Économie

Ivanohe-CNMC, un partenariat appuyé par Pékin et la Gécamines

Les miniers canadien et chinois ont décidé de mettre en commun leurs efforts quant à la transformation et à la logistique du cuivre et du cobalt en RDC.

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Mis à jour le 28 août 2020 à 17:48

La mine de cuivre Frontier à Sakania, au Katanga (RDC). © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique.

Le 18 août deux poids lourds du secteur minier de RDC ont annoncé avoir conclu un accord de coopération : le canadien Ivanohe mines, qui mène le mégaprojet de Kamoa-Kakula (qui doit produire 700 000 tonnes de cuivre par an et entrer en production en 2021) et China Nonferrous Metal group Corporation (CNMC), qui pilote la mine de Desiwa, dont les réserves sont estimées à 5 millions de tonnes de cuivre et qui est entrée en exploitation en janvier 2020.

Le tycoon américain Robert Friedland, patron emblématique d’Ivanohe, et Wang Tongzhou, le président de CNMC, ont indiqué que leur partenariat toucherait notamment aux activités de transformation et de logistique du cuivre et du cobalt extraits de leurs sites miniers, pour la plupart installés dans la province du Lualaba, près de Kolwezi.

La coopération, un vent nouveau

Si les acteurs des filières cuivre et cobalt n’ont guère l’habitude de coopérer dans le pays, CNMC n’en est pas à son coup d’essai : sa fonderie de Kolwezi – la plus grande du pays, capable de produire 120 000 tonnes de minerai chaque année – traite déjà non seulement le minerai de Desiwa, mais aussi celui du site de Frontier, appartenant au kazakh ERG, également proche de Kolwezi.

Cette collaboration supplémentaire est adoubée par Pékin : CNMC est un grand groupe public chinois tandis que les deux grands partenaires d’Ivanohe à Kamoa-Kakula, Zijin Mining (groupe extractif) et Citic Metal (acheteur de minerais), viennent également de l’Empire du milieu.

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Le partenariat est aussi appuyé par la Gécamines, qui gère les intérêts de l’État congolais dans les filières minières du Katanga, et qui a fait de CNMC un partenaire privilégié depuis 2015.

Des termes flous

Albert Yuma, président de la Gécamines depuis dix ans, récemment reconfirmé à son poste, s’était vanté il y a cinq ans d’avoir conclu avec le chinois un partenariat d’un nouveau genre à Desiwa : CNMC doit se rembourser progressivement de son investissement de quelque 800 millions de dollars en se payant sur la production écoulée, avec un mécanisme de transfert BOOT (build own operate transfer) qui permettrait à la Gécamines d’en devenir actionnaire majoritaire à l’horizon 2030.

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Reste que l’opacité de l’accord liant CNMC à la Gécamines fait polémique puisque ses détails cruciaux n’ont pas été rendu publics. L’ONG britannique Global Witness, qui a publié début août 2020 un rapport sur le sujet, s’interroge en particulier sur les conditions de commercialisation du cuivre et du cobalt par CNMC – ses prix notamment – ; sur la possibilité qui est accordée au groupe chinois de réaliser des « bénéfices raisonnables », termes flous ; mais aussi sur des coûts de maintenance qu’elle estime sous-évalués.

L’ONG s’inquiète aussi du manque de clarté sur les possibilités d’extension du projet et d’un ré-endettement consécutif de la Gécamines auprès de CNMC, qui rendrait impossible la montée au capital de la compagnie congolaise. Enfin, Global Witness met également en cause les liens de CNMC avec Siu Kam Ng, intermédiaire chinois qui s’est vanté dans une interview à un média chinois de sa bonne connaissance des circuits de corruption les plus efficaces en RDC pour y faire des affaires.