Culture

Le Franco-Malien Mory Sacko, étoile montante de la gastronomie à Paris

Dans son nouveau restaurant parisien baptisé Mosuke, Mory Sacko donne un coup de fouet à la gastronomie française en l’enrichissant de saveurs africaines et japonaises.

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Mis à jour le 5 octobre 2020 à 10:38

Le cuisinier franco-malien Mory Sacko, à Paris © Chris Saunders

Le nouveau visage de la gastronomie française a des racines maliennes. À 28 ans, Mory Sacko, silhouette longiligne, dread-locks ramassées en queue de cheval et anneaux à l’oreille, ne cache pas son ambition. Il vise l’étoile Michelin. « C’est un objectif assumé, mais pas une obsession », avoue l’ancien second du chef étoilé Thierry Marx.

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Alors que de nombreux restaurants ont mis la clé sous la porte en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, ce jeune chef vient d’inaugurer Mosuke – contraction de Mory et de « Yasuke », en référence au premier samouraï noir du Japon – une table gastronomique parisienne située dans un quartier d’affaires du 14e arrondissement. Sa relecture des plats et des savoir-faire venus d’Afrique, du Japon et de la France a de quoi susciter la curiosité.

Thiéboudiène revisité

« Depuis l’ouverture, j’ai eu l’occasion de recevoir une clientèle multiculturelle, observe l’ex-candidat de l’émission culinaire Top chef. L’autre jour, un restaurateur ivoirien découvrait ma cuisine, assis non loin d’une journaliste japonaise. Les deux m’ont rapporté avoir retrouvé leurs pays respectifs dans l’assiette, tout en étant surpris », glisse-t-il, non sans fierté.

Pari réussi pour celui qui ose le mélange de saveurs. Mais n’allez pas lui parler de cuisine fusion, Mory Sacko « déteste ça ». Et préfère évoquer « une cuisine ouverte sur le monde ».

Ce fils né d’une mère sénégalaise et d’un père malien originaire de la région de Kayes, a appris à découvrir la cuisine africaine en France, « via la diaspora ». C’est après avoir observé sa mère préparer le thiéboudiène, « qu’elle rehaussait toujours d’ail et de persil », qu’il secouera la profession, d’abord dans les cuisines du palace Mandarin Oriental.  Sous son impulsion, la préparation sénégalaise placée en fond d’assiette accueille ainsi un amuse-bouche onigiri (boulette de riz japonaise), surmonté d’un poisson cru.

« J’ai eu de la chance car Thierry Marx est très curieux et a osé me suivre sur cette revisite, confie l’ex-sous-chef. La France est historiquement moins ouverte aux saveurs du monde que Londres et New-York. Mais aujourd’hui, les choses bougent et même la vieille garde de la gastronomie franco-française a pris conscience que la cuisine se mondialisait. »

Poularde de Bresse façon yassa et tofu de mangue aux influences malgaches…

Parfait timing pour Mory Sacko et son menu gastronomique (à 80 et 100 €) proposé lors de cinq à sept services le soir, pour une trentaine de couverts.

Projets au Rwanda et au Sénégal

Objectif de ce restaurant aux codes minimalistes, dans l’air du temps, redorer le blason des plats africains « longtemps jugés peu diététiques et peu instagrammables », relève le chef aux 129 000 abonnés. Mory Sacko porte un soin particulier au dressage de ses plats – que nous n’aurons pas l’honneur de déguster – qu’il présente dans de la céramique brute, couleur ivoire.

Au menu, une sole enroulée dans une feuille de bananier agrémentée d’attiéké ivoirien, une sauce mafé associée à une pâte de tamarin venue d’Asie. Un mélange en forme de damier maîtrisé qui accompagne un filet de bœuf d’Aubrac – viande française cinq étoiles – garni de fonio (céréale cultivée en Afrique de l’Ouest). Mais aussi, une poularde de Bresse façon yassa travaillée avec du yuzu (agrume japonais). Et côté dessert, un tofu de mangue aux influences malgaches… Le voyage culinaire de Mory Sacko traverse le continent.

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« Je tenais à représenter le maximum de territoires africains, sans me limiter aux mets de l’Ouest, mieux connus du grand public. Cet effort, on le retrouve notamment dans le choix des épices venues de la Corne de l’Afrique, que je prends soin de sourcer », souligne celui qui se fournit via des entreprises basées sur le continent. Et qui envisage déjà d’y exporter son concept, du Rwanda au Sénégal, sans même y avoir mis les pieds. Un programme à l’image du chef, définitivement ambitieux.