Politique

Ce qu’il faut savoir sur Assimi Goïta, le nouvel homme fort du Mali

Ce jeune colonel se présente comme le président du Comité national pour le salut du peuple qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta. Il était jusque-là commandant d’un bataillon des forces spéciales basé dans le Centre.

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Mis à jour le 21 août 2020 à 12:48

Le colonel Assimi Goïta, président du CNSP, lors d’une réunion au ministère de la Défense, le 19 août 2020 à Bamako. © Emmanuel Daou Bakary

« Je suis le colonel Assimi Goïta, le président du Comité national pour le salut du peuple [CNSP] ». C’est par ces mots, prononcés sur un ton hésitant devant la presse convoquée au camp militaire de Kati, que le chef de la junte militaire qui a poussé Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) à la démission s’est présenté, dans l’après-midi du 19 août. « Le Mali se trouve dans une situation de crise socio-politique, sécuritaire. Nous n’avons plus le droit à l’erreur. Nous, en faisant cette intervention hier, nous avons mis le pays au-dessus [de tout]. Le Mali d’abord », a ajouté l’officier de 37 ans pour expliquer les raisons qui ont conduit les militaires à mener le coup d’État.

La veille, il était déjà apparu face aux caméras aux côtés de quatre autres leaders du CNSP, lorsque celui-ci avait officialisé le putsch sur les ondes de la l’ORTM. Mais il avait alors semblé en retrait, et ne s’était pas exprimé. Mais il a finalement été choisi pour prendre la tête du CNSP à l’issue de tractations internes.

À en croire ceux qui l’ont côtoyé au cours de sa – jeune – carrière, le quadragénaire est loin du tonitruant Moussa Dadis Camara, qui a brièvement dirigé la junte militaire en Guinée en 2008, pas plus qu’il ne ressemble au fantasque Amadou Haya Sanogo, éphémère chef des putschistes maliens qui ont renversé Amadou Toumani Touré 2012. « C’est un homme posé et réfléchi », le décrit un haut gradé de l’armée malienne, qui le connaît bien pour avoir travaillé avec lui dans ses précédentes missions.

Son premier acte d’autorité aura été de rencontrer des hauts fonctionnaires du ministère de la Défense, ce mercredi. « Il était de mon devoir de rencontrer les différents secrétaires généraux pour que nous puissions les assurer de notre soutien par rapport à la continuité des services de l’État », a-t-il notamment expliqué. »Suite à l’événement d’hier qui a abouti au changement de pouvoir, il était de notre devoir de donner notre position à ces secrétaires généraux pour qu’ils puissent travailler », a-t-il poursuivi.

Unité d’élite

Assimi Goïta a été formé au Prytanée militaire de Kati. Comme plusieurs des leaders du CNSP, il est également diplômé de l’École interarmes (Emia) de Koulikoro. À sa sortie de l’Emia, il a été affecté au 134e escadron de reconnaissance de Gao de 2002 à 2005, avant d’être envoyé à Kidal, où il restera jusqu’en 2008. Il prendre ensuite le commandant d’un groupement tactique dans le cadre de la lutte contre les groupes terroristes et le narcotrafic jusqu’en 2010, avant de rejoindre, à partir de 2014, les forces spéciales.

En août 2016, il a suivi une formation au Centre européen d’études de sécurité George C. Marshall, qui dépend du Département américain de la Défense et du ministère fédéral allemand de la Défense.

Le colonel Goïta était jusqu’à présent le commandant du Bataillon autonome des forces spéciales et des centres d’aguerrissement (BAFS-CA), créé en mai 2018 et basé à Mopti, dans le Centre du pays. Un poste qui lui vaut d’avoir le rang de sous-chef d’état-major d’armée.

« Son grade et son poste lui confèrent une bonne notoriété dans le reste de l’armée, même en dehors de son bataillon », souligne un officier malien, qui a souhaité conserver l’anonymat. Le BAFS-CA est en effet une unité d’élite, bien entraînée, et opérant généralement dans la discrétion.

Les membres du bataillon que dirige le colonel Goïta travaillent régulièrement avec les forces armées américaines sur le terrain. Ils participent également aux exercices « Flintlock », qui réunissent des éléments de plusieurs armées africaines et des soldats américains sur un même terrain de manœuvres.

Rappelé à Bamako pour faire face aux manifestants

Dans le Centre, les hommes du BAFS-CA sont notamment chargés de planifier, coordonner et conduire des opérations de lutte contre le terrorisme, de participer à la recherche et à la transmission de renseignements, d’appuyer les forces conventionnelles en cas de besoin et d’assurer la protection des autorités locales dans la région du Centre.

Mais c’est aussi dans cette partie du pays, théâtre de violences intercommunautaires et d’attaques jihadistes, que l’armée malienne est régulièrement accusée d’exécutions extra-judiciaires, y compris par l’ONU.

Selon nos informations, le colonel Goïta avait été rappelé à Bamako il y a un mois afin de participer au maintien de l’ordre face aux manifestations organisées depuis le début de juin par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques du Mali (M5-RFP), la coalition hétéroclite réclamant le départ du président IBK.