Politique

Congo : dernière ligne droite pour Denis Sassou Nguesso avant la présidentielle

À l’heure où s’ouvre la campagne pour la présidentielle fixée au 21 mars, tout le monde ou presque s’accorde à dire que Denis Sassou Nguesso sera probablement reconduit pour un quatrième mandat. Sans que cela ne provoque de remous.

Réservé aux abonnés
Par - Envoyé spécial
Mis à jour le 23 février 2021 à 12:43

Le chef de l’État congolais lors d’une rencontre avec son homologue russe au Kremlin, à Moscou, le 23 mai 2019. © MARCO LONGARI/AFP

S’il est réélu, dans quelques semaines, pour le quatrième de ses mandats consécutifs, Denis Sassou Nguesso (DSN) aura alors la perspective de faire son entrée – à partir de 2024 – dans le club très restreint des chefs d’État africains ayant passé au moins quatre décennies à la tête de leur pays.

Le président congolais rejoindrait ainsi son homologue équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema, qui a déjà dépassé la marque (en fonction depuis 1979), ainsi que le Camerounais Paul Biya (depuis 1982) et l’Ougandais Yoweri Museveni (depuis 1986), lui-même réélu pour un sixième mandat en janvier dernier.

À Lire Présidentielle au Congo : la garde rapprochée (électorale) de Denis Sassou Nguesso

Mais pour honorer ce rendez-vous avec l’histoire, Denis Sassou Nguesso, aujourd’hui âgé de 77 ans, doit remporter le prochain scrutin, si possible par « un coup K.-O. », au soir du 21 mars.

Fin de non-recevoir

Au regard du casting de cette présidentielle, une nouvelle victoire du candidat investi par le Parti congolais du travail (PCT) dès décembre 2019 – bien avant que lui-même confirme sa participation, le 23 janvier dernier – ne fait guère de doute. Toujours aussi désargentée, l’opposition est en panne de leader depuis l’incarcération du général Jean-Marie Michel Mokoko (condamné en 2018 à vingt ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État ») et l’annonce du retrait de la candidature du premier secrétaire de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads) et chef de file de l’opposition, Pascal Tsaty Mabiala, le 30 janvier.

Seule véritable tête d’affiche restant dans la course face à DSN : Guy-Brice Parfait Kolélas, le patron de l’Union des démocrates humanistes (UDH-Yuki), arrivé deuxième à l’issue du scrutin de 2016, avec plus de 15 % des suffrages exprimés. Mais ni lui ni, a fortiori, les six autres candidats, qui ont déposé leurs dossiers auprès de la Direction générale des affaires électorales avant la date limite du 8 février, ne semblent disposer d’une base militante et de moyens financiers suffisants pour espérer l’emporter.

D’autant qu’aucune des exigences présentées par l’opposition, modérée comme radicale, réunie fin novembre 2020 lors de la concertation nationale organisée par le ministère de l’Intérieur à Madingou, n’a été retenue pour la préparation du scrutin. La révision à grande échelle des fichiers électoraux, tout comme la proposition de mettre en place une période de transition sous l’égide de DSN avec un gouvernement d’union nationale, afin de préparer une transition apaisée, ont reçu une fin de non-recevoir de la part du pouvoir.

Un climat bien plus apaisé qu’en 2016

L’élection se déroulera donc selon les conditions décidées par la majorité et validée depuis par la Commission nationale électorale indépendante (Cnei), « dans la paix et la transparence qui permettront à toute la population de s’exprimer librement », assure Henri Bouka, le président de cette instance, par ailleurs président de la Cour suprême – ce qui soulève, côté opposition, des soupçons de conflit d’intérêts.

Les impératifs de paix souhaités par le chef de l’État semblent d’ailleurs être cette fois réunis. Le climat actuel n’a rien à voir avec les tensions politiques, provoquées par la réforme constitutionnelle de 2015, qui avaient entouré la précédente présidentielle. « La situation dans le pays est très calme », confirme un diplomate en poste à Brazzaville.

À Lire [Édito] Élections présidentielles : l’alternance n’est pas (forcément) la solution

Des troubles peuvent toujours survenir dans la région du Pool, maintenue sous haute surveillance par les autorités, mais le pays, encore traumatisé par les événements de 1997, n’aspire dans l’immédiat qu’à la stabilité. Et pour être certain que le premier tour se passera dans les meilleures conditions, les membres des forces publiques iront voter quatre jours plus tôt afin d’être tout à l’exercice de leur fonction le jour du scrutin.

Autre bonne nouvelle pour le chef de l’État, cette paix semble régner jusque dans son propre camp. Le PCT est cette fois en ordre de marche derrière son leader depuis que Pierre Moussa, nommé secrétaire général du parti fin 2019, a su faire taire les dissensions générationnelles qui avaient un temps secoué la formation. Au moins pour l’instant, avant que, tôt ou tard, ne se pose l’inévitable question de la succession.

Si la majorité s’interdit désormais d’y penser, l’opposition elle, se positionne déjà, dans toute sa diversité, entre les uns, déjà bien résolus à prendre date dès le mois de mars, quand quelques autres préfèrent passer leur tour, convaincus que les conditions d’une alternance seront meilleures… en 2026. D’ici là, « nous devons créer un contexte favorable pour une sortie honorable du président », veut croire Christian Rodrigue Mayanda, le secrétaire général de l’UDH-Yuki, presque au nom de l’opposition.

Agenda chargé

Au sein des institutions internationales comme des chancelleries, beaucoup espèrent cependant que le prochain quinquennat « ne s’inscrira pas dans un futur hypothétique, mais bien dans l’urgence du présent », selon la formule du représentant de l’un des principaux bailleurs de fonds du pays.

À Lire Maudit pétrole… Brazza, le FMI et les traders

L’agenda du chef de l’État s’annonce en effet bien rempli s’il veut aider le Congo à sortir, dans la durée, de la crise économique qui ronge son économie depuis 2014. Ces dernières années, Denis Sassou Nguesso s’est personnellement investi auprès des différents partenaires financiers du pays pour qu’une solution soit trouvée. Sans succès pour l’instant, puisque l’aide internationale ne reprendra qu’une fois réglé le différend financier qui oppose le pays à certains négociants pétroliers.

Si, sur ce dossier, comme l’affirme le chef du gouvernement, Clément Mouamba, la question est bien en passe d’être résolue, alors le Congo disposera des moyens de reprendre la « marche vers le développement » promise en 2016 dans son slogan de campagne, par DSN. Lequel disposera alors de son nouveau quinquennat pour se (re)construire la stature d’homme d’État fédérateur et leader à laquelle il aspire. Et pas seulement sur le plan national.

À Lire Denis Sassou Nguesso : dix choses à savoir sur un « empereur » en quête de réélection

Très impliqué depuis des années dans le domaine de l’environnement, Denis Sassou Nguesso a fait du Congo l’un des porte-étendards de l’Afrique en la matière dans les cénacles internationaux. Apprécié par ses pairs, il reçoit régulièrement certains d’entre eux dans son fief d’Oyo, comme le Togolais Faure Essozimna Gnassingbé et le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embaló.

Il multiplie également les médiations à travers le continent (Centrafrique, Libye, Guinée / Guinée-Bissau…) pour renforcer une influence régionale et continentale qui s’était quelque peu émoussée avec le temps. Surtout, ses relations avec le voisin d’en face ont radicalement changé. « Le courant a l’air de très bien passer avec Félix Tshisekedi », constate notre diplomate étranger. Mieux, DSN apparaît un peu comme le parrain régional de son homologue kinois ; il l’a reçu à plusieurs reprises dans le cadre du bras de fer que ce dernier a engagé avec son prédécesseur, Joseph Kabila. Au point que la construction du pont reliant les deux capitales les plus proches au monde redevient d’actualité. Ce serait alors une belle façon pour DSN de tirer sa révérence. Si un jour l’envie lui en prenait.