C’est le cabinet royal lui-même qui en a fait l’annonce, qualifiée d’historique : les Émirats arabes unis (EAU) ont décidé d’ouvrir un consulat général à Laâyoune. L’inauguration aura lieu le 4 novembre. Une nouvelle dont a fait part Mohammed Ben Zayed Al Nahyane, prince héritier d’Abou Dhabi et véritable homme fort du pays, au roi Mohammed VI lors d’un entretien téléphonique, le 27 octobre.
Le jour même se tenaient au chef-lieu du Sahara des cérémonies d’inauguration de deux consulats généraux, ceux de la Zambie et de l’Eswatini, en présence des ministres des Affaires étrangères des deux pays accompagnés de leur homologue marocain Nasser Bourita.
Une quinzaine de consulats
Depuis l’année dernière, le royaume voit se multiplier l’ouverture de représentations diplomatiques dans les villes du Sud. Entre Laâyoune et Dakhla, on compte désormais une quinzaine de consulats généraux de pays africains. Des événements qui ont le don de faire sortir le Polisario de ses gonds.
Cette semaine, à l’occasion de l’inauguration de trois consulats à Dakhla (Guinée équatoriale, Guinée-Bissau et Burkina Faso), l’agence SPS (Sahara Press Service) a tancé les gouvernements de ces pays pour avoir « vendu leur âme au diable en échange de quelques promesses vides, alors que leurs peuples souffrent de pauvreté et de privation ».
L’initiative des Émirats arabes unis pourrait encourager les autres monarchies du Golfe
« Certes, le Maroc ne peut qu’encourager et se féliciter de la démarche de ses pays amis qui témoigne du soutien indéfectible à notre intégrité territoriale, réagit un connaisseur des arcanes de la diplomatie chérifienne. Mais aller jusqu’à penser que le Maroc puisse forcer la main à des pays pour prendre cette décision souveraine qu’est l’ouverture d’un consulat général est une aberration. »
Les Émirats arabes unis ne correspondent pas, en tout cas, au descriptif de la SPS. Et l’initiative d’Abou Dhabi pourrait ouvrir un nouveau chapitre de la bataille diplomatique, portée désormais sur le terrain arabe et plus seulement africain.
« Le fait que les Émirats arabes unis soient le premier pays non continental à franchir ce pas encouragera sans doute d’autres pays à faire de même, notamment les autres monarchies du Golfe », affirme ainsi notre source. Le Maroc cherche ainsi à renforcer la légitimité internationale de sa souveraineté sur les provinces du Sud.
Relations en dents de scie
La décision émiratie reflète – aussi – un réchauffement des relations entre Rabat et Abou Dhabi, lesquelles s’étaient quelque peu rafraîchies ces dernières années, notamment du fait du blocus imposé par les EAU et l’Arabie saoudite au Qatar, auquel le Maroc a refusé d’apporter son soutien.
Une crise qui a atteint son paroxysme en avril 2019 quand le royaume a rappelé son ambassadeur d’Abou Dhabi (Mohamed Aït Ouali, en poste depuis plus de neuf ans), en réaction à une décision similaire prise par les EAU deux mois plus tôt. Porteur de messages de Mohammed VI, Nasser Bourita avait achevé sa tournée des pays du Golfe en avril 2019 sans même faire escale aux EAU.
Le séjour privé de Mohamed Ben Zayed au Maroc, en janvier dernier, et la visite de courtoisie que lui a rendue Mohammed VI dans la résidence de l’émir à Rabat laissaient entrevoir un apaisement. Seulement, en pleine crise sanitaire, de nouvelles tensions sont apparues en raison d’une opération commune israélo-émiratie de rapatriement de ressortissants des deux pays coincés au Maroc, tentée en avril sans le consentement de Rabat.
Les rapports fraternels entre Mohamed Ben Zayed et Mohammed VI permettent de dépasser les divergences
La réconciliation n’est finalement entérinée qu’avec la nomination en juillet dernier d’un nouvel ambassadeur marocain à Abou Dhabi, en la personne de Mohamed Hamzaoui, ainsi que l’arrivée en août d’Al Asri Saeed Ahmed Al Dhaheri pour présenter ses lettres d’accréditation en tant qu’ambassadeur des EAU.
« Les relations entre les deux pays sont très particulières. Elles peuvent toujours traverser des zones de turbulences, mais les rapports fraternels entre les deux chefs d’État permettent toujours de dépasser toute divergence », soutient notre source familière de la diplomatie chérifienne. Qui rappelle aussi la réaction mesurée du royaume quant à l’annonce émiratie de la normalisation de ses relations avec Israël, très critiquée par ailleurs dans le monde arabe.