Culture

Grammy Awards : Black Music Matters

Au cours d’une cérémonie ponctuée par la dénonciation des violences faites aux Africains-Américains, le jury a récompensé de nombreux artistes noirs. Parmi eux, Burna Boy et Wizkid, chefs de file de la nouvelle génération d’artistes nigérians.

Mis à jour le 15 mars 2021 à 18:18

Burna Boy, le 3 décembre 2019. © Andrew Lipovsky/NBC/NBCU Photo Bank via Getty Images

La 63e édition des Grammy Awards, le 14 mars, aura été exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord, la cérémonie a été repoussée de six semaines, du fait de la progression brutale de l’épidémie de Covid-19 à Los Angeles, où se déroule l’événement. Ensuite, ce grand raout du show-biz américain, qui rassemble habituellement une foule de célébrités au Staples Center, a réduit la voilure pour s’adapter aux règles sanitaires.

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Enfin et surtout, en distinguant en majorité des interprètes féminines et en donnant de la visibilité au mouvement Black Lives Matter, la fête s’est muée en un moment très politique.

Vingt-huit trophées

Ces Grammys ont avant tout marqué le couronnement de Beyoncé. La chanteuse africaine-américaine a battu le record de récompenses attribuées à une artiste féminine au cours de sa carrière : 28 trophées au total, si l’on compte les statuettes reçues lors de cette édition.

Je n’imaginais pas que ma peur et ma douleur pourraient un jour faire changer les choses »

Avec Blue Ivy, sa fille aînée (9 ans), et le Nigérian Wizkid, elle a obtenu le prix du meilleur clip pour « Brown Skin Girl ». Son hit « Black Parade » a été élu meilleure performance R&B : la chanson, révélée le 19 juin (jour commémorant la fin de l’esclavage aux États-Unis) l’an dernier, était sortie quelques semaines après la disparition de George Floyd, mort à la suite de son interpellation par un policier blanc.

« En tant qu’artiste, je crois que c’est mon travail, et que c’est notre travail à tous, de rendre compte des réalités de notre époque », a-t-elle insisté en recevant sa récompense.

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Autre choix très politique du jury, celui de « I Can’t Breathe », élu meilleure chanson de l’année. Le titre (qui reprend les derniers mots de George Floyd et un slogan du mouvement Black Lives Matter), est interprété par H.E.R. « Je n’imaginais pas que ma peur et ma douleur auraient un impact et, un jour, feraient changer les choses », a déclaré l’artiste.

Discours offensif

En interprétant son titre « The Bigger Picture », le rappeur Lil Baby, tout de noir vêtu, a quant à lui mis en scène l’arrestation sanglante d’un Africain-Américain par des policiers blancs. La militante Tamika Mallory, qu’il a invitée à s’exprimer durant sa performance, a prononcé un discours offensif, réclamant justice au président Biden.

Deux jeunes princes de l’afrobeat ont été primés : une petite révolution !

Megan Thee Stallion, Beyoncé et Blue Ivy, Nas, John Legend, Kanye West (qui avait uriné en septembre dernier sur son trophée)… Lors de cette édition volontairement « racisée », les Africains-Américains ont été récompensés en nombre. Le trophée de l’album de l’année, attribué à Taylor Swift, leur échappe néanmoins. Depuis sa création, seuls dix artistes noirs ont obtenu ce prix.

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La plupart des articles décrivant cette soirée des Grammys ne s’attardent pas sur le choix du meilleur album de musique du monde : « Twice As Tall », du Nigérian Burna Boy. C’est pourtant une petite révolution qui vient de se jouer dans ce temple de l’industrie musicale américaine. Jusqu’ici, les groupes ou artistes primés étaient des vieux routiers des musiques du monde en Afrique : Tinariwen, le Soweto Gospel Choir, Ladysmith Black Mambazo…

Angélique Kidjo, qui avait obtenu ce prix pour la quatrième fois l’année dernière, avait elle-même, sur scène, dédié son trophée à Burna Boy. En adoubant deux jeunes princes de l’afrobeat, Wizkid (pour son clip) et Burna Boy, les professionnels indiquent qu’ils ont bien reçu le message.