Steinmetz, Covid-19 et couches-culottes : un procès au pas de charge

L’homme d’affaires français Frédéric Cilins, co-accusé de Beny Steinmetz devant le tribunal correctionnel de Genève, a été la star du troisième jour d’audience. Pendant dix heures, il a livré sa vérité, de la Guinée de Lansana Conté aux griffes du FBI.

Frederic Cilins© Global Witness via Youtube Frederic Cilins
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Publié le 14 janvier 2021 Lecture : 8 minutes.

Beny Steinmetz : « L’Afrique, Soros et moi » © Photomontage : JA
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[Série] Beny Steinmetz : « L’Afrique, Soros et moi »

Discret magnat des mines et de l’immobilier, ami des puissants en Afrique et ailleurs, patriote israélien condamné pour corruption… Beny Steinmetz offre autant de facettes que les diamants qu’il avait naguère l’habitude de négocier. Qui est-il vraiment ? Quelle est son histoire avec le continent ? J.A. dresse son portrait, après l’avoir rencontré en exclusivité.

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Il est plus de 19 heures sur les rives du lac Léman. Au cœur de la salle d’audience numéro trois du tribunal correctionnel de Genève, la fatigue commence à se faire sentir. Depuis neuf heures du matin, Frédéric Cilins répond, intarissable, aux questions de la présidente du tribunal, qui tente d’éclaircir son rôle dans les affaires du Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) en Guinée.

Contrat après contrat, réunion après réunion, courriel après courriel, l’homme d’affaires de 58 ans s’explique. Autour de lui, ses trois avocats ont revêtu leurs habits d’archivistes : un à un, ils exhument les documents mentionnés. Le débat prend des allures de course de cotes (au sens juridique du terme), où défense et juges évoquent tour à tour la cinq-cent-millième ou la quatre-millionième pièce de la volumineuse procédure (à quelques unités près).

En sept ans d’instruction, Frédéric Cilins, accusé de corruption et de faux dans les titres à l’instar de Beny Steinmetz, n’avait jusqu’ici jamais accepté de s’exprimer. Poursuivi aux États-Unis puis condamné en 2014 à deux ans de prison ferme pour obstruction à la justice, il avait suivi le conseil de ses avocats américains et gardé le silence… avant de changer d’avis, de façon radicale.

Ce 13 janvier, le voilà qui raconte donc sa vérité. « En 2005, je n’avais aucune expérience dans le domaine minier », raconte-t-il. Le Français et ses associés, Michael Noy et Avraham Lev Ran, travaillent à l’époque dans l’import-export de biens de consommation. Loin de s’intéresser au fer et à la bauxite, ils sont fournisseurs, entre autres, de… couches-culottes et de produits parapharmaceutiques.

« Scandale géologique »

Un homme d’affaires malien, Ismaël Daou, va changer la donne. « Il a commencé à me parler de possibilités avec le Mali d’Amadou Toumani Touré, notamment dans le ciment et l’or. […] Puis, il a évoqué la Guinée, se souvient Cilins. Il m’a parlé d’un scandale géologique, au sens où le pays était riche en minerais mais que rien n’était fait pour que les Guinéens en profitent. »

Le Français flaire la bonne affaire, prend des contacts et, en quelques mois, passe des couches-culottes aux minerais. Ses associés sont proches de l’Israélien Roy Oron, un cadre de BSGR qu’ils côtoient en Afrique du Sud. Par ce biais, Cilins apprend que le groupe conseillé par Beny Steinmetz s’intéresse à la Guinée (en réalité, l’entreprise a même déjà l’ambition de supplanter Rio Tinto dans les blocs 1 et 2 du Simandou).

Selon le ministère public genevois, c’est un « pacte de corruption » qui a permis à BSGR de s’implanter

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C’est décidé : le Français va jouer les entremetteurs pour BSGR à Conakry. Par l’entremise d’Ismaël Daou, il parvient à s’entretenir avec Henriette Conté, la première dame, laquelle accepte de lui ouvrir les portes du palais présidentiel. Le 20 juillet 2005, il rencontre, en compagnie d’Oron, le président Lansana Conté, lequel les envoie chez son Premier ministre, Cellou Dalein Diallo.

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