Bras de fer entre Bobi Wine et Yoweri Museveni, le rappeur militant et l’ancien « freedom fighter »

L’arrestation de Bobi Wine, candidat à la présidentielle, a déclenché une vague de violences au cours de laquelle au moins 37 personnes ont été tuées. S’il a été relâché, il se sait cependant toujours dans le collimateur de Yoweri Museveni.

À gauche : le musicien ougandais devenu opposant Robert Kyagulanyi, alias Bobi Wine. À droite : son adversaire à la présidentielle, le chef de l’État sortant Yoweri Museveni. © Montage photo James Akena/REUTERS – RACHEL MABALA

À gauche : le musicien ougandais devenu opposant Robert Kyagulanyi, alias Bobi Wine. À droite : son adversaire à la présidentielle, le chef de l’État sortant Yoweri Museveni. © Montage photo James Akena/REUTERS – RACHEL MABALA

Publié le 20 novembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Il venait tout juste de déclarer sa candidature à la présidentielle du 14 janvier prochain. Ce 18 novembre, Robert Kyagulanyi, alias Bobi Wine, est arrêté alors qu’il fait campagne à Jinja, dans l’est du pays. Cette énième arrestation du chanteur devenu leader de l’opposition a provoqué une vague de troubles dans le pays, dont le bilan officiel s’élevait à 37 morts et des dizaines de blessés.

Relâché ce vendredi 20 novembre, Bobi Wine a cependant été inculpé pour « actes susceptibles de propager une maladie infectieuse » et infractions aux « règles sur le Covid-19 ». C’est loin d’être une première pour celui qui, depuis qu’il a été élu député en 2017, a tour à tour été accusé de « trahison », de « possession illégale d’armes à feu » et même d’avoir tenté « d’irriter, d’inquiéter ou de ridiculiser » Yoweri Museveni, aujourd’hui bien décidé à rempiler pour un sixième mandat.

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Homme du bush

Arrivé à la tête du pays par la force le 26 janvier 1986, ce dernier est devenu en 1996 le premier président élu de l’histoire de l’Ouganda. Homme du bush converti à l’économie de marché, il se targue d’avoir ramené la paix et la croissance dans un pays déchiré par des années de dictature. « Museveni a bâti sa légitimité sur cette stabilité, souligne Kristof Titeca, chercheur à l’université d’Anvers. Mais il a 76 ans, et la majorité de la population n’a pas connu ces années de violence. »

Dans un pays où la moitié des habitants est née après 2005, le temps de la guerre de libération semble bien loin. Et la jeunesse trouve en la personne de Bobi Wine, qui a construit sa notoriété sur la scène rap, le porte-voix de ses rêves de changement. Âgé de 38 ans, l’encore jeune opposant a été élevé à Kamwokya, un bidonville de la capitale. « Ce n’est pas uniquement moi que les gens soutiennent, reconnaît-il d’ailleurs. Ils soutiennent une idée. »

Concourir contre Museveni n’est pas un combat équitable

Suffisant pour remporter une présidentielle ? Bobi Wine lui-même semble en douter. Sur le site African Arguments, le candidat concède : « Concourir contre Museveni n’est pas un combat équitable. » Il se dit néanmoins prêt à lutter.

À ses côtés, l’ancien médecin du président, le docteur Kizza Besigye. Le rival historique de Museveni, qui a tenté plusieurs fois de lui ravir sa place, a annoncé en août qu’il renonçait à se lancer dans la course.

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Compétition inégale

Leur alliance ébranlera-t-elle « M7 » (le surnom du président ougandais) ? « La compétition est très inégale : Museveni n’hésite pas à utiliser l’appareil d’État et les mesures anti-Covid pour bloquer la campagne de l’opposition », explique Kristof Titeca. C’est d’ailleurs parce qu’il est accusé d’avoir violé ces mesures lors de ses rassemblements que le député a été arrêté.

Sa force de frappe est de plus circonscrite aux centres urbains. Difficile en effet pour Bobi Wine de se démarquer dans les campagnes face à l’enfant banyankole bahima, originaire du Sud-Ouest, qui compare son pays à la vache qui lui fut léguée à sa naissance et aime à se présenter comme un simple éleveur.

Je ne suis le serviteur de personne

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Au béret rouge du chanteur, Museveni oppose un large chapeau beige tenu par une cordelette. À ses slogans, un art certain des punchlines : « Je ne suis le serviteur de personne, je suis un combattant de la liberté. Je lutte pour moi-même et ce en quoi je crois », déclarait-il ainsi en 2019.

De Bobi Wine, qu’il a un temps appelé son petit-fils, il aura vite appris à se méfier. Il sait bien que, parmi la quarantaine de candidats qui le défieront, c’est lui qui lui donnera le plus de fil à retordre. Mais l’ex-guérillero est bien décidé à prouver qu’il n’a pas (tout) perdu de ses années de « freedom fighter ». Le 15 novembre, en pleine campagne dans le Nord-Ouest, il a enchaîné une série de pompes devant ses partisans – et l’objectif des caméras. Manière de prouver que le « Mzee » a encore de l’endurance.

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