Économie

RDC : trois raisons au recul du bénéfice de Rawbank en 2019

Après une bonne année 2018, le leader congolais a vu son bénéfice divisé par trois en 2019, malgré des revenus en nette hausse. Explications.

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Mis à jour le 31 juillet 2020 à 16:35

Siège de Rawbank, à Kinshasa. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

Le résultat net du premier groupe bancaire de RDC s’est porté à 7,4 millions de dollars en 2019, loin des 23,7 millions de dollars de l’année 2018.

Certes, 2018 avait été une année exceptionnelle, avec un taux de change stable et une très forte hausse des crédits à la clientèle (+61 %) comme du portefeuille d’investissements. Rawbank avait alors engrangé un produit net bancaire (PNB) d’environ 155 millions de dollars (+56 %), pour un bénéfice qui avait quadruplé.

Les performances de l’année 2019 ont été elles plus contrastées.

L’impact du taux de change

« Nous avons plutôt bien fonctionné compte tenu des événements, sur des variables comme les dépôts, l’encours crédit ou le total des actifs », indiquent à Jeune Afrique les équipes de Rawbank, dont le bilan a progressé de 27 % à 2,13 milliards de dollars courants à la fin 2019.

Les dépôts des épargnants et ses revenus augmentent sensiblement de la même manière, respectivement à 1,5 milliard et 203 millions de dollars (soit des hausses de 29 % et 30 %). Mais le bénéfice net a lui reculé à son plus bas niveau depuis 2017.

« L’explication majeure de l’augmentation de nos charges, c’est la hausse de notre provision pour reconstitution de capital, liée à la réévaluation du taux de change », mettent en avant les services de  Rawbank, contactés à Kinshasa, pour expliquer cette chute brutale.

La législation congolaise impose aux établissements de crédits de constituer de telles provisions – déductibles fiscalement – pour parer les effets d’une dégradation éventuelle du taux de change durant l’exercice sur le capital social de l’entreprise.

Le taux de change est en effet passé de 1 580,44 francs congolais pour 1 dollar au 1er janvier 2019 à 1 665,36 francs pour 1 dollar au 31 décembre. Conséquence pour Rawbank, la provision légale a représenté près de 30 milliards de francs congolais en 2019, soit le double des montants en jeu en 2018. Cette différence équivaut à près la moitié de la chute du bénéfice net.

Une tendance qui s’est encore accentuée depuis le mois de mai dernier, la devise congolaise s’échangeant à 1 937,94 francs pour 1 dollar à ce jour, présageant un exercice 2020 particulièrement difficile.

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Effet des créances en souffrance et des charges en hausse

La banque a également dû « éponger plusieurs créances douteuses », qu’elle a « préféré provisionner tout de suite » et « espère récupérer en 2020 », poursuivent les services de la banque dirigée depuis mars par Mustafa Rawji.

Le neveu de Mazhar Rawji, président du conseil d’administration, a été nommé directeur général en remplacement Thierry Taeymans, qui a officiellement « sollicité un repos pour convenance personnelle », après avoir été incarcéré quelques jours dans le cadre de l’enquête sur le programme des « cent jours » du président Félix Tshisekedi.

L’ex-dirigeant belge, qui avait été entendu suite à des accusations de détournement de fonds, demeure directeur non-exécutif de la banque.


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Il faut en outre noter que l’efficacité opérationnelle de la banque en 2019 a été moindre que durant l’exercice précédent. Les charges générales d’exploitation ont augmenté de plus de 32 millions de dollars en un an.

Les charges de personnel ont doublé à environ 38 millions de dollars. Une évolution que le groupe bancaire explique par les recrutements liés à sa politique d’expansion et de régionalisation des activités dans le pays, qui ont affecté le résultat brut d’exploitation, en recul de 10 % à un peu moins de 60 milliards de francs. Le coefficient d’exploitation (ratio charges/revenus) grimpe à son pire niveau depuis 2016, dépassant 80 %.

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Pari sur l’avenir minier

Pour le groupe bancaire, ces charges reflètent aussi un pari optimiste sur l’avenir, estime l’établissement qui domine le marché bancaire congolais, devant Trust Merchant Bank et Banque commerciale du Congo, et table sur les résultats à venir de sa politique d’expansion.

Rawbank a notamment investi dans la région minière du Katanga, où elle veut faire de l’agence de Kolwezi une banque d’affaires de référence pour l’industrie minière, alors que le siège régional s’implante à Lubumbashi.

La banque compte en effet tirer parti de la modification du nouveau code minier, qui impose aux entreprises de rapatrier 60 % de leurs recettes dans le pays – contre 40 % auparavant – pour renforcer ses liens avec les entreprises minières. Une politique dont les résultats pourraient être retardés, étant donnée la baisse des cours des matières premières causée par la crise actuelle.

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Enfin, la banque congolaise met l’accent sur le numérique, avec le renouvellement de ses serveurs et la digitalisation de ses processus, notamment pour les réclamations. Un nouveau produit, à destination des miniers ou encore des brasseurs, baptisé Optimus, doit également permettre de numériser les licences d’exportation ou d’importation, et a connu un coûteux déploiement en 2019.