Politique

RDC : ce qu’il faut savoir sur Bintou Keïta, future patronne de la Monusco

Après trois années à la tête de la mission de maintien de la paix en RDC, la diplomate algérienne Leïla Zerrougui s’apprête à passer la main. Pour lui succéder, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a choisi de nommer l’expérimentée diplomate guinéenne Bintou Keïta.

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Mis à jour le 21 janvier 2021 à 11:44

Bintou Keïta, future patronne de la Monusco. © Loey Felipe/UN Photo

• « Pur produit onusien »

« Une enfant des Nations unies ». C’est en ces termes que Leïla Zerrougui, dont le mandat prend fin le 6 février, a présenté mi-janvier la future cheffe de la Monusco. Au sein de la mission, le choix d’un profil comme celui de Bintou Keïta ne surprend pas. Femme, africaine, ce que privilégiaient certains partenaires comme la France, la diplomate guinéenne est surtout un « pur produit onusien », résume un diplomate en poste à Kinshasa. Née en 1958, formée à l’Université de Panthéon-Assas, à Paris, Bintou Keïta a rejoint l’ONU en 1989, à 31 ans.

• Expérience

Secrétaire générale pour l’Afrique au département des opérations de maintien de la paix depuis 2017, Bintou Keïta a occupé de nombreuses fonctions à l’ONU au cours des trois dernières décennies. Passée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), elle a aussi occupé plusieurs postes au Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) au Tchad, au Congo, à Madagascar, au Cap-Vert, au Rwanda et au Burundi. Elle a également été nommée Représentante spéciale conjointe adjointe auprès de l’Opération hybride Union africaine-Nations unies au Darfour (Minuad) à partir de 2015.

• Sahel

Avant d’être pressentie pour succéder à Leïla Zerrougui, Bintou Keïta faisait également partie des profils évoqués pour prendre la suite du Tchadien Mahamat Saleh Annadif à la Minusma, la mission de maintien de la paix au Mali, tout comme l’avaient été le Mauritanien El Ghassim Wane et le numéro deux de la Monusco, l’Américain David Gressly, mais n’avait pas été retenu.

Paris, qui plaidait pour qu’un ou une diplomate africain lui succède, ne s’est pas entendu avec Washington sur le sujet. Faute de consensus sur le nom de son successeur, le mandat d’Annadif a finalement été prolongé.

• Seule candidate ?

S’il semble que le nom de Bintou Keïta ait en revanche rapidement fait l’unanimité pour la Monusco, il faut souligner que peu d’autres profils avaient été envisagés.

Fin 2020, le nom de l’Américain J. Peter Pham avait brièvement circulé. Ancien envoyé spécial des États-Unis pour les Grands Lacs, poste qu’il a occupé de novembre 2018 à mars 2020, le diplomate américain, ensuite nommé au même poste pour le Sahel, continue de suivre la diplomatie américaine en RDC, les États-Unis étant l’un des principaux soutiens diplomatiques de Félix Tshisekedi.

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Le mandat de Leila Zerrougui s’achève officiellement le 6 février, mais Bintou Keita pourrait n’arriver à Kinshasa qu’en mars. Dans ce cas de figure, un court intérim serait assuré par David Gressly.

• Dans les bonnes grâces de Gitega

En poste au Burundi entre 2007 et 2010, en qualité de représentante exécutive adjointe du Secrétaire général pour le Bureau intégré des Nations unies, la diplomate guinéenne est l’une des rares dirigeantes onusiennes à être appréciée par les autorités burundaises. Une prouesse, tant les relations entre Gitega et l’ONU se sont dégradées pendant le troisième mandat de Pierre Nkurunziza (2015-2020).

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Évariste Ndayishimiye, les Nations unies semblent prêtes à desserrer l’étau. Bintou Keïta avait ainsi accompagné le représentant de l’ONU pour les Grands Lacs, Huang Xia, à Gitega, en septembre 2020. Une visite au cours de laquelle la Guinéenne avait pu rencontrer le nouveau président burundais.

• Nouvelle donne politique

Bintou Keïta prendra ses fonctions dans un contexte politique particulier. Depuis le 6 décembre, avec l’annonce de la rupture de la coalition entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila, le président congolais s’attelle à la formation d’une nouvelle majorité.

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Dans les mois qui ont précédé cette crise politique, Leïla Zerrougui avait multiplié les rencontres avec Tshisekedi et Kabila, jouant même un rôle d’intermédiaire.

• La Monusco sur le départ ?

L’autre aspect crucial du mandat de la nouvelle patronne de la Monusco sera la poursuite de la stratégie de retrait progressif de la mission. La dernière résolution du Conseil de sécurité, adoptée en décembre 2020, l’a prorogée d’un an. Elle prévoit, pour 2021, les retraits planifiés de la mission au Kasaï ainsi que le renforcement graduel de la présence de la Monusco au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri.

Un plan de transition est par ailleurs attendu pour le mois de septembre. En interne, nombreux sont ceux qui doutent d’un départ avant la présidentielle de 2023. Dans une interview à Jeune Afrique en octobre 2020, Leïla Zerrougui s’était d’ailleurs montrée vague sur le sujet : « Ce qui nous a été demandé, c’est une stratégie [de retrait] “responsable et durable”. (…) Nous partirons lorsque nous serons sûrs de ne pas revenir. »