RDC – Nouveau gouvernement : Félix Tshisekedi nomme des femmes à des postes stratégiques

Aux Mines, à la Justice, au Portefeuille… Félix Tshisekedi a confié des maroquins importants à des femmes. L’une d’elle – Eve Bazaiba, bras droit de Jean-Pierre Bemba – devient même vice-Première ministre. Portrait de quelques unes de ces personnalités qui devraient peser.

Eve Bazaiba, nommée vice-Premier ministre © Congo news

Eve Bazaiba, nommée vice-Premier ministre © Congo news

Publié le 14 avril 2021 Lecture : 5 minutes.

Sama Lukonde Kyenge, le Premier ministre congolais, avait promis de s’entourer de « guerriers ». Après deux mois de discussions et de négociations, force est de constater que son gouvernement, finalement annoncé le 12 avril, est aussi composé de « guerrières ».

Les femmes bien sûr n’y sont pas majoritaires, mais quinze d’entre elles font tout de même leur entrée sur un effectif total de 57 ministres (Premier ministre inclus), alors qu’elles n’étaient que douze (sur 67) dans la précédente équipe. Elles occupent donc 27 % des postes et l’on n’est pas loin de l’objectif de 30 % annoncé par le chef de l’État. Surtout, plusieurs d’entre elles se voient confier des postes stratégiques. Portraits.

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• Ève Bazaiba, vice-Premier ministre

Secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC), le parti de Jean-Pierre Bemba, Ève Bazaiba, 55 ans, est une figure de la scène politique congolaise. Elle est l’un des quatre vice-Premiers ministres nommés ce lundi et se voit confier l’Environnement, devenant au passage la troisième personnalité du gouvernement par ordre protocolaire.

Opposante farouche à Joseph Kabila, elle est depuis 2014 le bras droit de Bemba

Bazaiba a fait ses premières armes en politique dans les années 1990, aux côtés d’Étienne Tshisekedi, alors à la tête de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Elle a ensuite rejoint le MLC en 2006. Opposante farouche à Joseph Kabila, elle est depuis 2014 le bras droit de Bemba. Elle est l’un des rares cadres du parti à ne pas s’être détourné de lui lorsqu’il était détenu par la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.

Le portefeuille qui lui est confié est vaste, eu égard au potentiel du pays et à sa situation géographique, au cœur du bassin du Congo. Eve Bazaiba va devoir travailler à doter la RDC d’une vraie politique environnementale. Au lendemain de sa nomination, l’ONG Greenpeace Afrique la pressait déjà de faire respecter le moratoire sur les nouvelles concessions forestières industrielles, « violé sans scrupules et à plusieurs reprises par son prédécesseur, en complicité avec des entreprises chinoises et congolaises ».

Adèle Kahinda au Portefeuille

Adèle Kahinda hérite du ministère du Portefeuille © DR

Adèle Kahinda hérite du ministère du Portefeuille © DR

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Moins connue qu’Ève Bazaiba, Adèle Kahinda hérite néanmoins d’un maroquin stratégique, celui du Portefeuille. Quand le Front commun pour le Congo (FCC, de Joseph Kabila) tenait la majorité parlementaire, avant que le rapport de force ne bascule à Kinshasa, c’est le ministère du Portefeuille qui, tenu par le FCC et engagé dans un bras de fer avec Félix Tshisekedi, bloquait les ordonnances de nomination à la tête des grandes entreprises publiques, telles que la Gécamines ou la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC).

Elle va devoir formuler des propositions pour transformer les entreprises publiques

Adèle Kahinda est un pilier de l’Alliance des forces démocratiques du Congo (AFDC), le parti de Modeste Bahati Lukwebo. Auparavant membre du FCC, l’AFDC a fait défection dans le courant de l’année 2020. Officiellement nommé « informateur » le 31 décembre dernier, Modeste Bahati Lukwebo a travaillé à constituer une nouvelle majorité parlementaire autour du chef de l’État avant d’être porté à la présidence du Sénat début mars.

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Désormais ministre d’État, Adèle Kahinda va devoir formuler des propositions pour transformer les entreprises publiques congolaises et débarrasser l’État des canards boiteux. « Il est temps que le capital de certaines sociétés d’État soit ouvert à des investisseurs privés, résume un expert du secteur à Jeune Afrique. Il va donc falloir déterminer la valeur de ces entreprises au préalable. Si la nouvelle ministre parvient à faire ce travail, ce sera déjà très bien. »

• Rose Mutombo Kiese à la Justice

Autre ministère stratégique, celui de la Justice. Il échoit à la présidente du Cadre permanent de concertation de la femme congolaise (Cafco), grande plateforme de défense des droits des femmes en RDC créée en février 2005 à la suite du dialogue inter-congolais de Sun City. Rose Mutombo Kiese, qui a elle aussi rang de ministre d’État, était auparavant avocate générale près le Conseil d’État.

Elle a l’avantage de bien connaître Félix Tshisekedi et son ancien directeur de cabinet, Vital Kamerhe

Présentée par le Premier ministre comme membre de la société civile, elle a l’avantage de bien connaître Félix Tshisekedi ainsi que son ancien directeur de cabinet, Vital Kamerhe (qui a certes été condamné à vingt ans de prison, mais dont le parti conserve quatre ministères dans le nouveau gouvernement).

Rose Kiese Mutombo succède à Célestin Tunda Ya Kasende (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, PPRD) qui avait démissionné en juillet dernier et n’avait pas été remplacé. Elle a déjà pour consigne de veiller à ce que des poursuites soient systématiquement engagées dans les affaires de corruption et de lancer des réformes pour protéger la justice des ingérences politiques.

• Antoinette N’Samba Kalambayi aux Mines

Le ministère des Mines, qui était également contrôlé par la coalition de Kabila, est confié à Antoinette N’Samba Kalambayi. Cette personnalité elle aussi issue de la société civile est surtout connue en RDC pour avoir publié en 2016 un ouvrage questionnant l’indépendance de la commission électorale (La Commission électorale nationale indépendante de la RD Congo. Jouit-elle de son indépendance organique et fonctionnelle ?).

Elle s’était ensuite rapprochée de l’UDPS quand celle-ci tentait d’empêcher Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà du terme de son deuxième mandat.

Elle va devoir lister les permis de recherche qui ne sont jamais transformés en permis d’exploitation

Désormais à la tête d’un secteur stratégique en RDC, Antoinette N’samba Kalambayi va devoir relever de très nombreux défis : lister les permis de recherche qui, contournant la législation, ne sont jamais transformés en permis d’exploitation ; s’assurer qu’ils soient au besoin réattribués ; veiller au rapatriement de la partie en devises des exportations, ainsi que le prévoit le code minier révisé ; procéder à la titrisation des gisements afin de rechercher des financements sur les marchés financiers ; pousser les opérateurs miniers à signer un cahier des charges avec les communautés affectées par l’exploitation minière… La tâche est immense.

• Aminata Namasia, vice-ministre de l’Enseignement

C’est la benjamine de ce nouveau gouvernement : Aminata Namasia, 28 ans, devient vice-ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique. Pour cette députée, ce poste est une forme de récompense puisque, en tant que questeur du bureau d’âge de l’Assemblée nationale, elle a contribué à faire chuter Jeanine Mabunda (FCC) du perchoir en décembre dernier.

Aminata Namasia va devoir concrétiser l’une des promesses phares du président Tshisekedi, à savoir la gratuité de l’enseignement de base.

Et les dix autres nommées sont…

Sont également nommés à la tête de ministères Anne-Marie Karume Bakaneme (Relations avec le Parlement ), Gisèle Ndaya Luseba (Genre, Famille et Enfants), Antoinette Kipulu (Formation professionnelle), Catherine Katumbu Furaha (Culture) et Ndusi Ntembe (Emploi, Travail et Prévoyance sociale).

Séraphine Kilubu Kutuna est pour sa part nommée vice-ministre de la Défense, Véronique Kilumba Nkulu vice-ministre de la Santé et Irène Esambo, ministre déléguée aux Affaires sociales et aux actions humanitaires. Enfin, Nana Manuanina Kihumba devient ministre près le président de la République.

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