Politique

Côte d’Ivoire : pourquoi le gouvernement accorde un délai aux électeurs

Les autorités ont prorogé d’une semaine la date limite du recensement électoral et d’un an la date de péremption des cartes d’identité. Entre crise du coronavirus et lenteurs administratives, plusieurs raisons peuvent expliquer cette décision.

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Mis à jour le 26 juin 2020 à 16:11

Inscription sur les listes électorales le 10 juin 2020, à Yopougon. © Issouf Sanogo / AFP

Dans le centre de recensement électoral du Lycée moderne d’Angré, dans la commune de Cocody, les potentiels électeurs se comptent sur les doigts d’une main, ce jeudi 25 juin. À la pluie qui s’est abattue sur Abidjan, qui aurait pu expliquer le manque d’affluence, s’est ajouté le report d’une semaine de la date limite d’inscription sur les listes électorales, qui a relâché quelque peu la pression pour les retardataires. L’opération devait courir du 10 au 24 juin, elle s’achèvera finalement le 1er juillet.

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À l’issue du conseil des ministres du mercredi 24 juin, Sidi Tiémoko Touré, porte-parole du gouvernement, en avait expliqué la raison : à « quelques heures » de la fin théorique du recensement, les autorités avaient noté que « la mobilisation des électeurs [connaissait] une forte progression suite aux campagnes de sensibilisation » initiées aussi bien la Commission électorale indépendante (CEI) que par les acteurs politiques et l’administration.

À terme, la CEI compte ainsi porter le collège électoral à plus de 10 millions d’individus, contre 6,6 millions aujourd’hui.

Polémique autour des certificats

« Par ailleurs, indique le communiqué du conseil des ministres, l’opération spéciale de délivrance des pièces administratives ayant atteint sa phase de croisière, de nombreux nouveaux majeurs disposeront dans les prochains jours, au-delà du 24 juin 2020, de leurs certificats de nationalité pour se faire inscrire et figurer sur la liste électorale ». De fait, ce document administratif, exigé pour être inscrit sur les listes, est au cœur de polémiques.

« Certains tribunaux font payer 4000 F CFA (environ 6 euros) de timbre, au lieu de 500 F CFA », dénonce Boka Bédé, secrétaire général du CRI-Panafricain, petit parti présidé par Abel Naki, allié au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, opposition). « Si quiconque, de quelque manière que ce soit, subordonne la délivrance de ces documents – certificats de nationalité et de résidence – au paiement d’une somme d’argent, cela sera constitutif d’une infraction, qu’on appellerait enrichissement sans cause, pouvant justifier des sanctions pénales », prévient Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, président de la CEI.

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Mais l’opposition a d’autres griefs. « Les noms de milliers d’électeurs ayant voté en 2010 ont été retirés de la liste sans qu’ils n’aient entamé aucune procédure en ce sens », ajoute Boka Bédé. « Si ces cas sont avérés, ils seront corrigés lors de la période de contentieux », rassure Émile Ebrottié, porte-parole de la CEI.

La commission électorale ivoirienne inscrit une électrice sur les listes, le 10 juin 2020, à Yopougon. © Issouf Sanogo / AFP

La commission électorale ivoirienne inscrit une électrice sur les listes, le 10 juin 2020, à Yopougon. © Issouf Sanogo / AFP

Un délai lié au coronavirus

Autre chantier, celui de la délivrance des cartes nationales d’identité par l’Office national de l’état civil et de l’identification de Côte d’Ivoire (Oneci). Annoncée pour début avril, puis pour le 22 juin, elle a été reportée à une date ultérieure. Le gouvernement a donc décidé de proroger à nouveau d’un an la période transitoire de validité des CNI périmées depuis 2019 « en raison des mesures restrictives prises pour lutter contre la propagation du coronavirus », explique Sidi Tiémoko Touré.

La prolongation de la période d’inscription sur les listes électorales semble arranger tous les partis politiques. Certains en avaient exprimé le souhait. C’était le cas du Front populaire ivoirien (FPI), qui, par la voix d’Assoa Adou, secrétaire général du parti de Laurent Gbagbo, avait demandé au gouvernement « de prolonger les délais d’enrôlement pour les pièces administratives nécessaires à l’obtention du certificat de nationalité spéciale, et de repousser les délais d’inscription sur la liste électorale, alors que les opérations sont engorgées, ralenties ou bloquées dans plusieurs localités du pays et à l’étranger ».