Économie

D’Abidjan à Nairobi, pourquoi le discount sort gagnant du coronavirus

Les magasins discount de type Supeco ont attiré de nouveaux clients pendant la période de restrictions liées à la pandémie. Reste maintenant à les fidéliser.

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Mis à jour le 17 juillet 2020 à 10:50

Un magasin ChicShop, à Abidjan, le 28 mai 2020. © Thierry Gouegnon/REUTERS

Les magasins discount, gagnants de la pandémie de coronavirus ? C’est la tendance qui se dessine dans le monde de la grande distribution sur le continent. « Notre format Supeco a explosé avec le Covid-19 », témoigne Jean-Christophe Brindeau, le directeur général de CFAO Retail, la branche grande distribution du groupe français dirigé par Richard Bielle et contrôlé par le japonais Toyota Tsusho Corporation (TTC).

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Après avoir lancé l’enseigne à Dakar au Sénégal avec trois magasins (El Mansour, Grand Yoff et Golf) en 2019, CFAO, pour qui l’activité retail-FMCG ne représente que 6% de son chiffre d’affaires (5,5 milliards d’euros entre avril 2019 et mars 2020, majoritairement réalisé par les branches automobile et santé), l’a implantée à Abidjan en début d’année. « Dans ces magasins, nous sommes à 80% au-dessus du chiffre d’affaire moyen mensuel depuis mars », indique le responsable du groupe, qui prévoit l’ouverture d’une deuxième enseigne à Abidjan en janvier 2021 puis d’une première au Cameroun, à Douala, d’ici à mars 2021.

Épiceries et marchés traditionnels délaissés

« Souhaitant limiter les risques face au coronavirus, nombre de personnes ont délaissé les marchés et épiceries traditionnels pour se rendre dans nos magasins, découvrant ainsi notre offre », reprend Jean-Christophe Brindeau, qui a rejoint CFAO début 2018 et espère bien fidéliser une partie de ces nouveaux clients.

Les nouvelles enseignes de quartier offrent des garanties concernant l’hygiène et la distanciation sociale

Pour les distributeurs, les enseignes discount de quartier, qui ont gagné en visibilité ces derniers mois, ont des atouts pour s’imposer durablement dans le paysage. Répondant aux différentes attentes des consommateurs, elles présentent des garanties en termes de sécurité (hygiène et distanciation sociale faciles à assurer) tout en offrant des produits d’une certaine qualité à des prix très compétitifs et souvent vendus au détail, en adéquation avec le pouvoir d’achat local.

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« Chez Supeco, il est par exemple possible d’acheter 50 grammes de sucre seulement », note Jean-Christophe Brindeau. Autre point fort, ces enseignes sont moins sujettes aux ruptures d’approvisionnement que leurs concurrentes du secteur informel, gage de confiance auprès des clients.

Progression de la pénétration de la vente au détail

Cette mise en avant de la grande distribution discount s’inscrit dans un mouvement plus global d’une hausse de la pénétration du retail moderne. « On voit dans nos études que 50% des personnes interrogées au Kenya et au Nigeria déclarent être allées dans un supermarché pendant le confinement alors que ce chiffre est historiquement beaucoup plus faible », souligne, depuis Nairobi, Julien Garcier, directeur du cabinet Sagaci Research.

Les clients ont fait de plus grosses courses mais moins fréquemment

Les chaînes Naivas et Quickmart au Kenya mais aussi Addide et FoodCo au Nigeria ont ainsi largement tiré leur épingle du jeu. Dans le détail, les succès ont toutefois été à géométrie variable, les supermarchés situés dans des centres commerciaux ou dans les galeries marchandes étant par exemple pénalisés par les fermetures ou restrictions d’horaires imposées.

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Par ailleurs, si la pénétration a progressé, la fréquence d’achat a, elle, été réduite. « Le retail moderne a attiré plus de clients mais ceux-ci sont venus moins souvent, explique Julien Garcier. La fermeture de certains magasins, les plages horaires réduites et le besoin d’éviter les périodes de forte affluence ont fait que les clients ont fait de plus grosses courses mais moins fréquemment. »

La localisation, un point clé

A l’heure du premier bilan post-confinement, la question de la localisation s’avère plus déterminante que jamais. « Un emplacement considéré comme stratégique avant le Covid-19 ne l’est plus forcément aujourd’hui », indique le spécialiste de Sagaci Research. Les enseignes en centre-ville, jusqu’à présent valorisées, ont ainsi pâli face à des magasins situés en zones résidentielles, comme c’est le cas de nombre d’enseignes discount.

La crise sanitaire va jouer le rôle d’accélérateur d’une tendance déjà engagée

« Quoi qu’il en soit, les magasins modernes ont réussi à attirer de nouveaux clients pendant le confinement et ils devraient en conserver une partie », prédit Julien Garcier.

In fine, la période de coronavirus va jouer le rôle d’accélérateur d’une tendance déjà engagée, contribuant à renforcer la place de la grande distribution et, sans doute de façon plus marquée de celle des marques discount, dans le paysage africain encore largement dominé par le secteur informel.