Maintien d’Arabesques : une éclaircie pour les festivals

Alors que la très grande majorité des événements culturels ont été annulés, la tenue sans accroc du festival des arts du monde arabe de Montpellier donne des perspectives au monde du spectacle.

Affiche du festival Arabesques © Festival Arabesques

Affiche du festival Arabesques © Festival Arabesques

leo_pajon

Publié le 20 septembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Samedi 19 septembre, un rideau de pluie s’abat sur les stands de la medina d’Arabesques. Tonnerre, sol boueux, dizaines de bénévoles ruisselant et sprintant aux quatres coins du gigantesque parc du domaine d’O… Arabesques semble vivre un naufrage. Le Comte de Bouderbala, déjà programmé l’année dernière, est annulé à cause des intempéries et ne pourra pas se produire dans le grand amphithéâtre du domaine, changé en aquarium. Plus d’un millier de spectateurs sont invités à rentrer chez eux…

Et pourtant, dans les coulisses du festival, l’équipe garde le sourire. Rassemblés pour se restaurer, pendant l’averse, des bénévoles se mettent à chanter. Les autres tapent dans leurs mains. Des rires fusent.

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Contexte sanitaire inédit

Habib Dechraoui, le directeur du festival, apparaît, son costume bleu changé en éponge, mais le visage impassible. Celui que ses troupes décrivent comme « un guerrier » pense déjà au grand concert du lendemain, l’Orchestre National de Barbès, un groupe « frère » déjà venu deux fois ici… Tous les orages du monde peuvent s’abattre sur le festival, Arabesques a déjà gagné son pari : maintenir une édition coûte que coûte, dans un contexte sanitaire inédit, en réussissant à faire rimer fête et prévention.

Passé au festival il y a quelques jours, le chercheur au CNRS Emmanuel Négrier évoquait 4 000 événements culturels annulés en France à cause du coronavirus. Si Arabesques a pu se maintenir, c’est parce que le festival se passe essentiellement en plein air. Et parce que les équipes ont veillé à un strict respect des mesures sanitaires.

Sur l’espace réduit occupé cette année par Arabesques, tous les visiteurs portent le masque, et doivent se nettoyer les mains à l’entrée sous la surveillance du service de sécurité. Durant les rares spectacles en intérieur, comme celui de Sabil (le duo palestinien Ahmad Al Khatib au oud, Youssef Hbeisch aux percussions, Elie Khoury au buzuq), des bénévoles scrutent scrupuleusement les rangées de la salle pour rappeler à l’ordre les personnes portant mal leur masque. Impossible de consommer une bière dans les allées de la médina, ou devant un DJ set, port dudit masque oblige. Et évidemment, les bénévoles ayant été en contact avec des malades ont été invités à ne pas se rendre sur le site.

Atmosphère particulière

Prétendre que le contexte sanitaire ne fait pas peser une atmosphère particulière sur le festival serait mentir. Il manque un rien d’insouciance pour que la fête soit complète… Mais, derrière les masques, les sourires sont là. Et la joie de se retrouver est palpable.

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« Arabesques, c’est un tiers d’autofinancement, précise Habib Dechraoui. Nous savions en lançant l’événement que nous perdrions de l’argent, déjà parce que nous ne pouvons remplir que la moitié des jauges. Mais il fallait tenir, ne serait-ce que parce qu’humainement, nous avions besoin de vivre un moment collectif… Sans parler de la nécessité pour les artistes de retrouver leur public. Pour certains, c’est la seule date qu’ils peuvent faire durant l’année ! »

Arabesques vient peut-être de dessiner les contours des festivals pour les prochains mois, ou les prochaines années

Les 8 et 9 septembre, la Tunisienne Dorsaf Hamdani a chanté Fairouz dans l’Opéra de Montpellier, plein à craquer. Simples mélomanes, notables locaux, consuls du monde arabe… près de 900 spectateurs ont répondu présent et masqués. Le 11 septembre, lors du Grand Bal Raï, même si des fourmis s’invitaient dans les jambes du public, chacun est resté sagement à sa place pour onduler… la fosse de l’amphithéâtre étant de toute façon condamnée.

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Arabesques vient peut-être de dessiner les contours des festivals pour les prochains mois, ou les prochaines années. Programmation resserrée, centrée sur des groupes nationaux, environnement sanitaire irréprochable… un cadre ultra-contraignant pour permettre l’éclosion, entre deux pulvérisations de gel hydroalcoolique, de petites bulles de liberté.

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