Économie

Gabon : la bataille pour la gestion des déchets à Libreville touche-t-elle à sa fin ?

Le bras de fer au sein du gouvernement pour le contrôle de l’important marché lié à la collecte et au traitement des ordures ménagères de Libreville semble trouver une issue. Le Premier ministre a tranché en faveur de la mairie de la capitale gabonaise.

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Mis à jour le 15 juin 2020 à 09:30

Julien Nkoghe Bekale © François Zima pour JA

Après plus d’un an d’atermoiements, un décret transférant aux collectivités locales la collecte des ordures ménagères et la gestion des importants marchés publics afférents a été pris le 12 juin, en Conseil des ministres. Selon nos informations, le Premier ministre Julien Nkoghe Bekale avait annoncé cette décision le 9 mai aux membres du gouvernement concernés et au maire de Libreville, Léandre Nzué, lequel sera désormais en charge de la passation de ce contrat, financé à plus de 650 millions de F CFA mensuels.

Une loi jamais appliquée

Ce transfert de compétences était attendu depuis la promulgation en 1996 de la loi sur la décentralisation. Mais jusqu’à ce jour, de puissants groupes d’intérêts étaient parvenus à empêcher cette réforme. Et cela, en dépit de la défaillance notoire de la Société de valorisation des ordures ménagères (Sovog), financée par le Fonds de péréquation des collectivités locales et placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur.

Courant 2012, face à l’insalubrité devenue quotidienne, le chef de l’État Ali Bongo Ondimba avait enjoint ses collaborateurs et ministres concernés de trouver une solution sans délais. Le 12 octobre 2012, le Tahitien Dominique Auroy, actionnaire à 99% de la Sovog, à travers l’entité Pangola Afrique, a alors été fermement prié de convoquer une assemblée générale. Au cours de cette réunion, 70% du capital de l’entreprise a été cédé à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour un montant de 8,7 milliards de F CFA.

Six mois plus tard, le 12 avril 2013, lors d’une nouvelle assemblée générale, un changement de dénomination a été décidé. La société a été rebaptisée Clean Africa et de nouveaux administrateurs ont été désignés parmi lesquels Pacôme Moubelet, alors secrétaire général du gouvernement, Lambert Noël Matha qui officiait en tant que secrétaire général du ministère de l’Intérieur, Yves Fernand Manfoumbi, ancien directeur général du Budget, ou encore l’ancien directeur général de l’Environnement, Léandre Ebobola Tsibah.

Selon le compte-rendu de cette session, signé par le notaire Alfred Bongo Ondimba et que Jeune Afrique a pu consulter, une résolution octroyait à titre personnel à ces administrateurs désignés une indemnité de fonction mensuelle de 4 millions de F CFA.

Limogeages en série

Mais, en dépit de ces changements, les déchets ont continué de s’amonceler sur les trottoirs de Libreville. Incapable d’exécuter son contrat, Clean Africa en a confié la sous-traitance à Averda, une entreprise libanaise qui a installé ses bureaux – sans contrat de bail – à la décharge de Mindoubé, près de Libreville. Lorsque Brice Laccruche Alihanga (BLA) fut nommé directeur de cabinet du président, il a découvert ce montage et décidé de créer, le 29 mars 2019, un Haut-commissariat à l’environnement et au cadre de vie.

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Cette nouvelle structure était chargée, entre autres, de gérer depuis le Palais du Bord de mer la manne annuelle – près de 30 milliards de F CFA – du Fonds de péréquation des collectivités locales. BLA a placé à sa tête l’un de ses protégés, Yannick Ongonwou Sonnet.

BLA, qui souhaitait faire monter en puissance le Haut-commissariat, a ensuite écrit à la direction d’Averda pour l’informer qu’au 31 décembre, le contrat ne serait pas renouvelé. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Tous les acteurs de cette filière ont été limogés par Ali Bongo Ondimba, exceptés Lambert Noël Matha, l’actuel ministre de l’Intérieur et Yannick Ongonwou Sonnet. Deux d’entre-eux, à savoir Alain Ditona Moussavou, l’ancien directeur général de la CDC et BLA lui-même font l’objet d’une procédure judiciaire. Les collectivités locales étant désormais chargées de la gestion des ordures, le Haut-commissariat devrait être transformé en une direction générale rattachée au ministère de l’Environnement.