Économie

Décryptage : pourquoi l’Algérie change ses billets de banque

Pour les autorités, il s’agit de retranscrire l’histoire récente sur la monnaie. D’autres y voient une réponse – insuffisante – au marché noir.

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Mis à jour le 9 juillet 2020 à 17:58

Billet de 1000 dinars algériens datant de 1992. On y voit une représentation datant de l’époque préhistorique au recto. © DrKingShultz90/ Wikimedia Commons / C BY-SA 3.0

Un signe de plus à l’intention du peuple algérien, près de dix-huit mois après le hirak qui a contraint Abdelaziz Bouteflika à démissionner. Le gouvernement a dévoilé, la veille de l’anniversaire de l’indépendance, les nouveaux modèles de billets de banque et de pièces de monnaie qui entreront en circulation dans le pays.

« Les futurs billets doivent permettre une nouvelle transcription du patrimoine historique algérien, avec la mise en avant de la période pré-coloniale puis de la résistance populaire », confie à Jeune Afrique une source à la Banque d’Algérie. Les nouveaux billets émis n’entraîneront pas la caducité des anciens, qui resteront utilisables, rappelle la banque centrale, qui ne précise pas jusqu’à quand ces derniers conserveront leur « pouvoir libératoire », leur cours légal.

Le 4 juillet, Abdelaziz Djerad, le Premier ministre algérien, a évoqué l’importance de la monnaie et de sa symbolique dans la vie des nations. Un lot de terrains a d’ailleurs été alloué par Alger à la Banque centrale pour la réalisation d’un centre industriel moderne comprenant une imprimerie, un siège pour le Trésor public, le centre national de tri des billets, un centre professionnel pour les métiers de fabrication et d’impression.

À noter que l’imprimerie de la Banque d’Algérie – qui imprime tous les papiers sécurisés du pays (billets, vignettes automobiles, timbres fiscaux…) – est pour l’instant située en plein centre-ville d’Alger. Le nouveau complexe sera, lui, selon nos informations, plus excentré.

40 milliards de dollars en dehors du circuit bancaire

À une question en marge de l’événement, Aymen Benabdarrahmane – ex gouverneur de Banque d’Algérie devenu ministre des Finances en remplacement d’Abderrahmane Raouya le 24 juin, a insisté sur le besoin de moderniser les méthodes de travail. « C’est là le moyen de résorber largement le marché parallèle », rapporte l’agence de presse officielle.

Ce dernier représente quelque 5 000 milliards de dinars (40 milliards de dollars) qui circulent en Algérie en dehors du secteur bancaire, soit plus de 50 % des encours des crédits accordés à l’ensemble de l’économie nationale, selon les dernières estimations de la banque centrale.

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Mais selon les professionnels du secteur, que ce soit l’émission de billets ou la mise en place d’un outil de production plus moderne, cette mesure ne va pas régler le problème du marché noir.

« Pour absorber ces ressources en dehors du circuit bancaire, il faudrait également systématiser le traitement par factures et le recours aux terminaux de paiement dans les commerces. Le gouvernement doit en plus développer le e-paiement, favoriser la bancarisation et travailler à changer les mentalités des citoyens  », prévient un banquier de la place d’Alger.

« Sans cela, les anciennes pratiques vont reprendre et les Algériens continueront de thésauriser », avertit notre interlocuteur. Selon le ministre algérien des Finances, une réforme fiscale et bancaire visant à consolider le dinar algérien est en préparation. Reste à savoir si elle adressera les faiblesses soulevées par les critiques des nouvelles émissions de monnaie.