Deux siècles de résilience : les secrets de la longévité de Mauritius Commercial Bank
Bien que chahutée par la crise actuelle, la première et plus ancienne banque de Maurice continue à envisager son avenir avec sérénité.
Une nouvelle ère pour la finance africaine
Fragilisé par la pandémie, le secteur financier accélère sa transition numérique. mais doit aussi composer avec la nouvelle concurrence des acteurs des TIC.
« Pour devenir centenaire, il faut commencer jeune ». Un secret de longévité, tiré de la sagesse populaire russe, que Mauritius Commercial Bank (MCB) s’est employé à appliquer. La première banque mauricienne est aussi la plus ancienne : elle vient de souffler ses 182 bougies, preuve que le suivi d’un « régime » adapté, engagé dès les premières années, y contribue.
« La banque est très diversifiée, bien gérée, avec des banquiers expérimentés et une solide gestion des risques », observe un analyste, bon connaisseur de la place port-louisienne. Selon lui, compte tenu de son ancienneté et de sa taille, la réussite de MCB est à relier avec l’histoire de Maurice et de son économie diversifiée.
Tout comme la petite île de l’océan Indien, la banque a su tirer parti de sa situation géographique et attirer les capitaux étrangers, année après année, par son système bancaire offshore, autant chéri des investisseurs que vilipendé par les ONG. Ainsi que par les autres secteurs économiques clés du pays : les services, l’agro-industrie, notamment la transformation de son sucre, et le tourisme haut de gamme.
Première de classe
Rien d’étonnant alors à ce que l’institution financière dirigée par Alain Law Min ait obtenu de Moody’s, en juillet 2019, la meilleure note parmi l’ensemble des banques commerciales du continent, passant de Baa3 à Baa2. « L’agence de notation a mis en exergue les améliorations de nos mesures de rentabilité et de la qualité des actifs, ainsi que le niveau élevé de liquidités et la solidité de notre capitalisation », commente le directeur général du groupe bancaire mauricien qui dispose de bureaux de représentation à Paris, Johannesburg et Nairobi, et est bien implanté régionalement.
Et les performances de MCB l’an dernier en témoignent. Le total au bilan fait un bond de plus de 20 %, à 428 milliards de roupies (10,8 milliards de dollars), tandis que les dépôts des clients atteignent 7,7 milliards de dollars (+10 %). Le produit net bancaire, lui, s’est affiché à 443 millions de dollars, grâce notamment à une hausse de 25 % du produit des placements de la banque sur l’exercice 2018/2019.
Des résultats qui ont aussi permis au groupe domicilié au MCB Green Building, dans le centre d’affaires Cybercity d’Ébène, près de Port-Louis, de damer le pion à ses concurrents SBM Bank ou encore Absa (ex-Barclays Bank Mauritius).
Le coronavirus, un poids sur la qualité des actifs et la rentabilité de la banque
Mais si le groupe semble solide, il n’en est pas moins ébranlé par des facteurs conjoncturels qui rendent nécessaire un ajustement de son modèle. Au printemps, la perspective de notation de MCB a été revue de stable à négative par les agences de notation.
« Les perspectives négatives sont motivées par un affaiblissement potentiel du profil de crédit du gouvernement mauricien, et par extension un affaiblissement de sa capacité à soutenir MCB », justifiait Moody’s le 8 avril. Et de poursuivre : « La perturbation économique induite par le coronavirus pèsera probablement sur la qualité des actifs et la rentabilité de la banque. Ces risques sont aggravés par les fortes concentrations d’emprunteurs et la récente chute des prix du pétrole ».
Une situation préoccupante pour une banque qui détient une part de marché des dépôts clients de près de 50 % et qui, en dehors du pays, est experte en financement de projets dans l’énergie et les matières premières.
« Avec la crise actuelle, Maurice doit faire face à des défis de taille. Les mesures de confinement, les perturbations causées sur l’activité économique et le tourisme, ainsi que des conditions extérieures défavorables impliquent que la croissance du PIB est attendue à son plus bas niveau depuis les années 1980 », constate Mahin Dissanayake, responsable de l’analyse des banques du continent africain au sein de Fitch Ratings.
Un péril à relativiser
« Ajoutez à cela un risque accru de sortie des capitaux provenant du secteur bancaire offshore, et vous pouvez entrevoir la pression sur les indicateurs financiers que pourrait subir une banque résiliente comme MCB. »
Pour ses dirigeants, toutefois, le péril est à relativiser. « De nombreuses banques à travers différentes juridictions subissent, presque inévitablement, une évaluation défavorable par les agences de notation en raison des retombées néfastes de la pandémie sur les conditions économiques », tient à préciser Alain Law Min. « Même si l’ampleur et la durée des turbulences économiques restent incertaine, nous sommes convaincus que nous pourrons rétablir notre performance financière », ajoute-t-il.
Le dirigeant se montre d’autant plus confiant que, au début de juillet, la banque a levé une facilité de 100 millions de dollars mise en place par la banque d’investissement MUFG Securities – filiale du géant Mitsubishi UFJ Financial Group. Une ligne de crédit qui devrait servir les ambitions de MCB, notamment en Afrique. « Cela montre que nous continuons d’attirer le soutien des banques internationales », conclut Alain Law Min.
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