L’économie numérique africaine se souviendra sûrement de 2020 comme d’un gigantesque contrôle surprise. Et le commentaire sur la copie rendue ressemblerait à peu près à ceci : « De solides acquis sur lesquels il faut capitaliser ».
La vague de Covid-19 a en effet poussé des millions de citoyens à recourir à une multitude de services mobiles allant de la livraison de repas au paiement par mobile en passant par la visio-conférence. Ces nouveaux usages ont mis les réseaux haut débit sous pression, mais ils ont tenu.
C’est du moins le cas pour les zones urbaines. Car la physionomie de l’internet africain ressemble à celle des grandes métropoles du continent. Elle est inégale et oscille entre constructions solides de dernière génération et équipements rudimentaires et insuffisants.
1 – Améliorer le réseau existant
« Ces cinq dernières années ont vu l’expansion de nombreux câbles sous-marins ou terrestres sur le continent, accélérant les courbes d’adoption du haut-débit qui tournent désormais autour de 30 à 40 %. Malgré ces progrès, l’année 2020 a levé le voile sur l’insuffisance de ces réseaux au vu des besoins », estime Guy Zibi, fondateur du cabinet de conseil Xalam Analytics.
Selon cet expert des marchés technologiques, avant de couvrir la totalité de son territoire, l’Afrique doit en priorité améliorer son réseau existant en se concentrant désormais sur la « connexion utile ». Popularisée par l’Alliance for Affordable Internet, cette notion estime qu’une connectivité pertinente est une connectivité supérieure à 10 mégabits.
En d’autres termes, les opérateurs doivent maintenant faire en sorte que dans les zones les mieux couvertes, le débit permette d’accéder sans problème à des applications sophistiquées et gourmandes en données, comme Youtube, Zoom ou à de l’hébergement sur le cloud.
Selon lui, cet objectif nécessite en priorité d’accélérer le déploiement de la 4G et de la fibre optique résidentielle et de bureau (FTTH). En Afrique, « le taux d’adoption de ce type de connectivité est estimé à environ 15 % en 2020 », souligne Guy Zibi. À titre de comparaison, en Europe, les taux de pénétration du haut débit sont aux alentours de 75 à 80 %, 4G et fibre optique combinés.
2 – Démocratiser la connexion au haut débit
Qu’en est-il des populations non connectées ? 2020 a vu la concrétisation du consortium international mené par Facebook et chargé d’installer 2Africa, le plus long câble de fibre optique sous-marin du continent. En Guinée, le backbone national a débuté sa commercialisation et sera peut-être un jour connecté au réseau ouest-africain d’Orange, baptisé Djoliba.
Tandis qu’il sonde le marché africain, l’opérateur d’infrastructures de réseau Liquid Telecom a quant à lui terminé son projet de liaison entre l’Afrique du Sud et Le Caire, câblant au passage une bonne partie de l’Afrique de l’Est.
les pays africains ont besoin de davantage de concurrence sur la connectivité internationale
Du reste, les inégalités dans l’accès au numérique continuent de creuser un double fossé. Le premier est lié à la couverture géographique qui néglige 22 % de la population, n’ayant accès ni à la 3G, ni à la 4G.
Le second est sociétal : 52 % des Africains couverts par le haut débit mobile n’en font pas usage, notamment à cause de son coût. La baisse des prix de la data et des terminaux fait donc partie des priorités de 2021 pour les opérateurs. Et ils semblent en être conscients, puisqu’Orange et Safaricom ont récemment annoncé des partenariats avec Google visant à faciliter l’accès aux terminaux mobiles, soit via des financements, soit par le développement de téléphones d’entrée de gamme.
Concernant la data, « les pays africains ont besoin de davantage de concurrence sur la connectivité internationale », prévient Guy Zibi, qui estime qu’un minimum de trois fournisseurs internationaux est nécessaire pour faire baisser les prix sur un marché donné. En Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire et le Sénégal remplissent cet objectif.
3 – Être plus ambitieux sur le cloud
Le marché explose, les investisseurs accourent mais les entreprises sont-elles prêtes ? En octobre 2020, Standard Bank a finalisé la cession de l’ensemble de ses datacenters à Africa Data Centres, une filiale de Liquid Telecom spécialisée dans la gestion de ces « fermes de données ».
Ce projet, qui prévoit le basculement des données de la banque vers le cloud de Microsoft (Office 365, commercialisé par Liquid) est « le plus ambitieux du continent », estime Guy Zibi.
La région de l’Ouest est moins couverte par Amazon et Microsoft, où Orange domine sur des solutions plus basiques »
Ce choix de l’une des quatre plus grandes banques sud-africaines lui permet de développer plus rapidement de nouvelles applications tout en externalisant certains de ses coûts. « C’est un chantier techniquement difficile », reconnaît l’expert qui rappelle que la plupart des grandes entreprises continentales disposent pour l’instant de leurs propres infrastructures et testent prudemment le cloud public.
Mais l’arrivée des deux géants du secteur, Microsoft et Amazon, couplée à une construction intensive de plusieurs datacenters sur le continent (Nigeria, Ghana, Kenya, Afrique du Sud) devrait accélérer la transition. Quand ils ne démarchent pas directement leurs clients, ces deux mastodontes de la tech américaine passent par des revendeurs comme Vodacom pour commercialiser leurs solutions.
« C’est surtout le cas en Afrique australe et en Afrique de l’Est. La région de l’Ouest est moins couverte par Amazon et Microsoft, où Orange domine sur des solutions plus basiques, comme Office 365 ou Teleconference », remarque néanmoins Guy Zibi.