On l’appelle le procès de la « issaba » (le gang). Ce feuilleton juridique qui secoue les tribunaux algériens depuis plusieurs mois met sur le banc des accusés de hauts responsables, des ex-ministres et des hommes d’affaires du pays. Tous sont jugés, entre autres, pour corruption, abus de fonction ou encore dilapidation d’argent public. Si certains ont d’ores et déjà été condamnés, d’autres attendent toujours leur verdict, des procès étant régulièrement repoussés. Bilan d’étape.
- Dix ans de prison ferme pour le PDG de Sovac, Mourad Oulmi

Mourad Oulmi, CEO de Sovac Group, en juillet 2017. © CTK via AP SIPA
Mercredi 21 octobre, la Cour d’Alger a rendu son verdict pour le procès en appel du patron de Sovac, Mourad Oulmi. Le juge maintient la condamnation prise en première instance : dix ans de prison ferme et 8 millions de dinars (DA) d’amende pour « blanchiment d’argent et incitation d’agents publics à exploiter leur influence ».
Impliqués dans le même dossier, le frère de l’homme d’affaires, Khider Oulmi et l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, ont bénéficié, eux, d’une réduction de peine de deux ans chacun. Ils écopent respectivement de 5 ans et à 10 ans de prison ferme.
Quant à l’ancien ministre de l’Industrie Youcef Yousfi et l’ex-PDG du Crédit populaire d’Algérie, Omar Boudiab, tous deux sont condamnés à deux ans de prison, dont un ferme.
- Second renvoi du procès en appel de l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout

Mahieddine Tahkout a été inculpé et placé lundi 10 juin en détention préventive dans des affaires de corruption. © Capture d’écran (Youtube)
Initialement prévu du 21 au 28 octobre, le procès de l’homme d’affaires Mahieddine Tahkout a été renvoyé par la Cour d’Alger. Portée par le collectif de défense, la demande de report a pour objectif de permettre aux nouveaux avocats constitués d’accéder au dossier.En première instance, l’homme d’affaires a été condamné à 16 ans de prison ferme et au versement d’une amende de 8 millions de dinars. Notamment pour « blanchiment d’argent », « obtention d’indus privilèges », « gaspillage de fonds publics », « abus d’emploi » et « conflits d’intérêt ».
Poursuivis dans la même affaire, les deux anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal ont été condamnés en première instance à 10 ans de prison ferme. L’ancien ministre de l’Industrie, Abdesslam Bouchouareb, également impliqué, a été condamné par contumace à 20 ans de prison ferme.
Rappelons par ailleurs que Mahieddine Tahkout a été transféré, en août dernier, vers l’établissement carcéral de Babar dans la wilaya de Khenchela. Ahmed Ouyahia a, lui, été transféré à la prison d’Abadla dans la wilaya de Béchar tandis qu’Abdelmalek Sellal a été transféré à celle d’El Ménéa à Ghardaia.
- Affaire Ali Haddad : jugement attendu le 3 novembre

Le Premier ministre Ahmed Ouyahia (au c.) et l'homme d'affaires Ali Haddad lors de la 3ème edition du Forum des Chefs d'entreprise (FCE), à Alger le 18 octobre 2017. © Kamel /APP/Panoramic
En ce qui concerne le procès en appel d’Ali Haddad, qui a duré huit jours — du 14 au 21 octobre –, la Cour d’appel d’Alger rendra sa décision le 3 novembre prochain.
Celui-ci s’est clôturé avec les plaidoiries des avocats en défense des prévenus, en l’occurrence Ali Haddad, des membres de sa famille ainsi que d’anciens directeurs des ports d’Alger, Jijel, Mostaganem et Bejaia.
En première instance, au mois de juillet, l’ancien chef du forum des chefs d’entreprise (FCE) a été condamné à 18 ans de prison et une amende de 8 millions de DA. Avec confiscation de tous ses biens. Quant aux anciens premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ils ont été condamnés à 13 ans de prison et une amende d’un million de dinars chacun.
Les avocats d’Ali Haddad ont exigé qu’il soit relaxé, arguant que leur client « avait mené des actions et des investissements conformément aux lois en vigueur »
Lors des plaidoiries, les avocats d’Ali Haddad ont exigé que leur client soit relaxé des accusations qui pèsent sur lui, arguant que ce dernier « avait mené des actions et des investissements conformément aux lois en vigueur ». Réfutant ainsi l’implication de leur client dans le financement de certains partis politiques et campagnes électorales.
Le collectif d’avocats a également plaidé la relaxe en faveur de Rabouh Haddad, le frère de l’homme d’affaires. Selon eux, celui-ci était « président du club de football l’USMA à l’époque, et n’a repris la gestion du complexe de Haddad que pendant une période de deux mois à compter de mars 2019, après l’arrestation de son frère Ali ».
La défense a par ailleurs demandé la relaxe des anciens directeurs généraux des ports d’Alger, Bejaia, Mostaganem et Jijel. « Les actions dans lesquelles ceux-ci sont poursuivis ne relèvent pas du droit des marchés publics », ont-ils plaidé, précisant que « l’autorité portuaire n’est pas soumise aux gestionnaires de port, mais plutôt au ministère ».
- Le procès de l’ex-wali d’Alger Abdelkader Zoukh renvoyé au 3 novembre

Le wali d'Alger Abdelkader Zoukh lors d'une conférence de presse en 2013. © ANIS/NEWPRESS/SIPA
Même journée, tribunal de Tipasa. Constituée dans le dossier le jour-même, la défense de l’ex-wali d’Alger Abdelkader Zoukh obtient le renvoi de son procès au 3 novembre. Il comparait pour les « avantages » accordés à l’épouse et aux enfants de l’ex-directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), Abdelghani Hamel, à l’époque où il était en fonction.
Les biens regroupent un appartement social de quatre pièces, un terrain de 7000 m² et 9 locaux d’une superficie de 700 m², cédés par l’OPGI de Hussein Dey à Mme Hamel, pour en faire une crèche.
En raison d’ex-wali, Abdelkader Zoukh a été déféré devant la Cour suprême
Pour rappel, poursuivis par le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, dans le cadre du procès de Abdelghani Hamel, les responsables de l’OPGI et de l’Agence de gestion et de régulation foncière urbaine d’Alger (Agerfa) ont affirmé que les décisions d’affectation ont été faites sur instruction de l’ex-wali d’Alger.
En raison de son statut, Abdelkader Zoukh a été déféré devant la Cour suprême, qui l’a renvoyé, après son inculpation devant le tribunal de Tipasa, pour des faits d’«octroi d’indus avantages», «abus de fonction», «trafic d’influence» et «dilapidation de deniers publics», en lien avec Abdelghani Hamel et les deux hommes d’affaires Ali Haddad, patron de l’ETRHB (acronyme de l’Entreprise des travaux routiers, hydrauliques et bâtiments), et Mahieddine Tahkout.
Premier procès de l ex wali d Alger Abdelkader Zoukh reporté au 3 novembre. Deux autres sont prévus le 27 octobre. Ces affaires concernent les biens fonciers et immobiliers accordés à Hamel, Haddad et Tahkout.
— Salima Tlemçani (@tlemcani_salima) October 20, 2020
Le 27 octobre, Zoukh devra se présenter dans ce même tribunal pour deux autres procès. Ils portent sur les mêmes inculpations, mais cette fois-ci en lien avec deux hommes d’affaires. Ali Haddad, à qui neuf parcelles de terrain ont été affectées dans la capitale, et Mahieddine Tahkout qui, sur «instruction» de l’ex-wali, a bénéficié du marché du transport public urbain avec Entreprise de transport urbain et suburbain d’Alger (Etusa).
- Report du procès des fils Gaïd Salah contre El Watan

Les fils du général Gaid Salah lors de ses funérailles en décembre 2019. © DR
L’audience du procès opposant les fils du général Ahmed Gaïd Salah au quotidien d’opposition El Watan a encore été reportée, mais cette fois à la demande de la défense du journal.
Selon El Watan, les deux plaignants, Boumediène et Adel Gaïd Salah, n’ont pas répondu à l’appel du président de la section pénale. Contrairement au directeur de la publication d’El Watan, Tayeb Belghiche, qui a fait, selon le quotidien, le déplacement à Annaba — où devait se dérouler le procès –, comparu devant le juge et répondu à ses questions relatives à son identification.
Adel et Boumediène Gaïd Salah ont porté plainte contre El Watan après un article sur la fortune accumulée par les deux fils sous l’influence de leur défunt père
Pour rappel, une plainte a été déposée par Adel et Boumediène à la suite d’un article publié le 31 août dernier. Intitulé « Les enfants de Gaïd Salah détenteurs de nombreux biens : les détails d’une fortune à l’ombre du général », le papier mettait en lumière la fortune accumulée par les deux fils sous l’influence de leur défunt père.
Cela a fortement déplu aux plaignants qui ont estimé que l’article était « attentatoire à leur honneur et à leur considération» et à celui de leur défunt père «en sa qualité de chef d’état-major de l’ANP et vice-ministre de la Défense nationale avant son décès ».
Toujours selon le quotidien, les deux plaignants se sont constitués partie civile pour réclamer « réparation ». De son côté, Tayeb Belghiche assure que le journal n’a fait que son travail journalistique. « À aucun moment nous n’avons diffamé quiconque et, à plus forte raison, l’armée. Nous sommes sereins et très à l’aise. D’ailleurs, je serai présent à l’audience le 9 novembre prochain », a-t-il soutenu devant la presse.