorties du bon prince ne sont pas ce qu’elles sont, symptomatiques d’un esprit profondément raciste. Ce sont seulement des “gaffes”, remarques non intentionnelles et malheureuses créant la gêne, remarques qu’il n’aurait pas dû faire et qu’il ne pensait pas vraiment, mais qu’il a malheureusement faites. »

Au professeur coupable de lèse-majesté, le prince Philip aurait sans doute répondu ce qu’il répondait à une infirmière en chef d’un hôpital des Caraïbes en 1966 : « Vous avez des moustiques. Moi, j’ai la presse. »

Et maintenant que le prince Philip n’est plus, il reste à espérer qu’un de ses vœux, émis il y a une trentaine d’année, ne se réalisera jamais : « Si jamais je devais être réincarné, j’aimerais revenir comme un virus mortel, afin d’apporter ma contribution au problème de la surpopulation ».

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