Hichem Mechichi, actuel ministre de l’Intérieur, a attendu le dernier moment pour donner la composition de son équipe gouvernementale, qu’il compte présenter au Parlement pour obtenir sa confiance.
Inconnus au bataillon
Revendiquant le titre de « technocrate », ce gouvernement se compose de 28 portefeuilles ministériels et secrétariats d’État, dont huit sont dirigés par des femmes. Difficile de dégager une orientation politique générale de l’équipe proposée car les inconnus y sont légion et les différences entre eux considérables.
L’empreinte du président tunisien Kaïs Saïed est palpable dans les choix qui ont été faits. À commencer par le chef d’équipe, Hichem Mechichi. Cet énarque de 46 ans a été directeur cabinet de différents ministres et au sein de différents ministères avant d’être nommé conseiller juridique à Carthage en janvier 2020.
À peine le temps de poser ses valises qu’il a été propulsé ministre de l’Intérieur au sein du gouvernement d’Elyes Fakhfakh. Ce dernier s’est retrouvé sur la sellette et a fini par démissionner à cause d’une affaire de conflit d’intérêts, avant d’être remplacé par Mechichi, seulement quelques mois après avoir intégré le gouvernement.
Autre conseiller du chef de l’État qui se retrouve au gouvernement : Othman Jerandi, proposé au ministère des Affaires étrangères. Nommé à Carthage en avril 2020, ce diplomate ayant trente ans de carrière a déjà été à la tête du ministère entre 2013 et 2014. Sa connaissance des instances onusiennes sera précieuse pour la Tunisie, qui occupe actuellement le poste de membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.
Kaïs Saïed étend son périmètre
Selon la Constitution, les Affaires étrangères et la Défense sont attribuées en concertation avec le chef de l’État, car ce sont là deux prérogatives présidentielles. Toutefois, Kaïs Saïed ne se contente pas de ce périmètre et a également eu son mot à dire sur d’autres portefeuilles régaliens comme celui de l’Intérieur, tirant ainsi avantage de la faiblesse politique des chefs de gouvernement qu’il s’est lui-même choisis.
Ainsi, le successeur potentiel de Mechichi à la tête de l’Intérieur est lui aussi un proche de Kaïs Saïed. Taoufik Charfeddine est un avocat quinquagénaire qui n’a aucune accointance connue avec les partis politiques mais qui a été très actif auprès du chef de l’État pendant sa campagne présidentielle. Sa nomination à l’Intérieur a suscité la réserve de plusieurs partis politiques, selon des observateurs.
En réaction, le journal Acharaa al-Maghribi a nargué le président de la République sur sa une ce mardi, en rappelant ses propos de campagne, en juin 2019 : « Que personne, même les bénévoles au sein de ma campagne, n’attende de la récompense ou de la reconnaissance. »
Si ce gouvernement arrive à obtenir la confiance du Parlement le 1er septembre, il aura un autre défi : la cohérence idéologique. Par exemple, à la tête du nouveau pôle économique, qui regroupe, en plus de l’économie, les finances et l’investissement, figure Ali Kooli. C’est le directeur général de l’Arab Banking Corporation — Tunis, filiale de la Banque ABC dont le siège est établi à Manama, au Bahreïn.
Cotée à la Bourse de Bahreïn depuis 1990, elle dispose d’un capital social à hauteur de plus de 3 milliards de dollars, détenu à 59 % par la Banque centrale de Libye et à 29 % par Kuwait Investment Authority. Le fait que Ali Kooli ait été l’un des membres fondateurs du parti Afek Tounes en 2011 ne l’a pas disqualifié pour ce poste sensible. Ce parti ultralibéral a été composé en majeure partie de hauts cadres vivant à l’étranger, il ne dispose que de deux élus au Parlement aujourd’hui.
Loin de cette tendance libérale, c’est Mohamed Trabelsi qui a été nommé aux affaires sociales. Il a occupé ce poste pendant trois ans et demi entre 2016 et 2020, et il est connu pour sa proximité avec le puissant syndicat Union générale tunisienne du travail (UGTT).
Moez Chakchouk est l’une des rares personnalités qui a fait consensus autour de sa nomination. Il devrait hériter du ministère des Transports où la situation difficile de Tunisair, la compagnie aérienne publique, des sociétés régionales de transport ou de la Société nationale des chemins de fer sont autant de défis à relever. Il rentrerait de Paris où il occupe le poste de sous-directeur général pour la Communication et l’Information à l’Unesco. Chakchouk a déjà fait ses preuves à la tête de la poste tunisienne, qu’il a su moderniser.