Du Cameroun au Kirghizistan, un footballeur africain raconte le miroir aux alouettes des filières clandestines

Racisme, humiliation, pauvreté… Originaire du Cameroun, le footballeur Claude Maka Kum est passé par toutes les phases de l’escroquerie classique que subissent des milliers de jeunes footballeurs africains. Interview.

Le joueur de football camerounais Claude Maka Kum vit aujourd’hui en Suisse. © DR

Le joueur de football camerounais Claude Maka Kum vit aujourd’hui en Suisse. © DR

Publié le 21 juin 2020 Lecture : 9 minutes.

Claude Maka Kum vit aujourd’hui dans la banlieue de Lausanne avec son épouse suisso-camerounaise, sa fille et l’accent du pays. De quoi embellir sa palette phonétique, lui qui parle encore aisément le russe.

Né au Cameroun au milieu des années 1980, Claude s’est fait embrigader par un agent de football à Moscou, où il s’est retrouvé avec vingt autres Camerounais dans un appartement de trois chambres. Sans club. Et sans agent, qui a disparu.

Pour survivre, il distribue alors des tracts et accepte de se faire toucher le corps et les dents par les élèves russes d’une école privée. Par un heureux hasard, il se retrouve finalement au Kirghizistan où il finit par obtenir la nationalité pour porter le maillot de l’équipe nationale. Mais l’attachement est uniquement sportif. « C’était juste pour ma carrière, point barre », dit-il.

En ce début d’après-midi, dans le salon de son bel appartement au mobilier moderne et coloré, le trentenaire s’apprête à se replonger dans son incroyable parcours de footballeur, des quartiers de Douala aux steppes du Kirghizistan en passant par le métro moscovite. Une vie aux quatre coins du monde qui lui a conféré une identité d’aventurier, mais qui a surtout modifié son rapport à l’argent. Interview.

Jeune Afrique : D’où êtes-vous originaire au Cameroun ?

Claude Maka Kum : De Bomono Ba Jedu, un village situé à vingt-cinq minutes de route de Douala, la capitale économique. Je viens d’une famille de classe moyenne. J’ai décidé d’arrêter mes études pour pratiquer le football quand j’ai vu que beaucoup d’amis avaient pu quitter le Cameroun alors qu’ils étaient moins bons que moi. Ça m’embêtait, mais je m’étais juré de ne jamais payer pour aller jouer à l’étranger : si un club s’intéressait à moi, c’est lui qui devait s’occuper de tout. Puis j’ai fini par tomber dans le piège. Vers mes 20 ans, peu de temps après le décès de mon père, un cousin m’a appelé pour me proposer de le rejoindre en Russie, où il disait jouer au foot.

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Avez-vous été mis en contact avec un agent ?

Oui, un certain Alain Niem, qui se disait détecteur de talents auprès des clubs de Douala. Je lui ai fait confiance, convaincu par ma mère et surtout par mon cousin que je croyais sur parole vu qu’il avait un bon niveau. La tactique d’Alain Niem était simple : il demandait de l’argent, créait de fausses invitations de clubs russes, se débrouillait pour obtenir des visas puis empochait l’argent. Ma mère m’a prêté 1 500 dollars et je suis parti avec quatre autres joueurs du Cameroun vers Moscou.

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Comment s’est passée l’arrivée en Russie ?

C’est « Bissong », un doyen camerounais, qui nous a accueillis à l’aéroport : il avait fait ses études en Russie donc il parlait bien la langue. Il nous a directement amenés dans un établissement cinq étoiles. C’était étrange que l’on n’ait pas directement rencontré les membres des clubs qui nous invitaient, mais j’avais une grande chambre et une télévision. C’était le rêve. Après trois jours, la réception nous a demandé de libérer nos chambres. On a montré notre visa sur lequel était inscrite notre invitation par le FC Moscou. L’hôtel a fait venir le manager du club sur place. Il a sorti la liste des joueurs qu’il attendait, aucun de nous n’y figurait… Il a été bienveillant et a payé notre facture, mais on s’est retrouvés à la rue. C’est là qu’on a compris qu’Alain n’avait pas de contacts, rien du tout. Un escroc.

Certains de mes partenaires ont même fait de la prostitution auprès de vieilles dames

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