Économie

Start-up : réseau, formation, technique… Les secrets d’un parcours gagnant

Venus du Maroc, du Sénégal ou de Tunisie, six fondateurs de jeunes pousses reviennent sur leur parcours, en Occident et sur le continent, qui leur a permis d’acquérir des compétences techniques et managériales cruciales pour réussir.

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Mis à jour le 2 avril 2021 à 10:08

Anis Sahbani, Omar Cisse, Amira Cheniour, Regis Bamba © Sylvain Cherkaoui/Ons Abid/REMI SCHAPMAN/ MONTAGE JA

En 2015, Ali Bensouda a lancé Omniup, une start-up marocaine qui permet de donner accès à du WiFi gratuit dans les espaces publics en échange de vidéos publicitaires.

Bien implanté au Maroc, l’entrepreneur de 39 ans cherche à exporter sa solution dans d’autres pays, comme la Tunisie, le Nigeria ou encore l’Indonésie.

Le réseau, la clé

Pour conquérir ces nouveaux marchés, il fait aujourd’hui appel au réseau qu’il s’est constitué au cours de ses études de commerce à l’EM Lyon, en France.

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« Ce carnet d’adresses, c’est une force, fait valoir l’entrepreneur marocain. On peut se perdre de vue pendant dix ans et passer un coup de fil à un ancien camarade de promotion pour lui proposer de faire du business », explique-t-il.

Grâce au réseau d’HEC, j’ai pu identifier les bons contacts

Comme le fondateur d’Omniup, la plupart des jeunes créateurs  de la tech africaines sont issus de formations généralistes diverses – écoles d’ingénieur et de commerce –,  en partie, le plus souvent, dans un établissement prestigieux situé en dehors du continent. Ces formations offrent de nombreux avantages, à commencer par les contacts.

Nouveaux horizons à l’étranger

Un constat partagé par Bola Bardet, diplômée en France d’un Executive MBA de HEC après une formation initiale à la Business School de l’Institut Mines télécoms. Cette Franco-Béninoise de 37 ans a créé en 2019 Susu, une plateforme digitale qui propose de l’assurance-santé aux membres de la diaspora souhaitant couvrir leur famille sur le continent. Basée en Côte d’Ivoire et en France, son entreprise recrute aussi bien des développeurs produits que des médecins et des assureurs.

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« Le domaine de la santé m’était complètement inconnu. Mais grâce au réseau d’HEC, j’ai pu identifier les bons contacts », explique-t-elle.

Savoir maîtriser l’humour dans une langue étrangère permet de tisser un lien avec un client potentiel

Le passage par la case grande école lui a également ouvert ses horizons, notamment grâce à des échanges à l’étranger. « J’ai pu faire un séjour en Inde, aux États-Unis et en Afrique du Sud. Cela m’a permis de voir les différentes manières de faire du commerce. C’est un vrai atout quand on veut lancer un projet panafricain », ajoute Bola Bardet.

Enrichir son bagage linguistique

L’occasion également de parfaire et d’enrichir son bagage linguistique. « Savoir parler une langue étrangère, c’est aussi maîtriser l’humour et les formules, qui permettent de tisser un lien avec un chef d’entreprise partenaire ou un client potentiel », complète Ali Bensouda qui a fait un échange à l’université de York, à Toronto, lors de sa formation à l’EM Lyon.

Mon expérience en France m’a permis d’aiguiser mon esprit critique

À la tête d’Enova Robotics, unique fabricant de robots intelligents en Afrique, Anis Sahbani a quant à lui fait ses armes à l’École nationale d’ingénieurs de Tunis (ENSAT). Diplômé en 1998, il a poursuivi ses études en France à l’université Paul-Sabatier de Toulouse avant de devenir enseignant-chercheur à l’Université Pierre-et-Marie-Curie de Paris.

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« J’ai pu voyager aux quatre coins du monde pour donner des conférences. Mon expérience en France m’a également permis de découvrir une autre méthode et d’aiguiser mon esprit critique », explique le dirigeant, qui a amorcé un virage vers l’entrepreneuriat en 2014.

Mon expertise me permet de comprendre plus facilement les besoins d’un client

« Je voulais faire quelque chose de concret et créer une entreprise de conception et de fabrication de robots mobiles en Tunisie. Il n’y avait personne sur ce créneau », raconte Anis Sahbani. Problème : le pays ne dispense pas de formations dans la robotique. « J’ai été obligé de former les premiers ingénieurs de l’entreprise moi-même. Ma double casquette d’expert et d’enseignant m’a beaucoup aidé pour faire monter en compétence les salariés », estime-t-il.

Puiser dans son savoir-faire

Le Sénégalais Omar Cissé a également puisé dans les compétences techniques acquises lors de sa formation à l’École supérieure polytechnique de Dakar pour mettre sur pied en 2014 InTouch, une plateforme universelle acceptant tous les moyens de paiement.

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« Je n’aurais pas pu créer cette solution sans mes connaissances techniques. Même si je ne suis aujourd’hui plus aussi présent dans la phase d’ingénierie des applications d’Intouch, mon expertise me permet de comprendre plus facilement les besoins d’un client », fait valoir l’entrepreneur.

Cela m’a permis de comprendre comment développer un produit sur un marché

Un savoir-faire d’ingénieur crucial, mais insuffisant pour accompagner au mieux le développement de sa société une fois la phase d’amorçage réussie. « Huit ans après l’obtention de mon diplôme d’ingénieur, j’ai ressenti le besoin de compléter ma formation avec un MBA en management », indique Omar Cissé, qui a choisi celui de l’Institut supérieur de management (ISM) de Dakar – l’une des trois meilleures écoles du dernier classement des Business schools de JA – dont il est sorti diplômé en 2007.

Voir le monde sous forme d’opportunités

Formée initialement en informatique à l’Institut national des sciences appliquées et de technologie (Insat), rattaché à l’Université de Carthage, la Tunisienne Amira Cheniour, co-CEO de Seabex, plateforme de smart-agriculture, a également éprouvé ce besoin. Après son premier cursus universitaire, elle a choisi de fréquenter les bancs de l’École supérieure privée d’ingénierie et de technologie (Esprit, établissement du réseau Honoris), à Tunis, qui dispense à la fois des cours purement technologiques et de marketing.

L’EM Lyon nous a incité à voir le monde sous forme d’opportunités de création d’entreprise

« Cela m’a permis de comprendre comment développer un produit sur un marché, et rendre une start-up rentable », explique la trentenaire qui indique avoir contracté le virus de la création d’entreprise là-bas.

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Un esprit entrepreneurial qu’Ali Bensouda estime avoir également trouvé à l’’EM Lyon. « Dès la première année, on doit créer une entreprise de A à Z. Cela nous incite à voir le monde sous forme d’opportunités. À chaque fois qu’il y a un besoin, on pense création d’entreprises pour changer les choses. C’est ce qui m’a motivé pour fonder Omniup. Je voyais qu’il existait une fracture numérique dans les pays émergents, notamment africains, qui étaient de plus en plus importante. J’ai voulu proposer une solution pour répondre à ce problème », se souvient-il.

Dépendre de technologies très évolutives

D’autres fondateurs de start-up formés en écoles d’ingénieur choisissent de s’associer avec des profils complémentaires possédant des compétences en gestion.

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Diplômé d’un master en informatique de l’université de Townson aux États-Unis, l’Ivoirien Régis Bamba a fondé avec son compatriote Hassan Bourgi, Djamo, qui a mis au point une application financière ayant reçu récemment l’appui d’Y Combinator, prestigieux incubateur et fonds d’amorçage américain.

Nos étudiants sont en entreprise la semaine et suivent leurs cours les soirs et week-end

« Mon manque de connaissances en gestion d’entreprise m’avait déjà fait défaut par le passé, notamment lorsque j’ai voulu développer des solutions pour mobile au Nigeria », explique Régis Bamba, qui s’appuie en la mtière sur les compétences de son associé, diplômé de la Montpellier Business School en France, puis d’un master en management international de l’Escuela de Alta direccion y administracion (Eada), à Barcelone.

Alors qu’ils dépendent de technologies très évolutives, les jeunes patrons de start-up parient aussi sur la formation continue de leurs employés pour rester au niveau sans se faire distancer par d’autres jeunes pousses.

« Chez Enova Robotics, nous avons des étudiants qui viennent travailler dans notre entreprise dès la licence. Ils sont en entreprise la semaine et suivent leurs cours les soirs et week-end. C’est une manière pour nous de garder un œil sur les nouveautés et de les intégrer à nos compétences », explique-t-il.