L’événement était particulièrement attendu. Le 8 janvier, après une semaine de protestations de citoyens en colère dans les médias comme sur les réseaux sociaux, les responsables de la police camerounaise sont finalement sortis de leur réserve pour désamorcer une crise montante : celle née de la raréfaction des titres d’identité dans les commissariats. Initiée par des anonymes sur la Toile, cette campagne avait conduit à une mobilisation autour du slogan « Je veux ma CNI [carte nationale d’identité] ».
Retards et pénuries
Dans une conférence de presse aux allures de communication de crise, Dominique Baya, le secrétaire général de la Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN), s’est employé à expliciter les raisons des retards et pénuries observés dans la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports.
Droit dans ses bottes, l’ancien commissaire divisionnaire a ainsi exposé une série de raisons, en insistant sur l’incivisme des usagers. Il a notamment dénoncé les détenteurs de multiples identités, qui refuseraient « de faire valider leur identité authentique, car ils ont développé d’autres avantages avec celles-là ». Selon la police, plus de 3 millions de personnes seraient dans ce cas.
Plus de 245 000 cartes sont en attente de retrait
Dominique Baya est également revenu sur ce qui constituait la ligne de défense des autorités depuis le déclenchement de cette polémique : « le non-retrait desdits documents ».
Interpellée sur son compte Facebook officiel par de nombreux usagers, la police camerounaise avait en effet multiplié les publications montrant des stocks de CNI attendant preneurs dans les commissariats. « Plus de 245 000 cartes déjà produites sont en attente de retrait par leur demandeur », a affirmé Dominique Baya, citant le seul centre de production de Garoua (région du Nord).
Mais dans ce pays confronté à de multiples crises sécuritaires et où les contrôles se sont multipliés, ces explications ont du mal à passer. « Il est difficile de s’imaginer que des gens refusent volontairement de retirer leurs documents d’identité alors que certaines personnes se retrouvent en détention pour non-présentation de leur titre, s’étonne Amadou, un habitant de Yaoundé confronté au problème. Cela fait vingt-huit mois que j’ai fait refaire la mienne. Mais, à chaque fois que je vais au commissariat, on me dit qu’elle n’est pas encore disponible. »
Racket organisé par les gendarmes
Une situation qui favorise le racket organisé par les gendarmes aux barrages de sécurité et provoque l’apparition de réseaux parallèles de production de titres d’identité au noir, avec des coûts parfois quatre voire cinq fois plus élevés que d’ordinaire.
Les autorités ont procédé à la mi-2016 à une refonte totale du système d’identification et de fabrication des nouveaux titres dans le but de renforcer la sécurité sur le territoire, en luttant en particulier contre l’usurpation d’identité et la fraude documentaire.
Seulement, l’opération – qui avait bien démarré avec la mise en circulation de cartes biométriques comportant des photos couleur au laser – a vite affiché quelques défaillances.
Le ralentissement est lié à des difficultés techniques et à des procédures
Malgré la technologie déployée par l’opérateur Gemalto (devenu Thales après son rachat), de nombreux centres de production ont rencontré des problèmes techniques et le remplacement de leur matériel défectueux a pris du temps. Résultat : une sous-production qui a provoqué un ralentissement des opérations.
Mais « le service public de production des cartes d’identité reste très actif, malgré le ralentissement de production lié aux difficultés techniques, aux procédures et à la livraison du matériel », relativise Dominique Baya.
Un comité pour examiner les cas litigieux
Face aux plaintes des usagers, qui font face à de réelles difficultés, la DGSN a néanmoins entrepris – avec les administrations impliquées dans le processus de sécurisation de la nationalité camerounaise, tel le ministère de la Justice –, la mise en place d’un comité chargé d’examiner la situation des personnes soupçonnées d’avoir plusieurs identités, afin de faciliter la production de leur titre. De quoi susciter l’espoir de millions de citoyens en quête du précieux sésame qui seront désormais informés de l’évolution de leurs requêtes par SMS.
La situation pourrait également s’améliorer dans le même sens pour la production des passeports. Cela ne sera cependant le cas que lorsque Augentic-INCM, le nouvel opérateur choisi par l’État, aura achevé la construction du centre d’enrôlement de la capitale. Le premier d’une série à bâtir ou à rénover dans chacun des dix chefs-lieux de région du pays.
Le consortium germano-portugais qui a signé, le 18 septembre dernier, un contrat de partenariat de dix ans avec les autorités camerounaises, travaillera également à la mise en place d’un système moderne devant conduire à la délivrance d’un passeport en quarante-huit heures. L’ensemble des infrastructures déployées seront restituées aux autorités à la fin du contrat, en 2030.