Tunisie : Kaïs Saïed et l’Afrique, le grand malentendu ?

L’absence de Kaïs Saïed à de grands rendez-vous africains interroge. Ses détracteurs l’accusent d’isoler la Tunisie sur le continent, tandis que diplomates et entrepreneurs se démènent sur le terrain pour faire exister une relation sous-investie.

Kaïs Saïed, le 18 septembre 2019, à Tunis. © Nicolas Fauqué

Kaïs Saïed, le 18 septembre 2019, à Tunis. © Nicolas Fauqué

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Publié le 24 février 2021 Lecture : 15 minutes.

La non-participation de président tunisien Kaïs Saïed au 34e sommet – pourtant virtuel – de l’Union africaine (UA), début février, a fait grand bruit. Deux enjeux majeurs s’y jouaient : l’intronisation de l’équipe dirigeante de la commission africaine pour les quatre années à venir mais aussi l’approvisionnement vaccinal du continent dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Othman Jerandi a beau y avoir été délégué, c’est le symbole qui compte pour nombre d’observateurs qui soulignent le manque d’engagement affiché du chef de l’État auprès du continent. L’an dernier déjà, c’est le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Sabri Bachtobji, qui avait représenté la Tunisie au 33e sommet de l’organisation panafricaine.

Sans compter la polémique de la fin 2020 autour de présumées sanctions de la part de l’UA, qui aurait interdit à Tunis de prendre la parole lors de ses réunions pour six mois à cause du non-paiement de sa contribution pour l’année passée. Un manquement à ses obligations reconnu par le ministre des Affaires étrangères Othman Jerandi, même si les sanctions ont été démenties par Nadia Akacha, directrice de cabinet du président. Contacté, le MAE n’a pas donné suite à nos demandes.

La liste des attentes déçues ne s’arrête pas là. Dans un statut Facebook sans concession, Anis Jaziri, président du Tunisia-Africa business Council (TABC), égraine les rendez-vous manqués du président : Forum économique Russie-Afrique de Sotchi (ouvert en 2019 à la prise de fonction de Kaïs Saïed), Sommet « Compact with Africa » deux mois plus tard, Conférence de Berlin sur la crise en Libye en janvier 2020, Sommet virtuel Chine-Afrique… Mais aussi de grandes rencontres internationales comme le Forum de Paris sur la Paix ou encore le Forum de Davos de janvier dernier. « L’absence du président au sommet de l’UA est incompréhensible et impardonnable, je pense que les conflits internes qui traversent le pays ont pris le dessus sur ces grands enjeux et cela nous dérange », explique-t-il à Jeune Afrique.

« Les Tunisiens ont tendance à oublier qu’ils font partie de l’Afrique. Ce continent n’intéresse pas le chef de l’État, très habité par l’idéologie nationaliste arabe et donc essentiellement tourné vers le monde arabe », regrette de son côté l’historienne Sophie Bessis. « Bien sûr, un président élu doit être présent et très actif dans ce genre de forums, mais nous ne connaissons pas les raisons de son absence, et cela n’a pas empêché la Tunisie de se faire entendre via le ministre de tutelle », tempère Khemais Jihnaoui, ex-ministre des Affaires étrangères (2016-2019). Avant de concéder que le pays pourrait être « plus audible au sein des structures de l’UA ».

Une diplomatie africaine écaillée

Lorsque l’on interroge les représentants tunisiens sur une relation à l’Afrique plus qu’ambiguë, tous évoquent immanquablement l’Ifriqiya, appellation antique du territoire de la Tunisie moderne qui aurait donné son nom au continent. Une rengaine qui ne masque pas le manque de dynamisme de la relation au continent.

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