Les résultats du référendum qui s’est tenu dimanche 1er novembre portant sur la révision de la nouvelle loi fondamentale ne laissent guère de doute sur le désaveu populaire du président Tebboune .
Selon les chiffres officiels présentés ce lundi 2 novembre par Mohamed Charfi, président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), le projet constitutionnel a été adopté avec un taux de 66,8 % des suffrages, et un taux d’abstention de 76,3 %. Sur les 23,5 millions d’inscrits, seulement 5,5 millions d’électeurs se sont rendus aux urnes.
Ces résultats provisoires devront être confirmés dans les prochains jours par le Conseil constitutionnel, avant que cette nouvelle loi fondamentale ne soit promulguée par le président Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, hospitalisé depuis mercredi 28 octobre dans une clinique à Cologne, en Allemagne.
C’est la première fois depuis l’avènement du pluralisme au lendemain de la révolte d’octobre 1988 qu’une révision constitutionnelle se déroule en l’absence du président de la République. Et une première dans l’histoire de l’Algérie.
Taux d’abstention record
L’éloignement du président Tebboune pour cause de maladie — dont on ignore toujours la gravité — ainsi que le contexte de pandémie dans lequel s’est déroulé ce référendum donnent à cet évènement un caractère encore plus exceptionnel.
Le premier enseignement de ce rendez-vous politique, qui intervient moins d’un mois avant le premier anniversaire de l’élection de Tebboune à la présidence, est donc ce taux d’abstention de 76,3 % (seuls 23,7% des inscrits se sont rendu aux urnes).
Si l’indifférence des Algériens à l’égard de la nouvelle constitution laissait présager une large abstention, ce taux est un camouflet politique pour le pouvoir
Si l’indifférence des Algériens à l’égard de la nouvelle constitution laissait présager une large abstention dans les bureaux de vote, ce taux est un camouflet politique pour le pouvoir. C’est d’autant plus vrai qu’il constitue un record depuis trois décennies de pluralisme politique.
Ce désaveu est encore plus cinglant dans la mesure où le président Tebboune avait martelé que cette constitution, qui doit inaugurer « La Nouvelle Algérie », est une réponse aux revendications du hirak, ce vaste mouvement populaire qui a mené au départ du président Bouteflika chassé en avril 2019 après vingt ans de règne.
Alors certes, il est de notoriété publique que les Algériens ne se rendent pas en masse dans les urnes pour renouveler les assemblées élues ou pour élire leur président. Les fraudes, le bourrage des urnes ainsi que l’intrusion de l’argent sale dans la politique ont durablement sapé la confiance des électeurs. Tant et si bien que l’acte d’abstention est devenu un symbole de rejet des institutions.
Mais depuis son élection controversée en décembre 2019, Abdelmadjid Tebboune a multiplié les gages et les assurances pour combler le déficit populaire qui a plombé ses premiers pas au Palais d’El Mouradia.
Rompre avec le système Bouteflika
Tenu pour être un homme de l’ancien système au sein duquel il a exercé plusieurs fonctions — dont celle de Premier ministre de Bouteflika entre mai et août 2017 –, Abdelmadjid Tebboune n’a eu de cesse d’affirmer que son mandat serait celui de la rupture avec ce système dont le démantèlement constitue une des revendications majeures de cette révolution pacifique entamée en février 2019.
Et cette révision de la constitution, la quatrième après celles opérées en 2002, 2008 et 2016 sous la présidence de Bouteflika, est présentée par son successeur comme un marqueur de cette rupture avec ce système tant décrié. Las !
Cette large désaffection populaire devrait compliquer encore davantage l’action politique du chef de l’État dans les semaines à venir
Certes, sauf cas de force majeur, rien ne pourra empêcher l’entrée en vigueur de cette nouvelle constitution. Mais cette large désaffection populaire — qui s’ajoute à la contestation populaire qui a marqué le pas en raison de la pandémie du coronavirus — devrait compliquer encore davantage l’action politique du chef de l’État dans les semaines et les mois à venir.
La deuxième année du mandat présidentiel le sera encore plus dans la mesure où un nouveau rendez-vous électoral est programmé dans l’agenda du locataire d’El Mouradia. Celui-ci avait en effet annoncé son intention de convoquer des élections législatives, peu après l’adoption de cette nouvelle loi fondamentale, pour renouveler l’Assemblée nationale héritée du règne de Bouteflika.
Mystère et inquiétude
Sans présager de la suite des évènements, un nouveau rendez-vous électoral risque de connaître la même désaffection des électeurs à l’image de celle vécue lors de ce référendum du 1er novembre. Et le mystère autour des ennuis de santé de Tebboune, qui ont contraint les autorités à le faire hospitaliser dans une clinique en Allemagne, n’est pas de nature à rassurer ses compatriotes.
En dépit des assurances de son staff médical et de ses proches conseillers qui répètent que son état n’inspire pas de motifs d’inquiétudes, son absence prolongée pose un certain nombre de questions. De quoi souffre réellement le président algérien ? Est-il atteint de Covid-19 seulement ou souffre-t-il d’autres complications qui sont venues se greffer sur le virus ? Combien de temps va durer son hospitalisation en Allemagne où il a été officiellement admis pour des « examens médicaux approfondis » ? Et, bien sûr, combien de temps va durer sa période convalescence et où celle-ci va-t-elle se dérouler ?
Une éventuelle absence prolongée du chef de l’État hors du pays ne manquera pas de nourrir encore plus les rumeurs. Il faut dire qu’en l’absence d’images de Tebboune sur son lit d’hôpital ou dans son lieu de convalescence, les spéculations vont bon train.
C’est peu dire que ce referendum largement boycotté par les Algériens, couplé avec la maladie de leur président, installe un climat d’inquiétudes et d’incertitudes politiques.