Depuis que Cellou Dalein Diallo a coupé le cordon avec son mentor politique Lansana Conté, en 2006, il n’a qu’une chose en tête : présider aux destinées de la Guinée. Et ce n’est pas le contexte socio-politique actuel qui va freiner son élan. Dimanche 6 septembre, le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) a pris ses alliés du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) à contre-pied en officialisant sa candidature pour le scrutin présidentiel du 18 octobre.
« En participant à cette élection, nous avons voulu, en plus des manifestations pacifiques auxquelles l’UFDG continuera de prendre part, transporter notre combat contre le troisième mandat dans les urnes, parce que nous sommes déterminés à user de tous les moyens légaux pour empêcher Alpha Condé de s’octroyer une présidence à vie », a-t-il justifié.
Outre Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo, dix autre candidats, dont deux femmes, sont en lice pour la présidentielle. Mais au sein des partis d’opposition qui ont décidé de respecter la consigne de boycott du FNDC – qui a officialisé ce mercredi l’exclusion de l’UFDG de ses instances, prenant acte de la décision de « certains partis politiques » de participer à la présidentielle, dont « découle leur retrait volontaire du mouvement » –, c’est la stratégie de Cellou Dalein Diallo qui fait le plus débat.
« Nous n’avons plus le même combat »
« Nous n’avons plus le même combat avec l’UFDG. Cellou est dans une profonde contradiction. Il ne peut pas déclarer haut et fort ne pas reconnaître la nouvelle Constitution et vouloir dans le même temps concourir contre Alpha Condé aux élections », dénonce ainsi l’ancien Premier ministre Lansana Kouyaté. Pour lui, « il ne faut pas jouer sur les deux tableaux ».
Amer face au choix du parton de l’UFDG, Sydia Touré est cependant moins radical dans son rejet. Pour lui, « Cellou Dalein Diallo ne renonce pas à la lutte contre un troisième mandat, il a juste changé de stratégie ». Le président de l’Union des forces républicaines (UFR) n’en constate pas moins que cette décision a provoqué « une scission au sein du FNDC ».
Depuis plus d’un an, les membres de cette coalition se rangent en effet derrière une ligne commune : le boycott de toutes les élections tant que le président Alpha Condé ne renonce pas à briguer un troisième mandat à la tête du pays.
Tout comme l’UFDG ce mercredi, le Parti des démocrates pour l’espoir (Pades) d’Ousmane Kaba et le Rassemblement guinéen pour le développement (RGD) d’Abdoul Kabélè Camara ont été mis au ban du FNDC dès l’annonce de leur candidature à l’élection présidentielle.
« Le principe est clair : tout parti membre du FNDC qui participe à l’élection s’exclut. La règle s’appliquera dans toute sa rigueur », avait prévenu Sékou Koundouno, responsable de la planification et de la stratégie du FNDC. Cependant, il tempère immédiatement : « Notre seul adversaire reste Alpha Condé. Nous n’avons pas intérêt à ouvrir plusieurs fronts à la fois, mais la règle va s’appliquer. »
Sidya Touré évasif
« Cellou Dalein Diallo est un citoyen guinéen comme les autres, il est donc libre de participer aux futures manifestations du FNDC s’il le souhaite », précise un autre membre du FNDC qui a requis l’anonymat. Une tolérance vis-à-vis de l’allié politique pour ce qui est de la participation aux marches, mais une exclusion des réunions qui rassemblent les membres de la plateforme.
« C’est lors de ces réunions que nous déterminons notre stratégie. Or désormais, l’UFDG a la sienne », assène Lansana Kouyaté. « Par souci de cohérence », le leader du Parti de l’espoir pour le développement national (PEDN) n’entend pas appeler à voter UFDG : « Nous ne dirons pas à nos sympathisants de voter pour Cellou, même pour battre Alpha Condé. Si nous voulions prendre part au scrutin, nous ne l’aurions pas boycotté », précise Lansana Kouyaté.
Là encore, Sidya Touré se montre plus évasif sur ses intentions à l’heure de donner d’éventuelles consignes de vote à ses militants. « Pour l’heure, la question ne se pose pas », balaie-t-il, refusant de prendre position dans l’immédiat.
Tractations et ralliements
De son côté, le RPG Arc-en-Ciel a pris de l’avance pour tenter de rassembler le plus largement possible autour de la candidature du président sortant.
Samedi, Alpha Condé a rencontré Mamadou Sylla, le leader de l’Union démocratique de Guinée (UDG) et actuel chef de file de l’opposition à l’Assemblée nationale, où ni l’UFR ni l’UFDG ne comptent de députés après avoir boycotté les législatives. Lors d’un entretien qui a duré plus d’une heure, Alpha Condé a proposé à l’homme d’affaires de se rallier à sa candidature. « Une proposition que j’ai déclinée, parce que le président est contesté dans le pays et que je ne veux pas me compromettre politiquement en rejoignant ses rangs », assure Mamadou Sylla à Jeune Afrique.
Il n’en a pas moins retiré sa propre candidature à l’issue de cet entretien… « J’ai décidé de me retirer parce que ces élections sont jouées d’avance. Je n’ai pas envie d’engager de l’argent dans cette campagne alors que l’issue est connue », s’est-il expliqué. Et d’ajouter : « En cas de second tour il est possible que je demande à voter Alpha Condé. Nous évaluerons les avantages et les inconvénients lorsque le moment sera venu, car je n’ai pas envie de condamner mon parti. »
À défaut de s’allier, Siaka Barry ne fera pas obstacle
Autre leader approché par le président-candidat, Siaka Barry, son ancien ministre de la Culture et leader du Mouvement populaire démocratique de Guinée (MPDG). Alpha Condé l’a reçu le 31 août, d’abord, lors d’un entretien qui a duré trois heures et au cours duquel il lui a demandé de s’allier au RPG. Une semaine plus tard, le 7 septembre, Siaka Barry est venu apporter sa réponse, négative. « Nous nous considérons comme père et fils spirituels », insiste cependant Siaka Barry, qui assure que sa base militante « n’était pas favorable à une alliance avec le RPG ».
À défaut de s’allier, Siaka Barry ne fera pas obstacle. Le patron du MPDG a en effet renoncé à se porter candidat car, assure-t-il, « la nouvelle Constitution manque de légitimité et elle a fait sauter le verrou de limitation à deux des mandats présidentiels ». Et si Siaka Barry a participé aux élections législatives du 22 mars, « c’est parce que ce scrutin a été organisé sur la base de l’ancienne Constitution, et que l’on était en outre déjà en pleine campagne des législatives lorsque le pouvoir a décidé de coupler ce vote avec le référendum constitutionnel ».
Alpha Condé n’en espère pas moins que Siaka Barry changera d’avis d’ici l’échéance. Il lui aurait, selon nos informations, demandé de prendre le temps de « mûrir sa réflexion », et l’aurait également mis en contact avec une commission technique en vue de lui faire une offre de portefeuille ministériel en contrepartie de son soutien.
La volte-face de Bah Ousmane
Alpha Condé pourra en revanche compter pleinement sur le soutien de Bah Ousmane, président de l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR). Un fidèle appui depuis le second tour de la présidentielle de 2010, il était cependant tombé en disgrâce avec son limogeage du ministère des Travaux publics.
Depuis, l’UPR était divisée entre une aile prônant la reconduction de l’alliance avec le RPG, incarnée par l’ancien ministre du Tourisme Thierno Ousmane Diallo, et une aile défendant le principe d’une candidature indépendante. Si Bah Ousmane était partisan de cette candidature UPR, le comité central de son parti en a décidé autrement, le 7 septembre, lors d’une réunion qui s’est tenue à l’issue de consultations avec la base du parti.
Enfin, Alpha Condé peut compter sur le soutien de la Coalition démocratique pour le changement dans la continuité (CODECC), qui réunit des leaders politiques membres du gouvernement et des structures de la société civile.
Face à une opposition qui diverge sur la stratégie à tenir, et dont une partie appelle ses partisans à bouder purement et simplement les urnes le 18 octobre prochain, il apparaît donc en position de force.