Indépendances africaines – Seloua Luste Boulbina : « Le problème du présent, c’est qu’il hérite du passé »

La philosophe franco-algérienne Seloua Luste Boulbina analyse le chemin parcouru en Afrique depuis six décennies, mais aussi le poids du déni et la survivance d’une forme d’idéologie coloniale.

La philosophe franco-algérienne Seloua Luste Boulbina travaille sur les questions coloniales et postcoloniales. Elle a notamment publié « Les Miroirs vagabonds ou la décolonisation des savoirs » (Les Presses du réel, 2018), « L’Afrique et ses fantômes, écrire l’après » (Présence africaine, 2015), « Les Arabes peuvent-ils parler ? » (Blackjack 2011/Payot Poche 2014), « Le Singe de Kafka et autres propos sur la colonie » (Sens Public, 2008/Les Presses du réel 2020). © Antoine Tempé

La philosophe franco-algérienne Seloua Luste Boulbina travaille sur les questions coloniales et postcoloniales. Elle a notamment publié « Les Miroirs vagabonds ou la décolonisation des savoirs » (Les Presses du réel, 2018), « L’Afrique et ses fantômes, écrire l’après » (Présence africaine, 2015), « Les Arabes peuvent-ils parler ? » (Blackjack 2011/Payot Poche 2014), « Le Singe de Kafka et autres propos sur la colonie » (Sens Public, 2008/Les Presses du réel 2020). © Antoine Tempé

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Publié le 9 septembre 2020 Lecture : 8 minutes.

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[Série] 1960, l’année où l’Afrique s’est réveillée

En ce soixantième anniversaire de la décolonisation en Afrique subsaharienne, le cœur n’est pas à la fête. De cette émancipation en trompe-l’œil, qu’y a-t-il vraiment à célébrer ?

Sommaire

Ancienne directrice de programme au Collège international de philosophie à Paris, la philosophe franco-algérienne Seloua Luste Boulbina travaille depuis des années sur les questions coloniales et postcoloniales, que ce soit dans leur dimension politique, intellectuelle ou artistique. Aujourd’hui chercheuse à l’université Diderot Paris 7 et installée en Nouvelle-Calédonie, elle analyse le chemin parcouru en Afrique depuis six décennies, mais aussi le poids du déni et la survivance d’une forme d’idéologie coloniale.

Jeune Afrique : Quel bilan peut-on tirer, soixante ans après, de ces indépendances en Afrique pour les États et les populations ?

Seloua Luste Boulbina : Ce sont les experts qui tirent des bilans. Si l’on prend le cas de l’une des plus anciennes colonies européennes sur le continent, l’Afrique du Sud, dont l’indépendance date du début du XXe siècle, on observe que les premières lois ségrégationnistes lui sont contemporaines. Les Européens y ont inscrit durablement une organisation raciale-coloniale puisque les dernières lois d’apartheid y ont été abolies en 1991. L’indépendance s’y est organisée au profit des colonisateurs et des colons.

À l’opposé, l’indépendance de l’Algérie, dans le nord du continent, autrefois colonie de peuplement, a vu le départ des Européens. Ils ne voulaient ni de l’égalité des droits, ni de l’égalité des niveaux de vie.

La suprématie blanche a été une politique coloniale de longue durée, multiforme, passant du système esclavagiste, qui « prélève » en Afrique des hommes-marchandises déportés des siècles durant dans les Amériques pour y produire la richesse de l’Europe, à l’extraction des ressources naturelles (minerais, bois, etc.) qui recourt au travail forcé et épuise physiquement et mentalement les populations par le maintien contraint dans la subalternité.

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