Selon nos informations, l’ambassade d’Algérie à Paris a recensé les biens appartenant à l’État, mais laissés à l’abandon et squattés par des particuliers ou des associations, voire cédés à des notabilités de l’ancien régime. D’après ce décompte, consulté par Jeune Afrique, 44 de ces biens sur 46 ont déjà été récupérés par l’ambassadeur Antar Daoud, tandis que les cas de deux appartements situés à Paris sont en passe d’être réglés grâce à un « gentleman agreement » [accord informel].
Propriétés en ruines
La chancellerie a ainsi récupéré, dans un quartier chic de Paris, deux appartements de plus de 160 m2. Le premier avait été octroyé à un ancien sénateur qui avait soutenu les précédentes campagnes électorales d’Abdelaziz Bouteflika et le second, à un ancien député, lui aussi proche du président déchu.
« Il n’est plus question que les biens de l’État restent à l’abandon, affirme une source diplomatique. Il est temps de rentabiliser ces propriétés pour ne plus payer de charges et de taxes sans rien avoir en retour »
Ce recensement est un dossier qui traîne depuis le milieu des années 1990 et qui n’a jamais fait l’objet d’une attention particulière de la part des ambassadeurs qui se sont succédé au 50, rue de Lisbonne. « Les instructions émanent des plus hautes autorités du pays », confie un diplomate en poste à Paris. Jusqu’en 1995, ces biens étaient gérés par l’ancienne Amicale des Algériens en Europe, avant d’être transférés à l’ambassade à Paris.
Dans un rapport daté de 2017, la Cour des comptes algérienne indique que ces propriétés ne sont pas entretenues ni exploitées par leurs propriétaires depuis plusieurs décennies et se trouvent dans un état de dégradation et de délabrement avancé. Certaines ont fait l’objet de mises en demeure et de recommandations de démolition tant elles menaçaient de tomber en ruine.
Un château à plusieurs millions d’euros
Parmi les biens récupérés figure le château de Julhans, situé dans un domaine de 320 hectares dans la région de Marseille, qui comprend aussi une chapelle. Construit en 1639, il est devenu la propriété de l’État algérien à l’indépendance du pays en 1962. Laissé à l’abandon pendant plusieurs années, il a été squatté en 1989 par une association de pieds noirs qui en a été délogée après une longue bataille judiciaire. En 2017, le Bureau d’architecture Méditerranée (BAM) estimait sa valeur à plusieurs millions d’euros.
Situé dans la Drôme, un autre château, celui de Lapeyrouse, s’étend sur un espace de 12 hectares. Il a lui aussi été restitué, après que le consulat d’Algérie à Lyon a entamé une première procédure en 2017. Propriété d’une association dénommée Pupilles d’Oran, il a été donné en gérance à un entrepreneur qui en a fait un camping de standing. Très fréquenté jusque dans les années 1980, ce complexe est tombé à l’abandon après la disparition de ce dernier.
Que faire de ces biens, dont la plupart sont délabrés ? Certains, notamment ceux qui sont situés au cœur de Paris (dans le 8e et le 16e arrondissement), devraient être rénovés avant d’être mis en location. Un autre terrain et des locaux moins attractifs pourraient être cédés en l’état, et le reste serait mis à la disposition d’associations partenaires de l’Algérie.