Économie

Moody’s abaisse la note du Mali au niveau de celle de l’Irak

Réalisée initialement à la demande de Bamako début 2019, la notation financière de l’État malien vient d’être réduite à la catégorie « risque substantiel » à la suite du coup d’État.

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Mis à jour le 10 septembre 2020 à 18:18

Forces maliennes de sécurité, le 22 août 2020. © AP/SIPA

Si l’État malien ne compte aucun emprunt obligataire international (eurobond) ou de « dette du secteur privé en devises étrangères », a confirmé Moody’s à Jeune Afrique, il avait sollicité en février 2019 l’évaluation et la notation de la qualité de la « signature » de Bamako à l’agence américaine.

La sollicitation d’une notation par un État précède parfois l’émission d’un eurobond – cela a été notamment le cas pour la Côte d’Ivoire en 2014 avant l’émission de 500 millions de dollars de dette internationale. Elle peut aussi servir à rassurer les partenaires étrangers (pays donateurs, institutions de financement du développement) sur la qualité de la gestion des finances publiques.

En 2019, le Mali avait obtenu la note « B3 », la plus basse dans la catégorie des dettes dites « spéculatives ». Un niveau certes bas, mais qui est également celui du Ghana. Or, par comparaison le PIB de la deuxième économie de la Cedeao atteint 67 milliards de dollars (en 2019) soit près de quatre fois celui du Mali (17,5 milliards). Par ailleurs, si la dette publique du Mali a atteint l’an dernier 40 % de son PIB, celle du Ghana frôle les 60 %.

Une « période de stress économique et financier »

Soulignant les « faiblesses » du cadre institutionnel du Mali et des revenus du pays, ainsi que le risque politique « élevé », les équipes de Moody’s avaient cependant salué l’an dernier l’absence de « cas de défaut de paiement (sur obligations ou prêts) enregistré depuis 1983 », ainsi qu’une « solidité financière de niveau “modéré” qui prend en considération un faible niveau d’endettement ainsi qu’une proportion très élevée de dette libellée en devises et une flexibilité financière restreinte ».

Selon une mise à jour datée du 8 septembre et parvenue à Jeune Afrique, Moody’s a dégradé d’un cran la note souveraine du Mali, passée de « B3 » à « Caa1 », et rabaissé de « stables » à « négatives » ses perspectives, ce qui laisse supposer qu’un nouvel abaissement de la note du pays est possible durant les douze prochains mois. À l’heure actuelle, le Gabon, l’Irak, la Barbade et le Belize sont également notés « Caa1 », ainsi que l’Angola, qui a également fait l’objet d’une dégradation le 8 septembre.

La décision de Moody’s est consécutive au « coup d’État militaire en cours » au Mali, qui « représente une détérioration de la force des institutions et de la gouvernance » et « ouvre une période d’instabilité politique accrue et de stress économique et financier », expliquent les équipes de l’agence américaine, dont la couverture du Mali est pilotée par les analystes Elisa Parisi-Capone et Marie Diron.

Une dette qui reste soutenable

« Les sanctions déjà en place augmentent le risque que le gouvernement ne respecte pas ses obligations en matière de dette », ajoutent les analystes de l’agence, en référence aux restrictions imposées par la Cedeao. Parmi ces dernières, la fermeture des frontières, qui empêche l’accès aux ports d’Abidjan et de Dakar, ainsi que la suspension des transferts financiers transfrontaliers. « La réduction du commerce international et des investissements à la suite du coup d’État représente un risque supplémentaire », analyse l’agence internationale.

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Il faut cependant noter que malgré la dégradation de la situation du pays documentée par Moody’s, le Mali continue de bénéficier d’indicateurs macroéconomiques « mitigeant » cette analyse. La dette extérieure publique du pays reste modérée (26 % du PIB en 2019), rappellent les équipes du FMI, qui soulignent également que le poids du service de cette dette – en part du PIB – a d’ailleurs reculé de 6,3 % à 5,1 % entre 2017 et 2019, tandis que la croissance économique restait supérieure à 5 % par an.

Le coup d’État n’a pas mis fin à l’Initiative internationale de suspension du service de la dette (ISSD), dont le Mali avait été l’un des premiers pays au monde à bénéficier. L’allongement du moratoire, qui doit être décidé dans les prochains mois, devrait également concerner Bamako.

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Dans une étude parue début septembre, les analystes de l’agence allemande Scope Ratings sur l’impact sur leur notation du moratoire sur les dettes africaines estime que le « risque de détresse de la dette extérieure » reste « modéré » au Mali – comme en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Sénégal -, contrairement à la situation d’autres pays africains tels que le Cameroun, la Mauritanie et le Ghana (élevé), ou le Congo-Brazzaville et le Mozambique (« en détresse »).