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Amadou Gon Coulibaly à Abidjan, le 8 décembre 2019. © Issam Zejly pour JA

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Présidentielle en Côte d’Ivoire : le décès d’Amadou Gon Coulibaly rebat les cartes

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Après le décès de Gon Coulibaly, le RHDP se cherche un candidat pour la présidentielle

Le décès d’Amadou Gon Coulibaly, survenu le 8 juillet, laisse le RHDP sans candidat à la présidentielle ivoirienne. Qui pourra reprendre le flambeau ?

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Mis à jour le 11 juillet 2020 à 13:21

Alassane Dramane Ouattara, le 17 avril 2013. © DR/JA

Une fois le choc encaissé, Alassane Ouattara va devoir très vite rebondir et réfléchir à la suite. Avec le décès d’Amadou Gon Coulibaly, ce collaborateur de trente ans qu’il considérait comme son propre fils, le chef de l’État, très affecté par sa disparition, se retrouve sans dauphin pour la présidentielle d’octobre prochain.

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Lui qui n’a jamais voulu entendre parler d’un « plan B » durant les deux mois que son Premier ministre a passés à Paris est désormais contraint de trouver un autre candidat. Sur qui se portera son choix ? Il est trop tôt pour le dire. Alassane Ouattara lui-même pèse encore le pour et le contre.

Mais voici les principales options qui s’offrent à lui, dans l’hypothèse où le scrutin se tiendra bien le 31 octobre 2020, un report de quelques semaines pour cause de Covid-19 n’étant pas à exclure définitivement, d’autant que cela pourrait arranger une large partie de la classe politique.

  • Un troisième mandat pour Alassane Ouattara
Alassane Ouattara, 09 avril 2020© présidence de Côte d’ivoire Alassane Ouattara, 09 avril 2020
© présidence de côte d’ivoire

Alassane Ouattara, 09 avril 2020© présidence de Côte d’ivoire Alassane Ouattara, 09 avril 2020 © présidence de côte d’ivoire

Alassane Ouattara avait pris tout le monde de court. Le 5 mars, devant les parlementaires réunis en congrès à Yamoussoukro, le président avait annoncé qu’il ne briguerait pas de troisième mandat. « Tout au long de ma carrière, j’ai toujours accordé une importance particulière au respect de mes engagements. En conséquence, j’ai décidé de ne pas être candidat en 2020 », avait-il alors déclaré, précisant qu’il souhaitait « transférer le pouvoir à une nouvelle génération ». Une semaine plus tard, Amadou Gon Coulibaly était, sans surprise, désigné candidat du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) à la présidentielle.

Maintenant que l’homme en qui il avait toute confiance pour assurer la relève n’est plus, Alassane Ouattara va-t-il faire marche arrière ? Sur le papier, il est théoriquement autorisé à briguer un troisième mandat, puisqu’une nouvelle Constitution a été adoptée en 2016.

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Mais ses opposants lui contestent ce droit, rappelant qu’il a été élu en 2010 et 2015 et qu’il donc déjà effectué ses deux mandats. Par ailleurs, aussi exceptionnelles que soient les circonstances, si le chef de l’État annonce maintenant qu’il est finalement candidat à sa propre succession, il donnera l’impression de se contredire et de renoncer à favoriser l’émergence d’une nouvelle génération. Même s’il souhaitait vraiment quitter le pouvoir avant le décès d’Amadou Gon Coulibaly, il se retrouverait de facto rangé dans la catégorie des présidents qui ne savent pas quitter le pouvoir. Du pain bénit pour ses opposants.

Avant qu’Alassane Ouattara n’adoube son Premier ministre en mars dernier, nombreux sont ceux qui, en interne, avaient poussé pour qu’il se représente. En particulier dans les rangs de son parti originel, le Rassemblement des républicains (RDR), à l’image du ministre Cissé Bacongo. Avec la disparition de Gon Coulibaly, nul doute qu’ils vont revenir à la charge.

Le président, enfin, a longtemps hésité. En 2015, après sa réélection, il avait affirmé qu’il ne serait pas candidat en 2020. Deux ans plus tard, en 2017, alors que des mutineries dans l’armée avaient secoué le pays, il ne fermait plus la porte à un éventuel nouveau mandat. Plus récemment, fin 2019, il avait aussi indiqué qu’il serait candidat si ses rivaux, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, l’étaient. Maintenant que ce dernier est le candidat annoncé du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui doit formellement l’investir fin juillet, Alassane Ouattara pourrait s’en servir de prétexte pour replonger dans l’arène.

  • L’option Hamed Bakayoko
Hamed Bakayoko, ministre de l'Intérieur et de la Sécurité de Côte d'Ivoire. © Bruno Levy pour JA

Hamed Bakayoko, ministre de l'Intérieur et de la Sécurité de Côte d'Ivoire. © Bruno Levy pour JA

Si Alassane Ouattara reste sur sa position et ne brigue pas de troisième mandat, il apparaît comme le recours le plus probable. Hamed Bakayoko n’est pas aussi proche du chef de l’État que l’était Amadou Gon Coulibaly, mais il est un membre influent du premier cercle présidentiel. C’est d’ailleurs lui qui, durant les deux mois de convalescence du Premier ministre à Paris, a assuré son intérim à la tête du gouvernement. Le tout en donnant satisfaction aux deux têtes de l’exécutif.

Fidèle lieutenant du président et proche de la Première dame, Dominique Ouattara, l’actuel ministre de la Défense s’est toujours montré loyal. Lorsqu’Amadou Gon Coulibaly lui a été préféré pour prendre la relève, Hamed Bakayoko, 55 ans, n’a pas sourcillé. Il s’est plié au choix de Ouattara et rangé derrière le Premier ministre. Le choix du collectif et de la patience, pour ne pas hypothéquer ses chances quand son tour viendra.

Seul membre du gouvernement à avoir le rang de ministre d’État, Hamed Bakayoko était ministre de l’Intérieur avant d’être nommé à la Défense, en 2017, pour remettre de l’ordre dans l’armée. Poids lourd de l’exécutif à la trajectoire éclair, il dispose d’un réseau personnel qui dépasse les frontières ivoiriennes.

Il apparaît aussi plus populaire que ne l’était Amadou Gon Coulibaly. Natif d’Adjamé, il affiche volontiers une certaine proximité avec le peuple. Ses amitiés avec des stars ivoiriennes, tel le défunt DJ Arafat, ont aussi contribué à sa popularité auprès des jeunes.

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Tribun, parfaitement à l’aise en meeting, il coche de nombreuses cases pour être le candidat de substitution du RHDP. D’autant qu’il a déjà montré sa capacité à remporter une élection : lors des municipales, fin 2018, il avait été envoyé défendre les couleurs du parti à Abobo, commune abidjanaise populaire d’un million d’habitants, pour qu’elle demeure un fief du RDR. Mission accomplie : Hamed Bakayoko avait été élu avec près de 60 % des suffrages.

Pour autant, Alassane Ouattara ne lui fait pas la même confiance aveugle qu’à Gon Coulibaly, avec qui il cheminait depuis trente ans. Il y a quelques mois, le chef de l’État estimait qu’« Hamed », comme il l’appelle, n’était pas encore prêt à prendre la relève, et qu’il n’avait pas encore l’envergure d’un homme d’État ni le profil de technocrate ou d’économiste qu’il affectionne tant.

  • La surprise Patrick Achi
Patrick Achi, le secrétaire général de la présidence, à Abidjan. © Luc Gnago/REUTERS

Patrick Achi, le secrétaire général de la présidence, à Abidjan. © Luc Gnago/REUTERS

Et si c’était lui ? Ce choix en surprendrait plus d’un, mais le secrétaire général de la présidence fait partie des rares personnes susceptibles de pouvoir reprendre le flambeau au RHDP. Homme de confiance d’Alassane Ouattara, Patrick Achi s’est imposé comme un élément clé dans le dispositif présidentiel depuis sa nomination à ce poste, en 2017. Ce 8 juillet, c’est lui qui s’est rendu sur les antennes de la RTI pour annoncer le décès d’Amadou Gon Coulibaly au nom du président.

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Ingénieur de formation (comme l’était le Premier ministre), Achi, 64 ans, partage plusieurs des caractéristiques qu’apprécie Ouattara : loyal, travailleur, à l’aise sur la plupart des grands dossiers de l’État. En tant que ministre des Infrastructures de 2000 à 2017, sous Laurent Gbagbo puis Alassane Ouattara, il a piloté la plupart des grands projets qui ont structuré le pays ces dernières années.

Originaire d’Adzopé (Sud), Patrick Achi présente surtout l’avantage politique d’être issu du PDCI, dont il était un des poids lourds avant de rallier le RHDP. Ex-vice-président du parti, il était aussi très proche d’Henri Konan Bédié. En choisissant un dauphin venu des rangs de l’ancien parti unique, Ouattara montrerait des signes d’ouverture et irait marcher sur les plates-bandes de Bédié, principale menace pour le RHDP à la présidentielle. D’autant que cet homme consensuel, qui a tenté jusqu’au bout de rapprocher le chef de l’État et le sphinx de Daoukro avant leur divorce en 2018, a gardé de bonnes relations avec de nombreux cadres de son ancienne famille politique.

Mais bien que président du Conseil régional de la Mé depuis 2013, Achi n’apparaît pas comme un pur politique. Discret dans les médias, moins connu qu’un Hamed Bakayoko, il aurait un vrai déficit de notoriété à combler en seulement quelques semaines s’il était choisi pour remplacer Amadou Gon Coulibaly.