Comme souvent, le vent souffle sur la capitale tchadienne, N’Djamena. Porteur de sable et de poussière davantage que de fraîcheur, l’harmattan venu du Nord-Est fait onduler le rouge, le bleu et le jaune du drapeau tchadien qui flotte au-dessus du bâtiment du septième arrondissement de la capitale, où Succès Masra a établi son quartier général. Dans les environs, l’opposant est comme chez lui. Il a fait bâtir cet immeuble quelques années auparavant, alors qu’il travaillait à la Banque africaine de développement (BAD), tout comme la résidence où loge sa famille, à quelques encablures. Non loin de la route de goudron qui ne va pas jusqu’à son quartier général, il a aussi investi dans un café où se réunissent régulièrement ses militants.
Lui n’y passe plus guère de temps. Il a déserté les petits restaurants des alentours, où il avait l’habitude de prendre ses repas entre deux réunions de coordination de son parti, Les Transformateurs. En dehors de quelques rendez-vous avec un ambassadeur ou une personnalité de l’opposition, l’essentiel des journées de Succès Masra se limite désormais à arpenter ce QG. Il passe même la plupart de son temps entre les quatre murs de son bureau, sous le regard de ses idoles : son père (décédé cette année du Covid-19), Martin Luther King ou Nelson Mandela. Un ordinateur portable. Un téléphone. Le docteur en économie pilote aujourd’hui son mouvement en partie à distance, transmettant les consignes à ceux qu’il appelle ses « généraux ».
Faire renoncer Idriss Déby Itno

Selon la télévision nationale tchadienne, le chef de l’État a succombé à des blessures reçues au combat dans la région du Kanem. © DR
En ce 26 mars, les préparatifs de la marche du lendemain contre le sixième mandat d’Idriss Déby Itno battent leur plein. Une nouvelle fois, l’économiste de formation rappelle les objectifs : obtenir le renoncement du président, mettre en place un dialogue national et une nouvelle Constitution, organiser des élections inclusives et, enfin, conquérir la présidence pour « transformer » le Tchad.
Au rez-de-chaussée du quartier général, une réunion se prépare. Quelques jeunes ont prévu de passer la nuit sur place pour être opérationnels dès les premières heures du jour. Masra sera peut-être parmi eux. Ou non. Depuis peu, il a pris l’habitude de ne pas dormir au même endroit trop souvent. Question de sécurité, assure-t-il, sa tête étant « mise à prix », selon lui, par les autorités tchadiennes. Question pratique aussi : lors d’une précédente journée de manifestation, le 6 mars, les forces de l’ordre avaient encerclé le bâtiment dès quatre heures du matin. Succès Masra et ses troupes y étaient restés enfermés quatre longues journées. Alors aujourd’hui il ruse, élit domicile temporairement à un endroit, puis un autre.