Première création théâtralisée de Serge Martin Bambara, alias Smockey, Le Syndrome de la pintade met en scène ce que ce rappeur et arrangeur appelle « le mal des élites ». Après l’avoir présentée à Limoges, il compte bien la jouer au Burkina Faso en amont des élections prévues pour la fin novembre. Entretien avec cet artiste et leader du mouvement du Balai citoyen.
Jeune Afrique : Pourquoi avoir choisi d’investir la scène théâtrale ?
Smockey : C’est une première et ce ne sera certainement pas la dernière. J’avais déjà collaboré avec Serge Aimé Coulibaly sur Nuit blanche à Ouagadougou, que nous avons interprété avant et pendant la révolution de 2014. Les metteurs en scène et les chorégraphes ont le réflexe de faire appel aux musiciens. Avec Le Syndrome de la pintade, qui est un genre de concert théâtralisé, il s’agit de ramener leurs disciplines dans notre monde des musiques urbaines.
Mon nom de scène, Smockey, vient de « s’moquer ». Avec le théâtre, je peux travailler pleinement sur le second degré. Ce genre de projets m’oblige à me déplacer pour toucher un autre public, déghettoïser le rap.

« Le syndrome de la pintade » de Smockey © Christophe Péan
Le rap doit encore l’être, selon vous ?
Bien sûr, le rap reste communautaire, écouté par la génération qui le découvrait dans les années 1990. Les plus jeunes écoutent une forme plus « bling-bling », plus pop. Et une grande partie de la population considère que le rap n’est pas un genre musical. Je m’adresse à ces spectateurs.
Dans ce spectacle, vous mêlez rap et politique. Dans le premier titre, « Pintades orgueilleuses » co-écrit avec le rappeur Youssoupha, vous rappelez ainsi les bases de vos engagements : panafricanisme, jeunesse, lutte.
J’essaie d’être cohérent. Ma casquette d’activiste et de dérangeur, je dois l’incarner dans la vie et sur la scène. Je ne peux pas dire non au troisième mandat, non au changement de Constitution et quand il faut les réclamer dans la rue dire : « non, j’ai fait ma part, j’ai chanté, joué sur scène, mais allez-y le peuple, affrontez la rue, les CRS, etc. ». Non seulement j’ai le devoir de sortir dans la rue, mais aussi d’être au-devant des choses.