[Tribune] La coalition pour le Sahel : une réussite franco-africaine 

Le sommet de Nouakchott, qui se déroulera le 30 juin, peut s’appuyer sur le succès de la première réunion des membres de la coalition pour le Sahel et sur de bons résultats militaires.

Le président Emmanuel Macron, au centre, pose avec les chefs d’État africains du G5 après le sommet du G5 Sahel à Pau, le 13 janvier 2020. © Alvaro Barrientos/AP/SIPA

Le président Emmanuel Macron, au centre, pose avec les chefs d’État africains du G5 après le sommet du G5 Sahel à Pau, le 13 janvier 2020. © Alvaro Barrientos/AP/SIPA

Pierre d’Herbès

Publié le 28 juin 2020 Lecture : 5 minutes.

En tout état de cause le dynamisme impulsé il y a quelques mois par le sommet de Pau porte ses premiers fruits. Personne ne peut encore crier victoire mais les premiers succès sont difficilement contestables.

Conformément aux dispositions prises à Pau le 13 Janvier 2020, la coalition pour le Sahel s’est lancée officiellement en avril et sa première réunion, le 12 juin, peut être considérée comme une belle réussite. Elle est parvenue à réunir prés de quarante-cinq ministre des Affaires étrangères, dont la quasi-totalité des pays européens, de la région Sahel et de son voisinage. À cela s’ajoute une quinzaine de représentants d’institutions internationales dont l’Onu, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ou l’Union africaine (UA).

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À l’issue de cette première réunion, tous les acteurs ont « réaffirmé leur engagement en soutien du G5 Sahel et en particulier dans un certain nombre de domaines clés, comme l’action contre le terrorisme et pour soutenir le retour de l’État et de l’administration dans les territoires des pays ainsi que l’aide au développement ». On est loin de l’« isolation » et de l’ « enlisement » de la France au Sahel, mis en avant par de nombreux experts il y a six mois.

Cette réussite est le fruit d’une prise de conscience internationale sur la nécessité de ne pas laisser le Sahel tomber dans le chaos. Une prise de conscience facilitée par les perspectives de victoire offertes par l’action militaire combinée des pays du G5 Sahel et d’une armée française ayant rationalisé ses objectifs. Des effets militaires certains permettant de faciliter le déploiement de l’aide internationale au développement.

On retrouve là les quatre piliers décidés au sommet de Pau (action militaire, entrainement et équipement du G5, aide au développement, aide à la gouvernance) réunis sous l’organisation de la coalition pour le Sahel dont le but est de coordonner toutes les initiatives déjà existantes afin de leur donner un agenda stratégique cohérent et synchronisé.

Effets militaires et engagement international

À la fin de l’année 2019, Barkhane et ses partenaires du G5 Sahel subissent de lourdes pertes, affectant leur moral et la légitimité même de l’opération. Par ailleurs, la force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S) se trouve presque au point mort. Ne parvenant pas à mobiliser ses partenaires européens, et sous la menace d’un retrait américain, qui se serait révélé désastreux en termes de capacité de renseignement, la France organise alors le sommet de Pau.

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Les déclinaisons militaires de ce dernier, prennent en compte un adversaire djihadiste plus agile, expérimenté et agressif qu’auparavant et prévoient de recentrer les objectifs de l’opération Barkhane et l’envoi de centaines de renforts. Le but : concentrer les forces sur la région dite « des trois frontières », tout en favorisant la montée en puissance et l’autonomisation militaire du G5 Sahel. Cela, afin d’assurer la sécurité dans des régions périphériques moins exposées mais propre à disperser les capacités combattantes de Barkhane. Cette dernière visant également, in fine, la pleine autonomie de la FC-G5S et des forces nationales du G5.

Ces derniers mois ont vu la concrétisation de cette vision : accélération du tempo des opérations, reprise de terrains perdus, montée en puissance significative des armées maliennes et nigériennes, création d’un état-Major conjoint pour la FC-G5S aboutissant à une autonomisation timide mais croissante des forces sahéliennes….

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De son côté, la Minusma a poursuivi son rôle de support en recentrant son dispositif vers le nord et le centre du Mali, aidant ce pays, et la France, à faire enfin appliquer l’accord d’Alger.

Malgré la menace du départ des États-Unis ou bien certaines tensions avec le Tchad, aucun acteur ne s’est retiré. Bien au contraire, grâce aux succès franco-africains, nombreux sont les signaux positifs de l’affirmation internationale dans la région : renforcement de la mission de formation de l’armée malienne (EUTM) et investissement de 138 millions d’euros dans la FC-G5S par l’Union européenne, investissement de 2,3 milliards de dollars par la Cedeao et l’Union économique et monétaire des États d’Afrique de l’Ouest (UEMOA) ainsi qu’un soutien croissant de l’UA.

La task force Takuba sera, de son côté, bientôt opérationnelle avec 13 pays participants dont l’Estonie, la République Tchèque, la Suède et la Grèce. Elle fournira un appui militaire de très haut niveau et spécialisé aux forces engagées ainsi que des missions de formation. On note enfin la volonté récente du Canada de participer à la coalition.

Aides à la gouvernance et au développement

La coalition pour le Sahel a pour objectifs de coordonner l’action de développement civil avec les gains militaire et notamment dans les zones les plus touchées et donc instables. Le flou qui pouvait régner auparavant venait de l’absence d’un agenda cohérent, en fait, d’une stratégie claire permettant à tous les acteurs de se référer, si ce n’est à un plan, en tout cas à un effet final commun.

Cette rationalisation permet dés lors de faciliter, voire d’amplifier, le déploiement des programmes de la communauté de développement sur le Sahel. Le principal programme ne change pas, il n’est qu’englobé par la coalition : c’est l’alliance pour le Sahel (23 pays membres) dont la première assemblée générale fût organisée le 25 février 2020, juste après Pau, et présidée par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian.

L’alliance pour le Sahel a su investir prés de 12 milliards d’euro en 3 ans, dont 800 millions en juin 2020, afin de contrer la crise du Covid-19. D’autres projets de développement très concrets ont pu fleurir dans la zone des trois frontières : formation de magistrats, formation de forces de gendarmeries (armée française), déploiement de services de base dans les zones reprises aux djihadistes, etc.

Le rapport de force est revenu en faveur du G5

De son côté, l’Union européenne a annoncé investir, au mois de mai, 194 millions d’euros pour « pour soutenir la sécurité, la stabilité et la résilience au Sahel ». D’autres projets concrets profitent de la présence des aides internationales et surtout de la présence militaire franco-africaine : le projet de ligne ferroviaire trans-sahélienne (5000 km) – un projet vu comme structurant par le G5-, le financement de 385 millions de dollars de l’Association internationale de développement (IDA) pour l’interconnexion électrique régionale (Tchad-Cameroun), etc.

En définitive, il ne s’agit pas de dresser un tableau idéal, la situation reste loin d’être réglée, mais de montrer que le rapport de force est revenu en faveur du G5. Comme l’a dit la ministre française des armées Florence Parly : « Nous sommes sur la bonne voie, mais il est encore trop tôt pour crier victoire ».

Toutefois, les dispositions prises à Pau ont été réalistes et appliquées par les tous les acteurs présents : les faits le démontrent. Et le sommet de Nouakchott sera probablement l’occasion pour tous de « transformer l’essai ».

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