Société

Élection à la CAF : le milliardaire Patrice Motsepe sort du silence et expose sa stratégie

À seulement deux semaines de l’élection pour la présidence de la confédération, l’homme d’affaires sud-africain a dévoilé un programme ambitieux : faire du football africain une entreprise prospère.

Réservé aux abonnés
Mis à jour le 26 février 2021 à 11:33

Le milliardaire sud-africain Patrice Motsepe lors d’un point de presse alors qu’il présente sa stratégie de présidence de la CAF à l’approche des prochaines élections présidentielles, à Sandton, Afrique du Sud, le 25 février 2021. © Siphiwe Sibeko/REUTERS

« Que viens-je faire dans le football ? », se demande à voix haute Patrice Motsepe. À la tribune du centre de conférence de Sandton à Johannesbourg, le 25 février l’homme d’affaires formule la question que tout le monde se pose depuis l’annonce surprise de sa candidature à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF), le 9 novembre 2020. « Quand on m’a demandé à plusieurs reprises de me présenter, je ne peux pas vous dire ce que j’ai répondu car il  y a des enfants dans la salle », élude Patrice Motsepe. Après avoir contrôlé son langage, le milliardaire confie : « J’ai répondu non, certainement pas, j’ai assez de challenges dans ma vie. »

À Lire Élection à la CAF : qui épaule le candidat et milliardaire sud-africain Patrice Motsepe ?

Entre son refus initial et sa candidature, nul ne sait pourquoi il a changé d’avis. Devant les journalistes, l’entrepreneur de 59 ans continue à dire qu’il a suffisamment de travail, qu’il préfère par-dessus tout se consacrer à sa Fondation, que le football lui a fait perdre plus d’argent qu’à n’importe qui sur le continent et qu’il existe des gens très compétents pour diriger les instances africaines du football. Reste un début d’explication : « J’aime le football. C’est un amour stupide, irresponsable. »

Candidat du rassemblement

Il n’y a en revanche aucune proposition déraisonnable dans son programme. Ce dernier tient en dix points : généralisation de l’assistance vidéo à l’arbitrage, meilleure diffusion télévisée des matchs africains, ou encore construction d’au moins un stade aux standards de la FIFA dans chaque pays. En digressant, Patrice Motsepe se fait plus consistant. Il évoque sa préférence pour un maintien de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) tous les deux ans, s’engage à ne pas déménager le siège de la CAF du Caire à Johannesburg et dénonce la désinformation qui le présente comme un candidat propulsé pour « nuire au Maroc ». Patrice Motsepe insiste pour être vu comme le candidat du rassemblement, jusqu’à demander à la salle d’applaudir ses adversaires. « Peu importe qui gagne », assure-t-il, fair-play.

Une candidature trop offensive pourrait transformer des partenaires économiques en adversaires

Faut-il voir dans cette forme d’humilité la prudence avisée du businessman ? Comme il le rappelle lui-même, Patrice Motsepe fait des affaires dans 40 pays du continent. Une candidature trop offensive pourrait transformer des partenaires économiques en adversaires. L’investisseur a un empire à protéger. Après avoir fait fortune dans les mines dans les années 1990, il diversifie ses activités via sa société de capital-investissement African Rainbow Capital. Avec une fortune estimée à 3,2 milliards de dollars, Patrice Motsepe figure dans le top 10 des personnalités les plus riches du continent.

À Lire Ce qu’il faut savoir sur Patrice Motsepe, le milliardaire sud-africain élu à la tête de la CAF

Selon le Zimbabwéen Phillip Chiyangwa, président du Conseil des associations de football en Afrique australe (Cosafa), cette extrême richesse serait un atout pour le candidat. « Avant, les gens cherchaient une bonne place pour se gaver. Là c’est différent. » Derrière le président de la Cosafa, les leaders du football régional sont venus soutenir celui qui fait figure de petit nouveau dans le monde du football continental. Inexpérience ? Non, « une bouffée d’air frais, un souffle nouveau », s’enthousiasme Phillip Chiyangwa.

« Make African football the best in the world »

Télécommande à la main, Patrice Motsepe anime un diaporama photo. Il affiche sa proximité avec l’ancien président américain Barack Obama, évoque une longue discussion avec la légende du football Didier Drogba. Rien en revanche sur son lien de parenté avec le président sud-africain Cyril Ramaphosa, dont il est le beau-frère. Le chef de l’État ne s’est pas impliqué publiquement dans cette candidature. Seul le ministre des Sports a fait le déplacement. Dans la salle est également présent Amaju Pinnick, le président de la fédération nigériane de football et Moïse Katumbi, l’alter ego congolais de Patrice Motsepe. Comme lui, « l’ami Moïse » est un homme d’affaires et patron d’un des plus prestigieux clubs africains, le TP Mazembe.

En bon mineur, Patrice Motsepe sait où creuser pour aller chercher de l’argent

Car c’est aussi grâce à la réputation de son équipe, le Mamelodi Sundowns FC, que Patrice Motsepe peut envisager sa candidature. Le club de Pretoria a remporté la ligue des champions continentale en 2016. S’il est élu à la présidence de la CAF, Patrice Motsepe se mettra en retrait du Mamelodi Sundowns F.C. Le candidat veut se donner corps et âme à sa nouvelle fonction. La première année de sa présidence sera consacrée à visiter tous les présidents de fédération du continent pour leur demander quelles sont leurs priorités.

À Lire CAF-Fifa : comment Ahmad Ahmad a tenté de jouer la carte Samuel Eto’o

En vérité, Patrice Motsepe connaît déjà la réponse. Le plus urgent c’est l’argent. En témoigne la personnalité qu’il rencontrera en cas d’élection. « Son nom c’est Patrick. C’est un ami, on se connait, on fait partie du Forum économique mondial », dévoile Patrice Motsepe. Un simple « Patrick » pour Patrick Pouyanné, PDG du groupe pétrolier Total, partenaire principal de la CAF depuis 2016.

En bon mineur, Patrice Motsepe sait où creuser pour aller chercher de l’argent. « Il faut parler gentiment aux PDG, les persuader. Il faut leur dire « vous vous faites des milliards, et en plus ce sera bon pour vos affaires ! ». Sous sa présidence, le football africain doit devenir rentable. Condition sine qua non pour réaliser son ambition aux accents trumpiens, « Make African football the best in the world » (« Faire du football africain le meilleur au monde »).