Politique économique
Louise Mushikiwabo (OIF), et le Premier ministre québécois, François Legault, à Québec, le 11 juin 2019. © Emilie Nadeau

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Québec-Afrique : une diplomatie qui roule à l’économie

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Politique

[Tribune] Coronavirus et après : il est temps de passer à un nouveau modèle

La crise du Covid-19 a largement démontré à quel point le système – économique, politique, environnemental – qui régit la planète a atteint ses limites. Il est temps d’en concevoir un nouveau, basé sur de vraies valeurs universelles.

Mis à jour le 10 septembre 2020 à 12:03
Indira Moudi

Par Indira Moudi

Ingénieure née d'un père nigérien et d'une mère guyanaise d’origine indienne, elle dirige depuis 2012 Viandes Lafrance, le plus gros abattoir placé sous la juridiction du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.

Selon Indira Moudi, il faut « manufacturer localement, en développant l’entrepreneuriat local ». Ici une minoterie du groupe Alpha Mining à Lubumbashi, capitale de la province du Katanga, en RDC. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

La crise du Covid-19 nous plonge dans un environnement de type Vica (« volatilité, incertitude, complexité, ambiguïté ») dont on ne sortira qu’en appliquant le principe des 4 C (« pensée critique, communication, collaboration, créativité »). Un confinement donnant l’opportunité de réfléchir à nos priorités, à l’héritage que nous laisserons à nos enfants.

Un répit

Notre pollution collective a diminué grâce au confinement planétaire. Parmi les solutions, pourquoi ne pas envisager un mois de confinement par an, une journée de confinement par semaine, une augmentation collective du travail à domicile, où nous nous arrêtons tous et donnons à la nature un répit pour se refaire ?

Il est temps d’apprendre à dépenser le temps avec sagesse

En général, nous avons tendance à convenir que le temps, c’est de l’argent. C’est ce même temps utilisé à bon escient qui crée plus de valeur pour notre planète et chacun de nous. Le modèle actuel de notre société nous a appris à dépenser l’argent avec prudence ; il est temps d’apprendre à dépenser le temps avec sagesse, un changement de paradigme essentiel à notre évolution collective.

À l’instar de l’éducation obligatoire pour tous, selon « l’esprit des droits de l’homme », l’accès au système de santé doit être possible pour tous.

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Il est également urgent d’établir une liste des produits essentiels au bon fonctionnement des diverses régions, et de s’assurer de les manufacturer localement, en développant l’entrepreneuriat local. Être dans une économie mondiale avec de faibles capacités locales de production dans un grand nombre de pays, cela revient à avoir trop peu de canots de sauvetage en mer.

La limite de l’extrême capitalisme

Nous avons définitivement touché la limite de l’extrême capitalisme, de la bulle boursière, tout comme on a vu les États-Unis subir la crise des prêts hypothécaires en 2007-2009. Combien de fois allons-nous créer de telles bulles, continuer à les reconstruire, en détruisant tant de familles en cours de route ?

Avoir de l’argent et ne pas pouvoir le dépenser : une expérience nouvelle pour les riches

Je crois fermement que réussir à trouver et convenir d’un nouveau mécanisme de bien-être économique vient grandement de l’éducation des nations riches ou de ceux qui sont sujets à la surconsommation. Avoir de l’argent et ne pas pouvoir le dépenser est probablement une expérience nouvelle pour les riches : pas de voyages, ni de restaurants, ni la dernière marque de chaussures. Lire simplement un livre à la bibliothèque. Mais n’est-ce pas là la réalité pour la majorité de ceux qui ont peu de moyens ? À quoi sert toute cette richesse sur une terre si instable ?

La cupidité et l’égoïsme sont des comportements à bannir pour les remplacer par l’empathie et la confiance, au bénéfice d’un monde plus équilibré et harmonieux.

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Le Covid-19 devra être un catalyseur pour éliminer les barrières. Jeunes, vieux, riches, pauvres, peu importe la couleur, malades ou en bonne santé, nous sommes tous confrontés à la même nouvelle réalité. Au vu des divers financements que nous avons vus pleuvoir, pouvons-nous convenir qu’il y a assez d’argent dans le monde mais pas assez « d’attention à l’humain » ? Mettre l’humain au cœur de notre existence, c’est vouloir un monde sans barrière à la diversité, un monde sans faim, un monde où les migrations n’auront nul besoin d’exister.

Tous ensemble, nous avons vaincu l’esclavage et l’apartheid en nous basant sur les principes des droits humains ; l’heure est au courage de proposer un nouveau modèle – qu’il nous faut commencer à rêver – dans le débat d’idées et le respect de l’autre.