De l’isolement volontaire aux soins dans une unité spécialisée à l’hôpital militaire de Aïn Naâdja jusqu’à son évacuation dans une clinique en Allemagne, la santé du chef de l’État algérien a connu une évolution qui suscite désormais inquiétudes et interrogations.
Mercredi 28 octobre, alors même que ses médecins assuraient que son état de santé ne suscitait « aucune inquiétude », le président Abdelmadjid Tebboune a été évacué par avion vers l’Allemagne. Selon un communiqué de la présidence, son transfert est motivé par des « examens médicaux approfondis ».
Aucune explication officielle n’a été fournie concernant la nature de ces examens ainsi que les soucis de santé qui ont obligé le chef de l’État à quitter l’hôpital militaire de Aïn Naâdja, sur les hauteurs d’Alger, où il séjournait depuis plus d’une semaine. La présidence n’a pas non plus communiqué sur le lieu de son séjour médical en Allemagne, pas plus que sur la durée de son hospitalisation.
« Sérieux », « préoccupant »
L’évacuation de Tebboune dans un établissement hospitalier allemand, à quelques jours de la tenue du référendum sur la nouvelle Constitution, laisse supposer que son état de santé s’est suffisamment dégradé pour justifier son transfert depuis l’hôpital d’Aïn Naâdja, qui dispose pourtant d’équipements performants et d’un staff médical compétent.
Le chef de l’État a vraisemblablement été contaminé par le covid-19
Sérieux, inquiétant, préoccupant… Ces mots reviennent souvent dans la bouche de plusieurs sources proches du chef de l’État pour décrire l’état dans lequel il se trouvait au moment où il s’envolait pour rejoindre une clinique en Allemagne. Bien que la présidence n’ait pas officiellement confirmé l’information, le chef de l’État, âgé de 74 ans, a vraisemblablement été contaminé par le nouveau coronavirus par contact avec des cadres de la présidence ou des membres du gouvernement.
JA a pu reconstituer le fil des événements qui ont mené au transfert du président algérien en Allemagne. Jeudi 15 octobre, Abdelmadjid Tebboune reçoit en audience au siège de la présidence Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, en visite de deux jours en Algérie. Peu de temps après, Tebboune se met à l’isolement chez lui après avoir ressenti des premiers signes de fatigue. Ses médecins lui prescrivent un repos total, et son agenda est donc chamboulé.
Tout verrouiller
Jeudi 22 octobre, son état de santé présente des complications tant et si bien qu’il est évacué à l’hôpital de Aïn Naâdja, où il sera admis dans un pavillon hautement sécurisé. Sa chambre est constamment gardée par sa protection rapprochée, et les visites dans cet établissement militaire qui reçoit quotidiennement des patients venus des quatre coins du pays sont étroitement contrôlées et filtrées. L’état de santé du président relevant de la sécurité nationale, il était donc nécessaire de tout verrouiller pour éviter la divulgation de l’information.
Les premiers signes d’une situation anormale au palais d’El-Mouradia surviennent dimanche 18 octobre. Ce jour-là, un communiqué de la présidence annonce le report du Conseil des ministres prévu le jour même et dont la tenue a été annoncée la veille par une dépêche de l’agence officielle APS. Motifs de l’annulation ? Raisons techniques et calendrier chargé des programmes du président.
L’absence de plusieurs jours du chef de l’État suffisent à alimenter les spéculations
Le report intrigue dans la mesure où aucune audience et aucune visite présidentielle ne sont prévues dans l’agenda d’Abdelmadjid Tebboune. D’autant plus que ce dernier se montre très actif depuis plusieurs mois, multipliant les audiences et les rencontres avec la presse. Il devait même accorder un entretien à un journal français dont le reporter s’était spécialement déplacé à Alger pour la circonstance.
Rumeurs et communiqué
À la suite du report du Conseil des ministres, bruits et rumeurs commencent à se répandre dans le microcosme algérois. L’absence de plusieurs jours du chef de l’État suffisent à alimenter les spéculations dans la mesure où elle intervient en pleine compagne électorale pour le référendum sur la nouvelle Constitution qui se tiendra le 1er novembre.
Samedi 24 octobre, deux jours après son admission à Aïn Naâdja, un communiqué de la présidence annonce que le staff médical du chef de l’État lui recommande un confinement volontaire de cinq jours « après avoir constaté que plusieurs cadres supérieurs de la Présidence de la République et du Gouvernement présentent des symptômes de contamination au nouveau coronavirus [Covid-19]. »
Là encore, les autorités ne précisent pas si le président a contracté le virus ou non. Pas plus qu’elles ne révèlent que Tebboune a déjà été admis à Aïn Naâdja, et ce dès le 22 octobre – elles ne le feront que le 27 octobre, en fin de journée.
À Aïn Naâdja, les traitements administrés au président ne montrent pas de signes encourageants. Faut-il le garder à Alger ou l’évacuer à l’étranger ? Comment gérer l’annonce de son éventuelle évacuation sans créer un état de panique dans les institutions de l’État et auprès de l’opinion publique ? Et, surtout, dans quel pays faudrait-il faire hospitaliser le président algérien ?
Black-out
Son évacuation en France est exclue pour de multiples considérations, dont la commémoration du déclenchement de la guerre d’indépendance, le 1er novembre. Une première piste d’hospitalisation en Russie est évoquée mezza voce, mais c’est finalement l’Allemagne qui est retenue.
Mercredi 28 octobre, décision est donc prise de le transférer dans un hôpital situé en Rhénanie, région de l’ouest de l’Allemagne. Selon nos informations, le chef de l’État algérien était dans un état préoccupant au moment où son avion atterrissait sur le territoire allemand.
Quid de la suite de l’hospitalisation du président Tebboune ? Plus de transparence sur l’évolution de son état de santé pourrait rassurer l’opinion. Un black-out total ne ferait qu’alimenter les interrogations autour de la capacité du chef de l’État algérien à assumer ses fonctions.