Économie

Guinée : la « guerre de la farine » aura-t-elle lieu ?

Alors que les Moulins d’Afrique et les Grands moulins de Conakry couvrent déjà largement la consommation nationale de farine, un troisième concurrent – en cours d’installation – veut bousculer l’ordre établi.

Réservé aux abonnés
Par - À Conakry
Mis à jour le 20 mai 2021 à 18:03

La minoterie Les Moulins d’Afrique (LMA), sur la zone industrielle de Sonfonia, à Conakry.

Avec une capacité de production cumulée de 2 100 tonnes (t) de farine par jour, l’industrie meunière guinéenne couvre largement la demande nationale. Cette production est assurée par deux minoteries : d’une part, les Moulins d’Afrique (LMA), coentreprise créée par le groupe guinéen Société nouvelle de commerce (Sonoco), de Mamadou Saliou Diallo, en partenariat avec le marocain Les Moulins Lahlal et, d’autre part, les Grands Moulins de Conakry (GMC), filiale du groupe Taher Fabrique de Guinée (Tafagui), de l’homme d’affaires d’origine libanaise Ibrahim Taher.

Production et exportations accrues pour LMA

Installée sur la zone industrielle de Sonfonia, à Conakry, et opérationnelle depuis mars 2014, la minoterie de LMA a nécessité un investissement de près de 30 millions de dollars.

Tout y est ultra moderne et contrôlé : les échantillons de blé importé d’Allemagne sont soumis à une série d’analyses réalisées en interne et par correspondance en France, avant de passer par un moulin d’essai ; une production expérimentale de pain est réalisée, etc.

À Lire Céréales : les moulins ont toujours le vent en poupe sur le continent

Bénéficiant de la confiance des bailleurs de fonds, la société a obtenu 25 millions de dollars de IFC (Groupe Banque mondiale) en juillet 2019, afin de construire six silos à grains supplémentaires afin d’accroître ses capacités et de développer ses exportations dans la sous-région.

Les Grands Moulins de Conakry réalisent un chiffre d’affaires annuel de près de 100 millions de dollars

Numéro un de son secteur en Guinée avec une production de 1 200 t par jour et une part du marché national de 80 %, LMA commercialise sa farine fortifiée sous la marque AGB (Association guinéenne des boulangers).

Elle l’exporte également vers la Sierra Leone et le Liberia voisins, et produit par ailleurs 250 t de son par jour (t/j) pour l’alimentation du bétail et des volailles, dont une grande partie est exportée vers le Sénégal.

JAD20210407-GF-GUINEE-ECO-MOULINS-2 © LMA teste ses farines dans un laboratoire de boulangerie installé dans son usine. © Youri Lenquette pour JA

JAD20210407-GF-GUINEE-ECO-MOULINS-2 © LMA teste ses farines dans un laboratoire de boulangerie installé dans son usine. © Youri Lenquette pour JA

GMC en plein essor

Opérationnels depuis mars 2016 et implantés dans la zone industrielle de Kagbélen (Dubréka), les Grands moulins de Conakry ont nécessité un investissement de 80 millions de dollars. Et disposent d’une capacité d’écrasement quotidienne de 900 t de blé pour une production de 650 t/j de farine, exclusivement vendue en Guinée, sous la marque Bravo.

GMN produit environ 55 % des 550 000 sacs de farine consommés chaque mois en Guinée

Ils réalisent un chiffre d’affaires annuel de près de 100 millions de dollars. Parallèlement, l’entreprise est en train d’installer une unité consacrée à la nutrition animale, dont les activités doivent démarrer en octobre 2021.

À Lire Niger, Guinée, Côte d’Ivoire : trio de tête de la reprise pour la Banque mondiale

Le directeur général de GMC, Christophe Ratier, qui a une trentaine d’années d’expérience dans le secteur, est plutôt fier du parcours réalisé en cinq ans. « J’ai rencontré Ibrahim Taher à Casablanca. Il m’a dit : “Toi, tu travailleras pour moi”, et j’ai répondu : “Pas de problème.” Cinq ans plus tard, il m’annonçait qu’il démarrait et me demandait de venir. Résultat, alors que nous n’avions aucun client en 2016, nous avons réussi à nous imposer sur le marché national. Sur les 550 000 sacs de farine consommés chaque mois en Guinée, nous en produisons environ 55 %. »

Saine concurrence

Autant dire que LMA et GMC ont tous deux le vent en poupe et se livrent une saine concurrence. D’autant que d’autres moulins ont jeté l’éponge ces dernières années – les Moulins d’or ont suspendu leurs activités et les Grands Moulins de Guinée (GMG) sont en liquidation judiciaire – et que les deux concurrents ont plus d’un terrain où se confronter .

De même que Sonoco, le groupe Tafagui est en effet présent dans l’industrie métallurgique, le transport et la distribution alimentaire, et comme la filiale Agro Food Industries de Sonoco, qui s’apprête à ouvrir une usine de bouillon cube, GMC en fabrique déjà (en cube et en poudre) et doit lancer prochainement une unité de production de biscuits et de bonbons, qui seront également commercialisés sous la marque Bravo.

À Lire Burkina Faso, Sénégal… Le semencier Limagrain se cherche une place en Afrique de l’Ouest

Reste qu’un troisième acteur pourrait changer la donne. En effet, non loin du site industriel de GMC, l’homme d’affaires Mamadou Bobo Barry – plus connu sous le nom de Bobo Hong Kong, patron de la société Global multi-services – est en train de construire sa minoterie (un investissement de 14 millions de dollars), qui devrait commencer à tourner en octobre prochain, avec une capacité d’écrasement de 500 t/j.

Mamadou Bobo Barry connaît bien le secteur pour avoir été importateur de farine. Toutefois, prévient Christophe Ratier, « s’il y a certes de la place pour tout le monde, pour passer de commerçant à industriel, il y a un océan ».