Selon nos informations, cette rencontre avait été organisée avec l’aide du représentant de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), Adolphe Nahayo, et de celui de la commission de l’Union africaine (UA), Mathias Matondo. Les deux hommes ont notamment correspondu avec Laeticia Jeanne-Marie Boukoro Amphy Wang, directrice de cabinet du Premier ministre Firmin Ngrebada.
Boukoro Amphy Wang a ainsi servi de principal relais entre l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC) et les collaborateurs de son leader, Ali Darass.
D’autant que Firmin Ngrebada, qui défendait une « discussion avec un partenaire, dans le cadre des accords de paix » était conscient de l’émotion que pouvait susciter cette rencontre et souhaitait rester particulièrement prudent.
Le Premier ministre avait mis deux points à l’ordre du jour de ce tête-à-tête. Il souhaitait obtenir des clarifications sur les relations entre Ali Darass et Moussa Assimeh, un mercenaire soudanais régulièrement actif en Centrafrique et qui aurait tissé des liens avec l’UPC pour reprendre des activités dans le sud-est du pays.
« Il a cédé sous la pression »
Ngrebada souhaitait aussi s’assurer du déploiement des agents électoraux dans les zones contrôlées par l’UPC, en vue de la présidentielle et des législatives à venir. Quelques jours plus tôt, des agents de l’Autorité nationale des élections (ANE) avaient été bloqués par des éléments de l’UPC. Julius Rufin Ngouade-Baba, rapporteur de l’ANE, avait saisi le gouvernement pour « engager des discussions » avec le groupe rebelle.
Toujours selon nos informations, Firmin Ngrebada a souhaité rester « ferme et menaçant » face à son interlocuteur, d’autant que certains de ses proches collaborateurs lui avaient conseillé de ne pas recevoir le chef rebelle à la Primature. « J’avais dit au Premier ministre que c’était un grand risque, mais il a cédé sous la pression », déplore un membre de son cabinet auprès de Jeune Afrique.
Pour Darass, des promesses et un retour à Bambari
À l’issue du huis-clos, Ali Darass a apposé sa signature sur un procès-verbal daté du 30 juillet (co-signé par Ngrebada, Adolphe Nahayo et Mathias Matondo) dans lequel il promettait qu’il n’avait aucun contact avec le Soudanais Moussa Assymei et s’engageait à ne pas entraver la libre circulation des agents de l’ANE.
Il obtenait en échange la possibilité de retourner à Bambari, la capitale du Ouaka et son ex-quartier général, dont il avait été chassé en janvier 2019 par la Minusca. Selon nos informations, il avait prévu de s’y installer dans une villa située en face de la résidence du préfet de la Ouaka.
Pourtant, deux jours après la signature du procès-verbal, le 1er août, Darass publiait cette fois une « note de désengagement et de clarification » dans lequel il affirmait avoir signé le document du 30 juillet sous la menace et la contrainte. Alerté, Firmin Ngrebada réagissait en dénonçant publiquement « la perfidie et la mauvaise foi » du chef rebelle.
La résolution de la crise passe par l’arrestation sans conditions de tous les chefs de guerre, dont Ali Darass
Indignée par la tournure des événements, la société civile a appelé à une manifestation le 5 août et à la démission d’un Premier ministre qui « travaille en intelligence avec les groupes armés », selon Gervais Lakosso, coordonnateur du Groupe de travail de la société civile. « La résolution de la crise passe par l’arrestation sans conditions de tous les chefs de guerre, dont Ali Darass », a quant à lui déclaré Martin Ziguélé, président du Mouvement de libération du peuple centrafricain.