Politique

RDC : proche de Joseph Kabila, Alexis Thambwe Mwamba à son tour menacé de destitution

Le procureur général près la Cour de cassation accuse le président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba, de détournement de deniers publics et souhaite l’auditionner. Le bureau du Sénat a refusé.

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Mis à jour le 2 février 2021 à 14:59

Le président du Sénat Alexis Thambwe Mwamba, proche de Joseph Kabila, est désormais sur la sellette. © Vincent Fournier/Jeune Afrique-REA

C’est une lettre datée du 1er février, qui a fait l’effet d’une déflagration. Adressée au bureau du Sénat congolais, elle est signée de la main de Victor Mumba Mukomo, le procureur général près la Cour de cassation. « Qu’il plaise au bureau du Sénat d’autoriser l’instruction à charge du président du Sénat, M. Alexis Thambwe Mwamba, pour détournement des deniers publics et lui permettre ainsi de présenter ses moyens. »

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Ouverture d’une enquête

Le procureur général y expose d’abord ce qui justifie à ses yeux l’ouverture d’une enquête à l’égard de ce proche de l’ancien président, Joseph Kabila : « Le 6 janvier 2021, le sieur Alexis Thambwe Mwamba, président du Sénat, a tiré, pour le compte du Sénat, trois chèques d’un import respectif de 2 millions d’euros, 1 million de dollars et 1 million de franc congolais », affirme-t-il.

« Le trésorier de Sénat ayant retiré ces sommes à la banque commerciale du Congo, remit les 2 millions d’euros et 1 million de dollars américains au conseiller financier du questeur du Sénat, précise Victor Mumba Mukomo, en demandant au bureau du Sénat d’autoriser les poursuites. Ledit conseiller partit les remettre au président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba, à sa résidence, d’où l’ouverture du présent dossier. »

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Depuis plusieurs jours, le vent semblait être en train de tourner pour Thambwe Mwamba, le dernier des proches de Kabila a encore tenir les rênes d’une institution de la République. Le 8 janvier, soit deux jours après les retraits mentionnés par le procureur, le rapporteur du Sénat, Kaumba Lufunda, avait dénoncé les accusations de détournement qui commençaient à circuler, affirmant qu’elles n’étaient « que des affabulations destinées à discréditer la chambre haute du Parlement ».

Alors qu’une vaste offensive politique orchestrée par la présidence congolaise vise Joseph Kabila et ses proches et a déjà abouti à la destitution de Jeanine Mabunda de la présidence de l’Assemblée nationale et à la démission du Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, Thambwe Mwamba paraissait en sursis.

Il est également visé par une pétition réclamant sa destitution, tout comme plusieurs membres de son bureau, dont Samy Badibanga, le vice-président du Sénat qui a assisté l’informateur Modeste Bahati Lukwebo dans sa mission d’identification d’une nouvelle majorité. Selon nos informations, ces pétitions, qui ont été déposées ce mardi matin, ont déjà recueilli plusieurs signatures.

Séance agitée au Sénat

Lors d’une séance plénière électrique, lors de laquelle les sénateurs signataires de la pétition réclamant sa destitution ont exigé qu’il démissionne, Alexis Thambwe Mwamba a tenu bon. Refusant de quitter son poste, il s’est employé à se défendre des accusations qui le visent. « J’ai expliqué que l’argent a été consigné. J’ai donné des pièces justificatives, a-t-il affirmé à l’issue de la séance. Ces fonds sont entrés dans le trésor. Il n’y pas eu détournement. »

Il n’a cependant pas exclu de quitter la présidence du Sénat, mais réclamé que la procédure soit suivie à la lettre. « Nous sommes en démocratie. Il n’y a pas de poste à vie, cela n’existe pas, a-t-il déclaré. On a un mandat et si ceux qui nous ont donné le mandat décident de le retirer, je partirai. J’ai un mandat et le jour où il prend, fin je pars. Ce n’est pas la fin du monde. »

À l’issue de cette séance inhabituellement agitée dans un Sénat accoutumé aux débats feutrés, dans un courrier signé de la main du deuxième vice-président, Tibasima Mbogemu Ateenyi, le bureau a refusé la demande du procureur de pouvoir auditionner Alexis Thambwe Mwamba. « Le bureau du Sénat [présidé par Mwanba] estime qu’il n’y a pas matière à autoriser l’instruction sollicitée, les faits décrits ne s’analysant pas en infraction tel que vanté », conclut ce courrier qui avance des explications quant aux sommes visées par la saisine du procureur.

À en croire les explications de Tibasima Mbogemu Ateenyi, si Mwamba a bel et bien « tiré les trois chèques » concernés, il a été « obligé » de « loger ces fonds provisoirement à son domicile ». La cause ? « La forte effervescence au Palais du Peuple, aile Assemblée nationale » qui régnait le 6 janvier dernier et qui « a été une cause d’insécurité ». Selon la version communiquée au procureur par le bureau du Sénat, le trésorier aurait récupéré les fonds dès le lendemain, le 7 janvier, et ramené l’argent au Sénat.

Quant au vote par le Sénat de la loi autorisant la ratification par la RDC de l’accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), qui avait été inscrit à l’ordre du jour de cette plénière à huis clos, il a fait les frais de l’agitation politique : une grande partie des sénateurs n’ayant pas participé au vote, le texte a été rejeté. Mais celui-ci ayant déjà adopté par l’Assemblée nationale, Félix Tshisekedi pourra cependant le promulguer sans se soucier de cet aléa au Sénat.