Tunisie : qui sont les nouveaux ministres du gouvernement Mechichi ?

Entre confinement et tensions sociales, le chef du gouvernement tunisien a effectué un remaniement ministériel attendu depuis sa prise de fonction en septembre.

L’ex-Premier ministre tunisien Hichem Mechichi lors de la cérémonie de passation de pouvoirs à Tunis, le 3 septembre 2020. © Riadh Dridi/AP/SIPA

L’ex-Premier ministre tunisien Hichem Mechichi lors de la cérémonie de passation de pouvoirs à Tunis, le 3 septembre 2020. © Riadh Dridi/AP/SIPA

Publié le 18 janvier 2021 Lecture : 4 minutes.

Aux commandes de la Kasbah depuis début septembre, Hichem Mechichi a subi, dès sa nomination, la pression exercée par les partis et la présidence, qui lui ont imposé plusieurs de ses ministres.

La polémique autour de Walid Zidi, éphémère ministre des Affaires culturelles (du 2 septembre au 5 octobre 2020) voulu par Carthage, avait rendu public le désaccord entre les deux têtes de l’exécutif Kaïs Saïed et Hichem Mechichi, ce dernier ayant pourtant été adoubé par le président de la République. Un premier bras de fer qui indique que Mechichi n’entend pas être le porte-voix de Carthage, mais souhaite jouer pleinement son rôle de chef de gouvernement avec l’appui de l’assemblée.

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Sept mois plus tard, son émancipation est actée. L’énarque vient d’opérer une refonte de son équipe, une mesure devenue urgente après le limogeage du ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine, début janvier. Un poste-clé sur lequel Carthage avait des visées, bien que le département de l’Intérieur ne relève pas de ses prérogatives. Le remaniement, qui a porté sur onze portefeuilles, écarte tous ceux qui avaient supposément été désignés par Kaïs Saïed en septembre.

Soutien d’Ennahdha

Le onze qui fait son entrée sur le terrain gouvernemental est hétéroclite. L’ancien ministre de Ben Ali, Ridha Ben Mosbah, est rappelé aux affaires, aux manettes de l’Industrie et des PME, secteur qu’il connaît bien. Le gouvernement fait aussi appel à deux jeunes pointures : le polytechnicien Zakaria Belkhodja à la Jeunesse et aux Sports, et Youssef Fenira, un ancien du groupe Lagardère, à l’Emploi. L’exécutif répond aussi aux urgences actuelles avec le spécialiste de la santé publique, le docteur Hédi Khairi, à la Santé.

La configuration du gouvernement prend en compte les équilibres partisans et fait la part belle aux proches d’Ennahdha. « C’est ainsi qu’il faut interpréter le retour à l’Agriculture de l’ingénieur Oussema Kheriji ou celui de Chiheb Ben Ahmed, ancien ministre des Transports, nommé aux Affaires locales et à l’Environnement », commente un observateur.

L’ancien chef du gouvernement et dirigeant d’Ennahdha Ali Larayedh a d’ailleurs salué la nouvelle équipe : « Certains des nouveaux ministres ont été nommés auparavant. La majorité d’entre eux ont eu un bon rendement et sont des compétences respectables, voire très respectables. »  Hichem Mechichi a pourvu aux postes vacants mais aussi confirmé certains ministres, comme Ali Kooli, ministre de l’Économie, des Finances et du soutien de l’investissement.

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À peine le chef du gouvernement a-t-il énoncé les noms qui rejoignent son équipe qu’il a été taxé de machiste pour n’avoir pas nommé de femme à l’un de ces postes, même si quatre femmes sont en fonction depuis septembre. Certains crient aussi au conflit d’intérêts en suggérant notamment que Sofiane Ben Tounes, membre de Qalb Tounes, à la tête du ministère de l’Énergie et des Mines, serait actionnaire d’une entreprise concernée par des marchés publics. La déclaration de biens dont devront s’acquitter les nouveaux ministres permettra de tirer au clair ces accusations lancées par l’ONG I Watch.

Décrédibilisation des prises de décision

Mechichi a ainsi fait le choix de privilégier et de consolider ses appuis politiques au parlement, mais entérine également une rupture, ou du moins une prise de distance, avec Carthage. Dans son annonce de remaniement, il a simplement signifié qu’il avait informé le président de la République, une démarche courtoise qui n’appelle pas de réponse ou d’aval de Kaïs Saïed.

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Plus question, donc, de consulter Carthage hors des questions de défense nationale et de diplomatie, prérogatives du président. « L’ingérence dans les affaires de l’État, sans consulter le chef du gouvernement, de la directrice du cabinet présidentiel, Nadia Akacha, a conduit à cette situation. Sans compter les intromissions récentes de Kaïs Saïed lui-même, qui finissent par décrédibiliser les prises de décisions au sein de l’exécutif », affirme un conseiller de Mechichi.

Le gouvernement de Mechichi aurait tort de s’embarrasser de contraintes superflues tant les urgences se multiplien

Les nominations ministérielles portent l’empreinte d’Ennahdha et de Qalb Tounes, et rappellent que ces partis ont appuyé Mechichi en septembre pour empêcher Kaïs Saïed de dissoudre éventuellement l’assemblée.

Entre temps, des liens se sont tissés et Mechichi est devenu le champion des deux principales formations politiques au parlement. Elles devraient d’ailleurs approuver sans rechigner les nouveaux venus de l’équipe Mechichi quand ce dernier les présentera à l’hémicycle. Une démarche qui n’est pas obligatoire. « La Constitution prévoit le passage devant l’assemblée lors de la création d’un gouvernement et non à faveur d’un remaniement », précise Salsabil Klibi, professeur de droit constitutionnel. Mais c’est devenu une tradition depuis que l’ancien chef du gouvernement Habib Essid a souhaité, lors d’un remaniement partiel en 2015, demander la confirmation de nouveaux ministres aux députés.

Le gouvernement de Mechichi aurait tort de s’embarrasser de contraintes superflues tant les urgences se multiplient. Malgré l’expansion de la pandémie, la grogne sociale est si exacerbée qu’elle défie, depuis une semaine, le confinement et le couvre-feu de rigueur. Des heurts et affrontements nocturnes opposent des jeunes aux forces de l’ordre, un peu partout sur le territoire, comme en 2011, avant la révolution.

Les nominations :

  • Ministre de l’Intérieur : Walid Dhahbi
  • Ministre de la Justice : Youssef Zouaghi
  • Ministre des Domaines de l’État et des Affaires foncières : Abdellatif Missaoui
  • Ministre de l’Industrie et des PME : Ridha Ben Mosbah
  • Ministre de l’Énergie et des Mines : Sofiene Ben Tounes
  • Ministre des Affaires locales et de l’Environnement : Chiheb Ben Ahmed
  • Ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi : Youssef Fennira
  • Ministre de la Jeunesse et des Sports : Zakaria Belkhodja
  • Ministre de l’Agriculture, de la Pêche et des Ressources hydriques : Oussama Kheriji
  • Ministre de la Culture : Youssef Ben Brahim
  • Ministre de la Santé : Hédi Khairi

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