Déchéance de nationalité : « Le pouvoir tente d’opposer les Algériens d’Algérie aux Algériens de la diaspora »
Une disposition de loi, annoncée le 3 mars par le Garde des sceaux Belkacem Zeghmati propose de déchoir de leur nationalité les Algériens de l’étranger mettant en péril « les intérêts de l’État ». Le constitutionnaliste Massensen Cherbi analyse cette annonce et ce qu’elle révèle en filigrane.
Le 3 mars dernier, Belkacem Zeghmati, le Garde des sceaux algérien, a présenté un amendement qui permettrait d’ôter la nationalité algérienne à tout citoyen qui, depuis l’étranger, « porte volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’État ou qui porte atteinte à l’unité nationale ». Pendant un an, la pandémie du Covid-19 a eu pour conséquence la suspension des marches du Hirak en Algérie, avant qu’elles ne reprennent récemment. Cet arrêt a vu s’accentuer la répression à l’encontre des militants ainsi que la promulgation de nouvelles lois permettant d’élargir et d’approfondir l’arsenal répressif à l’encontre du Hirak.
Néanmoins, au sein de la diaspora, le premier déconfinement a permis de reprendre les manifestations et les marches à Paris, place de la République, ou à Montréal, place du Canada. Via les réseaux sociaux, cette diaspora est ainsi apparue en Algérie comme un noyau de contestation contre lequel le pouvoir restait impuissant. La menace de la déchéance de nationalité à l’égard des Algériens situés à l’étranger apparaît ainsi comme un moyen de faire pression sur la liberté d’expression de la diaspora. Le point avec Massensen Cherbi, constitutionnaliste et docteur en droit de l’université Paris-2 Panthéon-Assas.
Jeune Afrique : Que recouvre, selon vous, les « intérêts de l’État » et l’« unité nationale » mentionnés dans l’amendement présenté le 3 mars dernier par le Garde des Sceaux ?
Massensen Cherbi : Les procès des détenus d’opinion en Algérie ont été l’occasion de nombreuses condamnations de militants du Hirak pour atteinte à l’intérêt national ou à l’unité nationale. L’atteinte à l’unité nationale de l’article 79 du Code pénal a, d’abord, servi de fondement pour condamner les porteurs du drapeau amazigh, après que le général Ahmed Gaïd Salah eut appelé à leur répression dans son intervention du 19 juin 2019.
« L’unité nationale est en effet une notion peu claire et peu précise, susceptible d’interprétations multiples »
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