Maroc-Afrique : « Les principaux concurrents du royaume sont Pretoria, Alger et Paris »

Malgré la forte concurrence au sud du Sahara, le royaume dispose d’importants atouts tant historiques que modernes, que détaille un récent ouvrage.

Le groupe marocain Attijariwafa Bank est l’un des plus importants opérateurs du royaume au sud du Sahara. © Laurent Vincenti/Licence CC

Le groupe marocain Attijariwafa Bank est l’un des plus importants opérateurs du royaume au sud du Sahara. © Laurent Vincenti/Licence CC

ESTELLE-MAUSSION_2024

Publié le 3 septembre 2020 Lecture : 3 minutes.

Radiographier les investissements directs étrangers (IDE) marocains sur le continent. C’est le travail qu’a effectué le chercheur Ahmed Iraqi, docteur en relations économiques internationales de l’Université Abdelmalek-Essaâdi de Tétouan (nord du Maroc), dans un ouvrage publié en début d’année chez L’Harmattan Géopolitique des investissements marocains en Afrique – Entre intérêt économique et usage politique.

Si selon le World Investment Report 2019, la France conserve le plus important stock d’IDE sur le continent (64 milliards de dollars à la fin 2017), l’ouvrage analyse la nette progression réalisée par les acteurs économiques du royaume sur le continent.

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Il aborde différentes dimensions de l’offensive économique du royaume en Afrique subsaharienne, sujet très débattu, notamment depuis la demande d’adhésion du Maroc à la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en 2017. Revenant sur l’histoire de l’essor des IDE, l’étude détaille leur répartition géographique et sectorielle tout en examinant leurs ressorts politiques.

Alors que la crise engendrée par la pandémie de coronavirus complique le déploiement de la stratégie économique du royaume, Jeune Afrique a posé trois questions à l’auteur du livre.

Jeune Afrique : Quelles sont les forces et faiblesses de la poussée marocaine en Afrique subsaharienne ?

Ahmed Iraqi : Le principal point fort du Maroc est l’histoire, à savoir le fait d’avoir été, entre le 9e et le 17e siècle, une zone habituelle du commerce transsaharien. Cet acquis historique – couplé au soutien du royaume aux indépendances africaines et à la stature symbolique du roi – a facilité les investissements marocains, en particulier en Afrique de l’Ouest. Et le pays compte encore sur cet héritage pour mettre en œuvre son adhésion à la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), même si celle-ci semble au point mort actuellement.

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Concernant les points faibles, j’en vois deux. D’une part, la mise en œuvre de la stratégie royale est ralentie par une partie de l’élite politique et de la haute administration, dont les membres, en poste depuis plus de vingt ans, continuent de penser selon une idéologie caduque. D’autre part, au sein même de ce corps, certaines pratiques de mauvaise gouvernance perdurent, même si elles restent rares et sont combattues.

Sur le continent, qui sont les principaux concurrents du Maroc ?

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Ils sont nombreux. Il y a l’Afrique du Sud et l’Algérie – qui suivent de très près les avancées marocaines en termes d’intégration continentale et qui tentent par tous les moyens de les ralentir – mais aussi le Nigeria. Pour rappel, l’Afrique du Sud a longtemps été le premier investisseur intra-africain mais son leadership est challengé. Et, à l’avenir, le Nigeria pourrait devenir un concurrent encore plus sérieux, ne serait-ce qu’en raison de l’effet mécanique de sa puissance démographique sur sa croissance économique.

La France reste toujours un protagoniste de taille et concurrence le Maroc sur ses secteurs de prédilection. La Chine est à part, car elle joue dans une autre catégorie, en raison surtout du montant des prêts qu’elle peut allouer.

Cela constitue un défi pour le Maroc sachant que ce dernier n’a pas la capacité financière, ni le tissu d’entreprises publiques et privées pour faire face à une telle concurrence.

Quels sont les obstacles au déploiement de la présence marocaine en Afrique ?

Ils sont les mêmes depuis plusieurs années et pourraient se renforcer dans le contexte actuel de crise : le financement et l’accès au marché local. S’il faut reconnaître que le ministère du Commerce extérieur ne cesse d’innover pour encourager les IDE marocains – en aidant les entreprises à participer à des foires, en leur apportant un soutien logistique et en partageant des bases de données de potentiels clients -, la question du financement demeure compliquée.

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