Il n’y aura finalement pas eu d’ultime rebondissement. Mercredi soir, la Cour constitutionnelle a posé le dernier acte d’une saga politico-judiciaire qui avait démarré mi-mai, par le lancement d’une pétition réclamant la déchéance de Jean-Marc Kabund-a-Kabund. Dans son arrêt, la cour a jugé que la saisine de Kabund – qui jugeait son éviction non constitutionnelle – était certes recevable, mais « non fondée ».
Le vote de destitution du 25 mai, issu d’une séance pour le moins agitée lors de laquelle des députés en étaient venus aux mains, a donc été confirmé par les juges. Le président intérimaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, de Félix Tshisekedi) n’a désormais plus de voie de recours.
Fronde des députés
Le premier acte de sa déchéance s’est joué le 13 mai, lorsque le député de l’opposition Jean-Jacques Mamba, du Mouvement de libération pour le Congo (MLC, de Jean-Pierre Bemba), a déposé sur le bureau de la présidence de l’Assemblée une pétition portant la signature de 62 députés réclamant le départ de Kabund.
Les députés reprochaient notamment au premier vice-président de n’avoir pas pu se justifier sur ses allégations portant sur les fonds – 7 millions de dollars – nécessaires à la convocation en congrès des élus nationaux, que réclamaient les présidents des deux chambres du Parlement pour « valider et régulariser l’état d’urgence » que venait de décréter Félix Tshisekedi.
Lors du vote sur cette motion, fixé au 25 mai, l’initiateur de la pétition n’était pas présent : le député Jean-Jacques Mamba avait en effet été arrêté deux jours plus tôt et jugé en procédure d’urgence pour « faux et usage de faux ». Trois députés, dont Simon Mpiana, un membre de l’Union pour la nation congolaise (UNC, de Vital Kamerhe), avaient assuré n’avoir jamais signé la pétition.
L’interpellation de Mamba a provoqué un tollé à l’Assemblée, contribuant à radicaliser les positions des députés qui, au terme d’une séance marquée par des menaces, des insultes et une bagarre, ont voté majoritairement en faveur de la destitution (289 voix pour, 17 contre et 9 abstentions, sur les 315 élus qui ont pris part au scrutin).
Kabund tenace, mais débouté
Un vote que n’a pas accepté Kabund, qui a porté l’affaire devant la justice. Dans le même temps, le 8 juin, Félix Tshisekedi a personnellement désigné la députée Patricia Nseya pour remplacer Kabund. Mais le 12, jour prévu pour l’élection, le procureur général près le Conseil d’État a envoyé la police à l’Assemblée pour empêcher le scrutin. La veille, le Conseil d’État avait en effet décidé de suspendre la procédure, le temps que la demande de Kabund soit étudiée par la Cour constitutionnelle.
Félix Tshisekedi perd un atout stratégique au Parlement
Avec ce départ forcé désormais confirmé, Félix Tshisekedi perd un atout stratégique au Parlement. Pour Jean-Marc Kabund, qui siège aussi au comité de suivi de l’accord entre le Front commun pour le Congo (FCC, de Kabila) et le Cap pour le changement, (Cach, de Tshisekedi), c’est un nouveau revers. Déjà fragilisé au sein de l’UDPS, où certains cadres contestent sa gestion, le président par intérim du parti se trouve désormais dans une situation particulièrement inconfortable.
Avant que la décision de la Cour constitutionnelle ne tombe, à l’Assemblée, une nouvelle pétition avait d’ailleurs été lancée pour contrer une éventuelle réhabilitation de Kabund, initiée cette fois-ci par le député Didier Manara, du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, membre du FCC).
Quelques jours avant la décision de la Cour constitutionnelle, des proches de Félix Tshisekedi avaient un autre scénario en tête : en cas de réhabilitation, Kabund devait annoncer, ensuite, sa démission. « Ce que cherchait Kabund, c’était d’être réhabilité, pour son honneur. Il l’avait demandé au président Félix Tshisekedi qui, au regard des faits, avait répondu favorablement », assurait ainsi à Jeune Afrique une source proche du chef de l’État. Un scénario que n’ont donc pas respecté à la lettre les juges de la Cour constitutionnelle.